« Le curé d’Ars était plongé en Dieu et uniquement en Dieu »

Paris Notre-Dame du 31 juillet 2025

Le sanctuaire d’Ars vit à l’heure de l’année jubilaire mais aussi du centenaire de la canonisation de Jean-Marie Vianney, déclaré saint patron de tous les curés de l’univers par Pie IX, en 1929. Un anniversaire qui n’a pas échappé au pape Léon XIV, qui l’a donné en exemple aux catholiques français lors de sa lettre aux évêques de France du 31 mai dernier. Retour sur cette figure majeure du sacerdoce – à quelques jours de sa fête, le 4 août – avec le P. Rémi Griveaux, prêtre du diocèse de Paris, curé actuel d’Ars et recteur du sanctuaire d’Ars depuis 2020.

Statue du curé d’Ars.
© Étienne Castelein

Paris Notre-Dame – On connaît son nom, mais peu sa personnalité. Qui est le curé d’Ars ?

Le P. Rémi Griveaux est curé actuel d’Ars (Ain) et recteur du sanctuaire d’Ars depuis 2020.
© Béatrice Preve

P. Rémi Griveaux – J’aime citer cette phrase de l’archiviste du sanctuaire : « On ne peut approcher le curé d’Ars qu’humblement. » De son vivant, Jean-Marie Vianney suscitait la même indifférence, voir même le mépris, qu’il y avait envers sainte Thérèse de Lisieux. Pour ses pairs, il était trop malingre et même « ignare » ; sa bibliothèque nous prouve aujourd’hui qu’il était, en réalité, très érudit et qu’il travaillait beaucoup. Pour ceux qui venaient le voir, il pouvait apparaître comme « Dieu dans une personne » ou, au contraire, très insignifiant. Il faut dire qu’il y a quelque chose de très ordinaire dans sa vie : ordonné prêtre en 1815 à Grenoble, il est nommé à Ars en 1818. Cette bourgade de 258 âmes n’était même pas une paroisse et la population, au sortir des années révolutionnaires et des guerres napoléoniennes, avait perdu le chemin de l’Église. Le premier jour de son arrivée, à 4h du matin, il ouvre l’église et prie. Il fera ça toute sa vie, pendant quarante-et-un ans : prier, célébrer la messe, confesser. Rien de très extraordinaire, à première vue. Et pourtant, sa manière d’être prêtre transformera profondément le village d’Ars. Les habitants ne viennent plus à l’église ? Il va les chercher, chez eux, aux champs, en faisant du porte-à-porte. Il fait fermer les quatre cabarets et combat l’oisiveté et l’illettrisme ; il fait sonner le clocher de l’église afin de « sanctifier les heures » en récitant, à chaque sonnerie, un Ave Maria. Il rencontre des orphelines ? Il fonde l’école de La Providence, qui abritera jusqu’à quatre-vingt pensionnaires et à qui il fait la catéchèse, tous les jours, à 11h. Les pénitents affluent toujours plus nombreux, nécessitant parfois une attente de trois ou quatre jours ? Le village s’organise pour proposer des chambres d’hôtel ; on estime qu’il aura confessé pas moins d’un million de personnes durant toute sa vie.

P. N.-D. – D’où tenait-il cette énergie, lui qui était malingre et de constitution fragile ?

R. G. – Le curé d’Ars était plongé en Dieu et uniquement en Dieu. Il n’avait d’autre objectif que de se rendre totalement disponible à la volonté de Dieu et au chemin qu’Il lui montrait, ce qui lui donnait une grande liberté. Concrètement, cela se manifestait par une offrande totale de sa vie : pour cela, il pratiquait très régulièrement – en plus de l’oraison quotidienne, des sacrements et d’une vie de prière assidue – l’ascèse et le jeûne, afin de s’en remettre tout entier à Dieu, jusque dans ses capacités physiques, lui qui se savait faible. Et de fait, il était inépuisable, comme habité par une source qui jaillit sans cesse. Derrière son apparence fragile et écrasée, il avait une force intérieure ahurissante. Si l’on devait choisir une devise, parmi toutes les paroles qu’il a prononcées, il me semble que ce serait « Tout à Dieu, tout pour Dieu. » Il disait aussi : « Quel bonheur de t’aimer Seigneur, d’être aimé de toi et de te faire aimer. » Lui qu’on imagine volontiers tristounet, vieillot, gris, était en fait tout tourné vers le bonheur.

