Punk et belle du Seigneur

Paris Notre-Dame du 29 octobre 2015

Rona Hartner a sorti un album en hommage à Dieu : The Balkanik Gospel. Elle l’interprétera sur la scène du Divan du monde (18e), mercredi 4 novembre. L’occasion de percer le mystère de cette comédienne, musicienne et chanteuse qui ne se laisse diriger que par Dieu.

© D. R.

Elle est belle Rona Hartner. Du bout de ses ongles bien étudiés à la pointe de son chapeau en feutre qui ne parvient pas à masquer sa chevelure, ébène, soignée ; en passant par son long manteau orangé. Belle d’une beauté brute. Elle n’attire pas la lumière mais la diffuse : à travers ses yeux noirs malicieux et son sourire cabossé devenu légende en France depuis sa remarquable prestation, en 1997, aux côtés de Romain Duris dans Gadgo Dilo. « Pour décrocher le rôle de Sabina, je suis montée sur la table et j’ai dansé, s’esclaffe-t-elle. Je ne connaissais rien au monde tsigane. Je ne parlais pas français ! » Mais, par son énergie puissante, la jeune Roumaine issue d’une famille artiste d’origine allemande séduit Tony Gatlif qui clôture sa série de films autour du monde tsigane. À un tel point qu’il lui laisse la liberté de composer certains titres de la bande originale du film. Succès. À 24 ans, Rona décroche un Léopard de bronze au festival du film de Locarno et débarque à Paris. Deux ans après, la rockstar reçoit le César de la meilleure musique de film. La critique parisienne et les plateaux télé l’adoubent : on sourit devant ses vêtements colorés, on applaudit sa joie de vivre, on crie au rythme de ses danses et de sa démesure. Rona Hartner devient une figure emblématique de la liberté artistique. Elle se fait repérer par le réalisateur déjanté David Lynch qui la stimule dans son désir de foisonnement artistique et, la jugeant « trop pure » pour incarner l’un des personnages de son projet cinématographique en cours, Mulloland Drive, lui propose de participer à un autre de ses films. À une condition : entrer dans une secte transcendantale.

Baptisée à 17 ans, convertie à 29 ans

« J’ai refusé, confie-t-elle. C’était aller trop loin » et contre ses valeurs chrétiennes. Car Rona Hartner est catholique, depuis l’âge de 17 ans, grâce à l’une de ses amies de lycée « cool sans être dévergondée, sympa sans être bête, vivante sans être fofolle ». Celle-ci lui confie alors que son secret est d’aller à la messe tous les jours et lui propose de l’accompagner à St-Joseph de Bucarest. Intriguée, Rona se laisse convaincre et ressort abasourdie et bluffée par l’homélie du curé. Elle frappe à sa porte et demande le baptême.

« Même si, depuis, j’ai toujours senti la présence de Dieu, j’ai, pendant un certain temps, perdu ma relation à Lui, confie-t-elle aujourd’hui, avec le recul de ses 42 ans. Je me suis laissé tenter par l’ésotérisme, le chamanisme… » À 29 ans et grâce à la communauté de l’Emmanuel, Rona se convertit à la chapelle Ste-Rita (9e). Après une Agapèthérapie, la belle se lance à corps perdu pour son Seigneur. Elle glisse dans chacun de ses opus une chanson pour lui. Et décide, en 2004, de lui consacrer un album entier : The Balkanik Gospel, vraie pépite joyeuse qui allie gospel, fanfare, jazz, flamenco et musique d’inspiration traditionnelle des Balkans. « Après avoir écrit les chansons avec Claude Lemesle (le parolier entre autres de Joe Dassin, Reggiani ou encore Fugain, ndlr), je les ai jouées pendant dix ans avec différentes formations et différents arrangements un peu partout, notamment aux sessions de Paray-le-Monial et aux festivals Anuncio, présente Rona, aujourd’hui maman d’une petite fille de 7 ans et demi. Lors d’un de mes voyages en Roumanie, j’ai rencontré le Zuralia Orchestra. Je les ai tout de suite enregistrés. »

Si, depuis sa sortie il y a un mois dans les bacs, l’album séduit – il est en rupture de stock à la Fnac – il peine pourtant à atteindre le grand public. « Les journalistes ne suivent pas », souffle l’habituée de France Inter, Les Inrockuptibles, Paris Match… Ils semblent ne pas adhérer à l’aspect catho affiché. Mais pas question pour autant que Rona abandonne ou se laisse décourager. « Parce que je suis punk ! Je ne peux pas faire les choses à moitié », martèle-t-elle en replaçant ses médailles autour de son cou. Et d’ajouter : « Il faut être punk d’ailleurs pour être catholique aujourd’hui. C’est tellement anticonformiste ! » Et même si on tente de la museler, Rona continuera d’être belle et de chanter. Pour le Seigneur.

Isabelle Demangeat

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