Passeurs d’espérance
Paris Notre-Dame du 28 octobre 2010
Dans un contexte de raréfaction du parcours funéraire traditionnel en plusieurs étapes, du lit de mort à l’inhumation, ils sont plusieurs centaines, bénévoles ou salariés du diocèse, mobilisés pour proposer un accompagnement chrétien des défunts et apporter soutien et espérance à leurs familles. Une démarche exigeante, mais riche de sens pour ces laïcs engagés.
Un petit livre de prières bien en main, Anne, responsable de l’aumônerie catholique de l’hôpital Ste-Périne (16e), accueille les membres de la famille Marin [1] dans les couloirs de la morgue de l’établissement. Elle serre quelques mains, s’enquiert du moral des proches du défunt puis, discrètement, se met en retrait, laissant oncles, cousins et amis se retrouver dans la tranquillité et l’émotion. Quelques minutes passent et chacun franchit le seuil qui conduit dans une grande pièce où se trouve le cercueil, dans lequel chacun peut voir le visage reposé du défunt. Dans une atmosphère recueillie, Anne propose à l’assistance de lui rendre hommage. Lecture de textes, prières et témoignages se succèdent : tout est fait pour que l’adieu soit le plus doux possible, comme enveloppé de l’espérance chrétienne.
Soutien, conseil, présence
Cela fait plus d’une décennie qu’Anne est présente ainsi au plus près des familles qui perdent un proche à Ste-Périne. La levée du corps peut être, à leur demande, l’occasion d’une bénédiction mais pour Anne comme pour la trentaine de personnes de son équipe, la mission d’accompagnement est loin de s’y résumer : « Parfois, c’est le personnel de l’hôpital qui me demande d’être présente mais, quand ce sont des proches, je tiens toujours à les rencontrer et à parler avec eux, explique-t-elle. Même si elles l’expriment de manières très diverses, les familles sont presque toujours en demande de soutien, de conseil ou simplement d’une présence. Notre rôle est de donner une dimension plus humaine à ces moments souvent difficiles. » Ce rôle essentiel de témoins du message évangélique, Anne-Marie et Odile en font elles aussi l’expérience. Membres de l’aumônerie de la chambre funéraire des Batignolles (17e), elles assurent avec leur équipe des permanences dans leur petit bureau ouvert sur la salle d’attente de cet établissement destiné à recevoir les corps dans la période qui précède les obsèques. « Notre première mission est d’accueillir et d’écouter les familles qui le souhaitent. Nous pouvons aussi proposer un temps de prière avant la fermeture du cercueil, souligne Anne-Marie. Il n’est pas rare que ce soient des personnes non ou peu croyantes qui viennent à notre rencontre car elles ressentent un besoin de parler ou sont en recherche de réponses sur la résurrection ou sur le sens de la vie par exemple. »
Il arrive parfois aussi aux membres de l’aumônerie de célébrer des funérailles : « C’est le cas quand les défunts n’ont pas de paroisse – ce que nous vérifions toujours –, quand il y a un problème de coordination entre celles-ci et les pompes funèbres ou que les familles insistent pour que ce soit le plus simple possible. Mais le lieu normal des obsèques : c’est la paroisse », insiste Odile.
Des équipes mobilisées
Dans de nombreuses paroisses, justement, de plus en plus d’équipes de laïcs sont mises en place pour seconder l’action des prêtres et proposer un accompagnement plus important des familles. C’est le cas à N.-D. de la Croix (20e), où l’équipe « Deuil et Espérance » fonctionne depuis 2007. « Quand j’ai perdu mon mari, ça a d’abord été le trou noir, se souvient Michelle Bègue, l’une des membres. Mais j’ai été soutenue par des laïcs qui m’ont vraiment accompagnée et aidée à prier. En faisant cela à mon tour, je me sens utile, ça me tient vraiment à cœur. » Renseigner, accueillir la famille aux côtés du prêtre, conseiller pour la cérémonie, mais aussi prendre des nouvelles dans les semaines qui suivent, les missions de cette équipe de bénévoles sont diverses. Leur but : être à l’écoute, tenter de répondre à chaque situation. Et en trois ans, l’équipe a pleinement trouvé sa place. « Pour moi, ce que fait “Deuil et Espérance” apporte vraiment une aide importante, souligne le P. Pimpaneau, curé de la paroisse. Nos rôles sont complémentaires. »
Au crématorium aussi, des cérémonies religieuses sont régulièrement demandées pour les défunts. Pour répondre à ce besoin, un service de bénévoles s’est ainsi structuré depuis plusieurs années au Père Lachaise (20e). Visiblement passionné par cette mission, Jacques, officiant laïc, y trouve un rôle pastoral qui convient à ses aspirations et à sa personnalité ouverte et solide. « Une des caractéristiques intéressantes, ici, au crématorium, c’est que nous rencontrons des proches souvent éloignés de l’Église, dont cette cérémonie est l’un des seuls moments de rencontre avec la Parole de Dieu, explique-t-il. Il s’agit pour nous de respecter le rituel tout en nous adaptant aux demandes. Il n’est pas rare d’ailleurs que des personnes nous rappellent après la cérémonie parce qu’un mot, un verset, les a interpellées. » Et Jacques d’ajouter : « C’est important que l’Église soit présente dans ces moments-là. Avant chaque célébration, il y a une rencontre avec la famille ou un proche. Je leur explique toujours que pour écrire le petit texte biographique que je lirai au cours de la cérémonie, j’ai besoin d’une simple chose : aimer un peu, moi aussi, celui qu’ils ont perdu. Cela a du sens je crois. » • Pierre-Louis Lensel
Service catholique des funérailles : accompagner la mort autrement
C’est à l’initiative du cardinal Lustiger qu’a été créé à Paris, en 2000, le Service catholique des funérailles (SCF). Son rôle : proposer, sur le marché des pompes funèbres, un service de qualité, accompagnant les familles dans toutes les étapes du parcours funéraire. Sa principale spécificité, au-delà de son identité catholique : sa structure associative, qui témoigne du refus de toute surenchère commerciale. « Dans un contexte social où le besoin d’accompagnement est très important face à la mort, nous voulons proposer un service différent, qui ne se résume pas à organiser les choses, souligne Christian de Cacqueray, directeur du SCF. Pour nous, les dimensions spirituelle et matérielle constituent un même ensemble. Il s’agit donc aussi d’essayer, en relation avec les proches du défunt, de redonner du sens à tous les actes techniques qui émaillent le parcours funéraire, de la levée de corps, du passage en paroisse, à ce qui touche au dernier repos. »
Avec cette approche nourrie de foi et d’espérance d’un métier souffrant parfois d’une mauvaise image, le SCF a rapidement trouvé sa place en région parisienne : une succursale a ainsi été créée à Versailles en 2008. « Nous avons la joie d’avoir reçu de l’Eglise de Paris une grande responsabilité, conclut Christian de Cacqueray. Nous faisons le pari de pouvoir manifester dans la société d’aujourd’hui, à travers notre métier, une quête de sens et un ensemble de valeurs chrétiennes. » • P.-L. L.
Service catholique des funérailles.
66 rue Falguière, 75015 Paris.
Tél. : 01 44 38 80 80.
[1] Le nom a été changé