P. N.-D. – En quoi était-il novateur ?

R. G. – Dans sa manière de confesser, il est intéressant de voir comment il va passer d’un certain rigorisme à une attitude beaucoup plus souple et miséricordieuse ; il est soutenu, en cela, par son évêque, Mgr Devie, qui répand dans son diocèse le ligorisme [de saint Alphonse de Ligori, NDLR], qui va tout à fait en ce sens. Dans son grand désir de conduire des âmes à Dieu, Jean-Marie Vianney rassure ceux qui viennent à lui en leur disant qu’il est bien plus grand pécheur qu’eux. Il était aussi très tourné vers l’évangélisation, non seulement en allant faire du porte-à-porte pour parler du Christ à ses paroissiens, mais en lisant et annonçant l’Évangile, à une époque où les prêtres proposaient surtout de s’édifier à travers des livres de piété ou de vie spirituelle. Il parlait de l’Évangile comme « ce livre de l’amour du Seigneur », à diffuser pour « allumer le feu de l’amour de Dieu ».

P. N.-D. – Qu’est-ce que cette figure peut dire aux prêtres d’aujourd’hui ?

R. G. – Sa confiance et son obéissance face à Dieu peuvent parler à tout prêtre, d’hier, d’aujourd’hui… et même de demain ! Il ne voulait pas être curé, il craignait l’écrasement de la charge ; mais il a discerné que telle était la volonté de Dieu pour lui, et a obéi. Soit on s’appuie sur les forces humaines, soit on va chercher les forces en Dieu : la vie du curé d’Ars est un vrai encouragement à se fonder en Dieu. Je pense tout particulièrement aux jeunes prêtres : ce que leur dit le curé d’Ars, c’est de ne pas se consumer dans une succession d’activités, mais de se rendre disponibles à Dieu, et non d’abord à leurs projets. Ce face-à-face perpétuel avec Dieu, c’est la réponse à la crise existentielle qui ronge le prêtre aujourd’hui. Alors, il ne s’agit pas forcément de faire tout comme le curé d’Ars, qui avait trouvé son chemin par le jeûne et une grande ascèse ; copier les saints, c’est copier leurs défauts ! Lui-même avait tancé Catherine Lassagne, son “bras droit”, qui cherchait à l’imiter : « Vous n’avez pas à jeûner comme moi, cela vous empêche de faire votre travail ! » Mais sa vie rappelle combien c’est toujours Dieu qui parle, toujours les sacrements qui nous nourrissent. C’est ainsi qu’on devient un pasteur selon le cœur de Dieu, et il n’y a pas de plus grand cadeau pour une paroisse, ni de plus grande miséricorde pour le peuple de Dieu.

Propos recueillis par Charlotte Reynaud

Evénements à venir au sanctuaire d’Ars

  • 3 et 4 août : fête de saint Jean-Marie Vianney, jubilé des prêtres et des curés. Au programme : conférences (P. Éric Morin, Mgr François Durand), messe solennelle, adoration eucharistique, vénération de la relique du cœur du curé d’Ars, procession, veillée d’adoration…
    Plus d’informations et de détails sur arsnet.org
  • 14 septembre : jubilé des séminaristes et fête de la Croix glorieuse, en présence de Mgr Luc Meyer, évêque de Rodez et Vabres.
  • Du 12 au 18 octobre : retraite sacerdotale nationale, prêchée par le cardinal Jean-Marc Aveline, archevêque de Marseille.
  • Du 31 octobre au 2 novembre : festival Sainteté et clôture du Jubilé, en présence du nonce apostolique, Mgr Celestino Migliore.
  • Du 31 octobre au 11 novembre : spectacle sur le curé d’Ars, J’ai vu Dieu dans un homme.
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