Réfléchir, se former, être accompagné, pour mieux accompagner

Paris Notre-Dame du 30 novembre 2023

Le transfert dans l’accompagnement spirituel était au programme d’une journée de formation proposée le 20 novembre dernier par Anima mea. Faisant intervenir des professionnels de renom, elle a permis à la cinquantaine de participants d’essayer de démêler ce qui peut se passer, souvent inconsciemment, dans la relation entre un accompagnateur et un accompagné.

Le psychanalyste Jacques Arènes était l’un des intervenants de la journée proposée le 20 novembre par Anima mea.
© Isabelle Demangeat

La situation d’emprise, d’abus de pouvoir, n’est pas l’apanage des psychopathes et des fragiles. Tout est bien plus complexe et « accessible à tous ». C’est un peu le message de Jacques Arènes, cet après-midi du 20 novembre, à N.-D.-des-Champs (6e). Le psycho¬logue clinicien et psychanalyste chrétien était l’un des intervenants de la journée de formation proposée par Animamea autour du thème La question et la place du transfert dans l’accompagnement spirituel. À ses côtés : la psychanalyste psychologue clinicienne, Marie-Rose Boodts, et le P. Bernard Pottier, jésuite philosophe, théologien et psychologue. Des intervenants et un thème choisis avec soin, dans la continuité du travail effectué par Anima mea depuis 2019. « Nous essayons d’aborder, au fur et à mesure, des questions qui concernent une attitude juste au sein de l’accompagnement spirituel, tout en gardant la référence des sciences humaines », explique le P. Benoît Bourgoin, vicaire à N.-D.-des-Champs, responsable de la formation. « L’Église n’est pas vraiment éduquée à les utiliser », regrette-t-il.

Jacques Arènes explicite son propos. Il le fait sans pathos, parfois avec un brin d’humour. Comme pour ôter le tabou sur la question de l’abus de pouvoir, devenue plus qu’épineuse dans l’Église. « Le désir d’emprise existe dans le développement de l’enfant. » Il peut persister à l’âge adulte. Lié au pouvoir, au désir de pouvoir exister, il peut être le symptôme d’un besoin de contrôle absolu, existant chez des personnes envahies par des angoisses obsessionnelles. Et en face, il peut y avoir cette tentation de démission de sa liberté. « La servitude peut être un soulagement de l’angoisse », souligne Jacques Arènes citant le fameux Discours de la servitude volontaire d’Étienne de La Boétie. Il est parfois rassurant de se dire que « quelqu’un sait », que « quelqu’un connaît la solution » et parfois tellement tentant de « donner un conseil ». Pour éviter de glisser sur cette pente, Jacques Arènes recommande de « passer en méta », c’est-à-dire de prendre le temps de s’interroger, de réfléchir sur les modalités de cette relation d’accompagnement, sur le comportement de l’accompagnateur, sur celui de l’accompagné. Prendre le temps de la relecture, jusqu’à la supervision. Un garde-fou essentiel selon un prêtre participant à cette rencontre. « Dans l’accompagnement spirituel, on peut vite empiéter sur un domaine qui n’est pas le nôtre, souligne-t-il. Beaucoup d’exemples ont aujourd’hui été donnés, cela permet parfois de reconnaître des situations un peu similaires, de déceler des risques. » « Les prêtres diocésains n’ont pas l’obligation d’être supervisés, ajoute-t-il. Nous ne rendons compte à personne de nos accompagnements. C’est un risque. » Martine, xavière, accompagnant spirituellement depuis une trentaine d’années, partage cet avis. Et souligne la nécessité d’une « prise de recul », d’« une distance critique » « pour pouvoir réajuster quand il y a glissement.

Par Isabelle Demangeat @LaZaab

La mise en place d’une situation d’emprise [1]
1. La rencontre et la séduction. L’un se montre rassurant, protecteur ; l’autre plonge dans l’idéalisation.
2. L’intrusion. Il y a une volonté de tout savoir.
3. Le rapport biaisé au secret.
4. Le dépassement des limites morales. Il s’accompagne souvent d’un nouveau langage, allusif (il s’agit parfois d’un « langage de l’humilité »), qui renforce encore plus le secret.
5. L’effacement du consentement.

Plus d’informations :formationspi75@gmail.com ; dioceseparis.fr/-anima-mea

[1Selon Jacques Arènes

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