Méditer pour prier
Paris Notre-Dame du 11 juillet 2019
Le 15 juin dernier, était inauguré la première phase des travaux de l’abbaye de Bonnevaux, à Marçay (Vienne). Ce lieu abrite le centre spirituel international de la Communauté mondiale pour la méditation chrétienne (CMMC) et un centre pour la paix, qui ouvriront leurs portes à la fin de l’année. Une centaine de groupes de prière existent déjà en France, dont cinq à Paris.
Tous les mercredis soir, à St-Louis-en-l’Île (4e), une dizaine de personnes se réunissent autour de Robert Mc Keon pour une soirée de prière, sous forme de méditation. Ce diacre permanent, né aux États-Unis, a découvert cette pratique il y a quarante ans. « Pendant des années, je me suis demandé comment prier. Et puis, un peu par hasard, j’ai découvert la méditation chrétienne, qui était enseignée dans ma paroisse à Boston. » Redécouverte au début des an¬nées 1970, aux États-Unis, par quatre moines trappistes, développée par John Main, moine bénédictin d’origine irlandaise, la méditation chrétienne s’inspire à la fois de la tradition hindouiste et de celle des Pères du désert. « Ces derniers avaient bien compris que l’activité incessante de l’esprit de l’homme l’empêchait de se recueillir et de se rendre vraiment présent à Dieu », explique Robert Mc Keon. Évagre le Pontique, moine du IVe siècle, affirme ainsi : « Rends ton esprit, au moment de la prière, sourd et muet, et tu pourras prier. » Un autre moine du désert, l’Abba Isaac, recommande de garder continuellement en esprit un verset simple, tiré du psaume 69 : « Mon Dieu viens à mon aide, Seigneur à mon secours. » En fixant ainsi son attention, l’esprit évite de se laisser distraire par ses propres pensées. « C’est une prière simple, poursuit le diacre parisien, qui ne demande aucune réflexion. Ce mot que nous répétons – maranatha, qui signifie viens Seigneur – agit comme un gouvernail, nous permettant de ne pas partir à la dérive et de diriger notre esprit vers le Seigneur. »
Coordinatrice régionale Île-de-France pour la communauté française, et coordinatrice pour l’abbaye de Bonnevaux (Vienne), Frédérique, psychothérapeute de profession, a découvert la méditation il y a une vingtaine d’années. « Je pratiquais la méditation zazen mais, chrétienne et croyante, je n’étais pas à l’aise avec cette pratique trop éloignée de ma foi. C’est en lisant le livre de John Main que j’ai découvert la méditation chrétienne. Cette pratique a changé mon rapport à la foi et m’a permis d’axer ma vie sur le Christ en m’apportant une stabilité que je n’avais pas. » Succédant à John Main après sa mort en 1982, F. Laurence Freeman, moine bénédictin lui aussi, s’installe à Londres (Grande-Bretagne) où il crée la World Community for Christian Meditation (WCCM). Aujourd’hui la communauté est présente dans plus de 120 pays, et compte quelque 30 000 pratiquants. Le centre international, qui vient de s’installer à Bonnevaux, reconnu par le diocèse de Poitiers, a pour ambition de rayonner en Europe et dans le monde. Cette ancienne abbaye du XIIe siècle accueille depuis le 1er avril une communauté d’oblats bénédictins – le tiers ordre laïc. En France, la communauté est implantée depuis une vingtaine d’années, mais elle s’est véritablement déployée il y a dix ans
Le groupe de St-Louis-en-l’Île est un des plus anciens. Bruno de Benoist et son épouse l’ont intégré il y a trois ans, à leur arrivée dans la paroisse. Familier des techniques de yoga et de méditation profane, Bruno souligne les convergences existantes, tout en insistant sur la spécificité de la méditation chrétienne. « Au contraire de la méditation aconfessionnelle, la méditation chrétienne s’oriente vers Dieu. Chaque séance nous ouvre à sa présence, en laissant la place à l’Esprit pour agir. Ce qui est difficile, ajoute-t-il, c’est de maintenir le silence en soi, sans que nos pensées ne viennent nous parasiter. Parfois, j’y parviens. Parfois non. Méditer tous les matins me permet d’aborder ma journée de façon différente. Je suis moins stressé, plus disponible à l’autre. » « Le danger, souligne Robert Mc Keon, serait de pratiquer cette méditation pour rechercher une forme de bien-être. Mais comme toute prière, la méditation chrétienne reste un combat spirituel. La paix n’est pas immédiate. Faire taire les bruits du monde est difficile mais, comme le rappelle le pape François, c’est le seul moyen “pour écouter la voix suave du Seigneur qui résonne dans le silence”. »
Priscilia de Selve
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