Prostitution : regard sur la loi en cours
Paris Notre-Dame du 17 avril 2014
P. N.-D. – Les députés ont voté, le 4 décembre, un texte pénalisant les clients de prostituées. Cette proposition sera examinée au Sénat au printemps. Qu’en pensez-vous ?
Thierry des Lauriers – Ce texte est globalement positif car il comprend des mesures d’accompagnement des personnes en situation de prostitution. Une série d’articles reconnaissent leur vulnérabilité et leur apportent protection et aide. S’il est voté, le délit de racolage serait abrogé et les personnes qui s’engagent dans un parcours de sortie de la prostitution pourraient obtenir un titre de séjour temporaire sans avoir à dénoncer leur réseau, une condition demandée aujourd’hui. Jusqu’à présent, on ne s’occupait pas vraiment des personnes en situation de prostitution. Autre élément satisfaisant : il y a dans ce projet une forte volonté de sensibiliser la population sur ces questions, dès la période scolaire.
P. N.-D. - Quelles sont vos propositions pour améliorer ce projet de loi ?
T. L. – Le texte de loi a un impact important sur la manière dont on regarde celles qu’on dénomme « prostituées ». Nous proposons de remplacer le terme « victime » par « personne en situation de prostitution », car ce sont des personnes à part entière qui ont une vie, font leurs courses, élèvent leurs enfants, ont une foi qu’elles pratiquent. Elles sont capables de poser des actes libres. Nous voudrions aussi que le parcours de sortie de la prostitution soit personnalisé et comporte un « droit à la chute et au recommencement ». Nous voyons bien que celles que nous accompagnons ne quittent pas la prostitution du jour au lendemain. Il faut du temps !
P. N.-D. - La loi à venir propose des stages de sensibilisation pour les clients. Est-ce réaliste ?
T. L. – Il faut aller plus loin et compléter ce stage d’un travail sur soi. Après avoir mené une enquête sur le sujet, le Mouvement du Nid a constaté que les clients exprimaient un vrai désir d’être écoutés. Nous croyons que des lieux d’accompagnement, des groupes de parole clients-personnes prostituées et des lignes d’écoute téléphoniques leur seraient bénéfiques. Il faut aussi élargir les messages de prévention pour que soient non seulement abordés la sexualité mais aussi le respect de soi, la vie affective, le rapport à l’argent, etc. Le besoin est grand quand on sait que certains collégiens se prostituent en échange de portables ou de devoirs tout faits !
P. N.-D. - Tout cela suffira-t-il pour réduire la prostitution ?
T. L. – La loi pose un cadre pour limiter la souffrance, mais on ne peut pas lui demander de la traiter. Or, c’est un véritable problème de société qui se cache derrière la prostitution. On sait par exemple combien la facilité d’accès à la pornographie alimente le système. Tout cela doit nous questionner sur notre rapport au corps et sur la façon dont nous éduquons nos enfants à ce sujet. Aujourd’hui, notre association ouvre de nouvelles antennes dans Paris [1]. Si vous souhaitez aller vers les personnes de la rue, vous pouvez vous saisir de la démarche des “Captifs” et l’adapter à votre paroisse. • Propos recueillis par Agnès de Gélis
[1] Antennes en cours ou en projet : St-François de Molitor (16e), St-Gabriel et St-Esprit (12e), St-Jacques-du Haut-Pas (5e), Ste-Rita (9e) et St-Ferdinand des Ternes (17e). Contact : l.deymier@captifs.fr