Les aumôneries étudiantes face à la crise

Paris Notre-Dame du 11 février 2021

Le malaise étudiant au cœur de la pandémie est grandissant. Au sein des aumôneries et des groupes de jeunes adultes à Paris, leurs membres s’organisent avec les aumôniers pour rejoindre les plus isolés. Et se serrer les coudes.

Louise, Clément et Charlotte, étudiants de troisième année, membres de l’aumônerie de l’Institut catholique de Paris.
© Laurence Faure

Emeline, yeux tirés mais sourire pointant derrière son masque, tente de tenir bon. Comme ses camarades de « La catho », l’Institut catholique de Paris (ICP). Si elle vit en foyer, la jeune femme en troisième année de droit explique que cela n’empêche pas un sentiment d’isolement : « En foyer, les étudiants partent et reviennent, entre confinements et vacances... Et avec le couvre-feu, ayant des cours en ligne toute la journée, nous ne pouvons quasiment rien faire d’autre. On se sent très seuls derrière nos écrans. » Ce mardi midi, avec quelques autres étudiants, Emeline est venue à la messe à l’église St-Joseph des Carmes (6e), attenante à l’université, à l’appel du bureau de l’aumônerie et du P. Benoît Aubert, leur aumônier et vicaire épiscopal pour les jeunes adultes à Paris. Depuis janvier, l’aumônerie a repris des activités « limitées », « encore possibles », comme une récente journée organisée à St-Germain-des-Prés (6e). « Cela nous fait du bien », témoigne Emeline. Car même si certains rendez-vous ont pu être maintenus en « distanciel », « beaucoup en ont marre d’être derrière leurs écrans ». L’aumônerie et ses étudiants maintiennent aussi une vigilance envers les plus précaires (étrangers, éloignés de leurs familles, parfois sans ordinateurs…). « Nous n’avons pas tous des problèmes matériels, mais nous subissons tous une certaine morosité, observe Emeline. Nous sommes fragilisés dans nos bases : il suffit d’un petit truc pour nous mettre par terre. Il y a une sorte d’instabilité émotionnelle. Et le contexte anxiogène n’aide pas. » Question foi, c’est plus aride aussi. À la sortie de la messe, Charlotte, Louise et Clément acquiescent : « On s’est sentis un peu coupés dans notre élan depuis la crise. L’aumônerie prenait une grande place dans notre vie fraternelle, spirituelle, beaucoup plus réduite aujourd’hui. Nous avions un rythme bien calé. Cette crise nous oblige à repenser notre foi. C’est plus dur, même si nos amitiés restent ! » Ailleurs aussi, on s’organise. « Nous appelons les groupes, pour suivre le moral des troupes, explique Élisabeth Laneyrie, à la pastorale des jeunes adultes. Nous recevons parfois des demandes d’aide, ce qui permet de mettre en contact des étudiants en détresse avec des aumôneries. Nous encourageons aussi les activités de solidarité, comme les maraudes, auxquelles les jeunes peuvent s’associer, pour qu’ils retrouvent une dimension sociale et communautaire. » Autre initiative : des paroisses et aumôneries ont ouvert des salles pour permettre aux étudiants de travailler et d’échanger, selon les règles sanitaires. C’est le cas à l’aumônerie des Grands Moulins (13e), où le P. Cyrille Janssen constate néanmoins que le campus est « très vide par rapport à la normale ». Pour aller à la rencontre des jeunes isolés dans leurs résidences, il a monté l’« opération Barnabé » : une fois par semaine, des binômes d’étudiants de la paroisse N.-D. de la Gare (13e) et de l’aumônerie vont toquer aux portes pour échanger et proposer d’éventuels services. « L’accueil est quasiment toujours excellent », observe l’aumônier, qui y voit « un besoin de discuter ». Son constat ? « Plus qu’une pauvreté matérielle, une pauvreté humaine et relationnelle. Ces jeunes sont souvent déboussolés, apeurés. Tout l’enjeu est de pouvoir leur proposer des clés de stabilité intérieure, pour y puiser la force d’âme. »

Laurence Faure @LauFaur

Pour suivre la pastorale des jeunes adultes à Paris : jeunesaparis.fr.

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