Paul Claudel, la poésie pour louer Dieu

Paris Notre-Dame du 22 février 2024

Le cycle des Conférences de Carême se poursuit ; après Léon Bloy, place au poète et dramaturge Paul Claudel. Ce dimanche 25 février, Dominique Millet-Gérard, docteur ès-lettres et professeur émérite de littérature française à l’université Paris-Sorbonne, donnera une conférence sur l’esthétique au service de Dieu dans l’œuvre de Paul Claudel.

© Alexia Humann / Diocèse de Paris

Paris Notre-Dame – Qu’est-ce qui vous marque le plus dans l’œuvre de Paul Claudel ?

Dominique Millet-Gérard – J’ai soutenu une thèse d’État sur les commentaires bibliques de Claudel qui étaient très peu connus à l’époque. Ils sont des sortes de méditation très libre en prose sur l’Écriture sainte et sur des sujets spirituels. La profondeur de sa pensée m’a beaucoup marquée. Son invention du langage en tant que poète, surtout en prose, est proprement extraordinaire. Une langue qui embrasse toute la langue française dans toute son histoire. Il a un sens catholique d’une solidité à toute épreuve, une connaissance de l’Église, de la liturgie, de la tradition de l’Église qui me touchent beaucoup.

P. N.-D. – Quelle est la place de l’esthétique dans son œuvre ?

D. M.-G. – L’esthétique sacramentelle, titre de la conférence, peut paraître un peu abstraite. J’aime bien le mot d’esthétique qui vient du vocabulaire philosophique et qui désigne la méditation, la réflexion philosophique sur la beauté et, en particulier, la beauté dans l’art. Claudel a fait de l’esthétique à sa manière : il réfléchit sur la peinture, sur la musique, sur le théâtre… Cela m’intéresse de l’aborder par ce biais-là : chercher où est la beauté chez Claudel, où est la beauté de son style. Pourquoi sacramentelle ? C’est en quelque sorte la transfiguration des éléments du monde. La création est utilisée à titre de matériau dans la poésie et, en même temps, elle prend un sens supérieur à celui de la simple matière. Une espèce de transfiguration intérieure de la nature, analogique au processus du sacrement qui transforme de l’intérieur une matière. C’est une notion difficile et le style de Claudel est lui-même difficile. J’essaie de montrer que la liturgie, la doctrine et la tradition de l’Église sont au fondement de son écriture, y compris l’art sacré, peinture, musique, architecture. Tout l’art humain est réuni pour célébrer Dieu. La liturgie est un concentré de beauté pour la louange de Dieu, ce qui l’éblouit totalement et lui servira de modèle par la suite.

P. N.-D. – Dans votre conférence, vous souhaitez parler de l’eucharistie, pourquoi ?

D. M.-G. – « L’eucharistie est au centre de notre vie intellectuelle. » Ce qui peut paraître curieux : on attendrait plutôt spirituelle. Il y a un paradoxe. Mais Claudel montre que l’eucharistie est un objet de réflexion extrêmement important et profond sur ce lien entre le monde de la matière et de la sensation, le monde de l’intelligence, et le monde du spirituel. Il y a tout un système d’analogie et de passage entre ces deux mondes. Cela satisfait l’intelligence. D’ailleurs, Claudel, qui avait horreur qu’on le classe parmi les intellectuels – car c’est une catégorie idéologique – admirait profondément le fonctionnement de l’intelligence. Lui-même a exercé son intelligence sur le monde. Tel est le cœur de sa poésie : exercer son intelligence sur le monde pour ensuite l’offrir à Dieu.

Propos recueillis par Marie-Charlotte Noulens

Une esthétique sacramentelle
Par Dominique Millet-Gérard
Dimanche 25 février, à 16h30, à St-Germain-l’Auxerrois,
2, place du Louvre, 1er.

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