« Le numérique est à considérer avec le même sérieux que l’imprimerie »
Paris Notre-Dame du 1er juin 2023
Lundi 5 juin, l’Observatoire de la modernité du Collège des Bernardins propose une conférence de Bruno Patino, directeur d’Arte GEIE, sur le thème La civilisation de l’écran total. Pourquoi ? Quels sont les enjeux ? Explications de Louis Manaranche, professeur agrégé d’histoire, coresponsable de l’observatoire.
Propos recueillis par Isabelle Demangeat @LaZaab
Paris Notre-Dame – Pourquoi penser aujourd’hui les écrans et leurs répercussions sur notre société ?
Louis Manaranche – Nous sommes dans une société où le numérique a tout envahi, aussi bien dans la sphère privée que dans la sphère professionnelle. Cet outil n’est pas neutre. L’implication de l’omniprésence du numérique dans notre société est à considérer avec le même sérieux que l’imprimerie. L’enjeu est de comprendre comment nos comportements en sont profondément modifiés, avec bien sûr des facilitations, mais aussi des fragilités nouvelles qui apparaissent. Je pense notamment aux difficultés dans la concentration, la prise de distance, à l’accroissement des phénomènes de dissociation et la manière dont une partie de nos décisions collectives peuvent être déléguées à des machines.
P. N.-D. – Quels sont les risques ?
L. M. – Une dépossession de notre destinée commune et une dépossession de ce qui a constitué notre humanité par le rapport à la mémoire, l’oralité, la capacité à développer un esprit critique qui est au cœur de toute quête de liberté. Parce que l’agir libre des personnes dépend de la capacité de chacun à discerner ce qu’il perçoit comme « bien » ou comme « pas bien ». Notre idée n’est pas d’être technophobe mais de regarder ce qui est de l’ordre de l’atout, dans l’écran et la société qu’il créé, et ce qui est de l’ordre du danger. L’enjeu est de discerner, de séparer pour mieux appréhender avec distance. Cette réflexion existe déjà. Mais elle mérite d’être pensée aujourd’hui avec une forme d’urgence. Parce que le temps s’accélère et des problématiques, comme celle de l’intelligence artificielle, deviennent très prégnantes. Par ailleurs, la crise sanitaire a accru les addictions autour du numérique, notamment chez les jeunes. Bruno Patino est la bonne personne pour en parler. Il est à la fois un acteur de l’audiovisuel et possède une vraie hauteur de vue, une distance, sur le sujet.
P. N.-D. – Pourquoi explorer ce type de questions au sein de l’Observatoire de la modernité ?
L. M. – Cela fait longtemps que cet observatoire s’interroge sur les fondamentaux de ce qui constitue notre époque. En 2023, nous avons voulu plus particulièrement nous interroger sur ce qui faisait que nos toutes dernières années nous ont fait basculer dans un XXIe siècle en grande rupture avec le XXe siècle. Il y a eu la pandémie, le retour de la guerre conventionnelle, une accélération dans le numérique... Notre observatoire a pour vocation de proposer une connaissance plus approfondie de notre époque avec une prise de recul et de mieux comprendre la manière dont la proposition chrétienne dans le monde actuel peut trouver une pertinence nouvelle. Nous ne pouvons pas évangéliser dans un monde dont nous ne connaissons pas les lames de fond. Cette connaissance est nécessaire pour que toute annonce soit crédible. Notre cycle de conférences de 2023 s’achèvera avec celle-ci. Nous voudrions, l’année prochaine, réfléchir autour de la notion du travail.
Le 5 juin, de 20h à 21h30 au Collège des Bernardins : 20 rue de Poissy, 5e.
Tarifs : 6€ ; 3€ (réduit ; - de 30 ans). Plus d’informations et réservations : collegedesbernardins.fr
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