Qu’est-ce qu’être saint aujourd’hui ?
Paris Notre-Dame du 3 mai 2018
Qu’est-ce qu’être saint dans le monde actuel ? Dans son exhortation apostolique Gaudete et Exsultate, sortie le 9 avril dernier, le pape François rappelle qu’avant d’être un état, la sainteté est « cette constance à aller de l’avant chaque jour ». Samuel Grzybowski, fondateur de Coexister, nous en livre sa lecture.
Paris Notre-Dame – Vous avez lu ce texte. Le pape François a souhaité inscrire une notion qui peut sembler archaïque, la sainteté, dans un contexte très actuel. Qu’en pensez-vous ?
Samuel Grzybowski – Ce qui est intéressant dans ce texte, c’est que le pape François sort de la définition canonique stricte de la sainteté, pour insister sur la compréhension de ce que peut être la sainteté du point de vue de Dieu, et pas seulement du point de vue de l’Église. Tout en précisant bien que, si l’Église a reconnu comme saint un certain nombre de personnes aux vertus avérées, il appartient seul à Dieu de décider qui est saint et qui ne l’est pas. Selon moi, ce texte est une tentative pour comprendre la perspective chrétienne de l’Évangile, du Christ et de Dieu sur ce qu’est la sainteté. Ce n’est pas un manuel sur la façon de devenir saint, mais sur l’appel profond, le sens spirituel de la sainteté. Est-ce une thématique désuète ? Je pense que cela l’a été, mais que les saints canonisés récemment sont des témoins du monde contemporain. Je pense notamment aux papes saint Jean-Paul II et saint Jean XXIII. Mais je pense aussi à tous les religieux français, martyrisés en Algérie, et dont le procès en canonisation s’est ouvert. Des gens simples, qui n’ont pas fait de grandes choses mais dont les vies sont des exemples pour nous. Ce qui me touche également dans ce texte, c’est que le pape essaie de donner un cap, en nous indiquant le chemin de la sainteté. Il ne dit pas : à partir de tel seuil, vous avez franchi tel grade, vous avez atteint tel niveau, vous avez coché telle case. Il dit : la sainteté c’est par là, et il nous montre le chemin, afin d’atteindre notre but, le Christ.
P. N.-D. – Qu’est-ce-que la sainteté, si on se réfère à ce texte ?
S. G. – Avant de dire ce qu’elle est, le pape François, dès le deuxième chapitre, nous dit ce qu’elle n’est pas. La sainteté n’est pas le fruit de ma volonté, car ce serait tomber dans le pélagianisme. Les bonnes intentions ne suffi sent pas, il faut passer à l’acte. Et on pense là à la phrase de saint Paul : « Je ne fais pas le bien que je voudrais et je fais le mal que je ne voudrais pas. » Autre écueil que cite le pape, le gnosticisme. La sainteté n’est pas l’acquisition de connaissances, ce n’est pas la connaissance de l’Évangile, ni même la connaissance de Dieu. Or, quand on est ni dans la connaissance, ni dans la volonté, que reste t-il ? L’expérience. Et la sainteté, pour le pape François, c’est l’expérience du disciple. Le fait de faire, dans son corps, dans son temps, dans son intelligence, l’expérience d’être un disciple du Christ. Et quand il exclut ces deux postures – la posture du vouloir et la posture du connaître –, le pape nous ramène à l’expérience et pose la question : voulons-nous, nous chrétiens, marcher derrière le Christ, et faire l’expérience d’être un disciple aujourd’hui ?
P. N.-D. – Parmi les caractéristiques de la sainteté que cite le pape, il y a la joie.
S. G. – La sainteté est souvent vue comme rébarbative, laborieuse, un peu ascétique. Or le titre de l’exhortation apostolique sur la sainteté c’est Joie et allégresse. Ce que tout le monde recherche ! Même les personnes qui tombent dans le plus grand consumérisme, dans le plus grand individualisme, recherchent la joie et l’allégresse. Le pape associe donc à la sainteté un des désirs contemporains les plus ardents. Il cite également l’endurance et la ferveur. Quand saint Pierre réalise qu’il n’a pas été à la hauteur après avoir renié le Christ, il ne s’apitoie pas sur lui-même, il persévère. Il recommence. Cette expérience de la conversion permanente, pour moi, c’est ça la sainteté : la persévérance dans l’expérience.
Propos recueillis par Priscilia de Selve