Réfugiés : tout le monde peut faire quelque chose
Paris Notre-Dame du 10 septembre 2015
P. N.-D. : Comment la situation actuelle des réfugiés doit-elle nous interpeller ?
Cardinal André Vingt- Trois – La situation dramatique des réfugiés appelle un triple examen de conscience. D’abord pour nous chrétiens. Un nombre important de chrétiens sont, je le sais, très mobilisés pour venir en aide aux migrants de toutes sortes de façons. La plupart des autres les regardent avec admiration mais ne savent pas toujours comment faire pour y participer. C’est pourquoi, dans la lettre que j’ai envoyée cette semaine aux prêtres et aux diacres de Paris, j’ai lancé un appel pour que les chrétiens se mobilisent encore plus et prennent part réellement à l’accueil de ces réfugiés. Un examen de conscience pour certains responsables politiques qui, au lieu de mettre en œuvre une pédagogie qui permette aux gens de mieux comprendre ce qui se passe, se laissent entraîner dans une sorte de surenchère verbale. On se met à brandir l’épouvantail d’une invasion. L’Europe, avec plusieurs centaines de millions d’habitants, a la capacité d’accueillir, si on veut bien en prendre les moyens. Troisième examen de conscience, un examen pour les médias qui nous ont donné pendant des mois et des mois des images de nature à faire peur et ne présentent que trop peu comment ces migrants pourraient être accueillis et reçus.
P. N.-D. – Quelles peuvent être les solutions face à la complexité de cette tragédie ?
Card. A. V.-T. – La racine de cette tragédie est évidemment dans les souffrances et les crimes que les réfugiés essaient de fuir. La seule solution est une solution politique. Les pays concernés, tant la Syrie que l’Irak, ne sortiront de la situation dans laquelle ils sont sans une mobilisation diplomatique. Cette mobilisation à laquelle le gouvernement français a pris part depuis déjà un certain temps – il va encore y avoir la semaine prochaine à Paris une réunion autour du ministre des Affaires étrangères –, ne peut pas déboucher si elle n’associe pas dans le débat, d’une part, la Russie et, d’autre part, les États importants de la région, par exemple l’Iran, l’Arabie Saoudite et la Turquie. Ainsi les mesures qui peuvent être proposées ne seront pas seulement des mesures occidentales appliquées à un pays arabe, mais des mesures vraiment partagées. Si ces grands États ne se mobilisent pas pour contribuer au rétablissement de l’État dans ces pays, les combats de groupes divers vont durer des années, car la haine exacerbe la haine, et il n’y a aucune raison que cela s’arrête.
P. N.-D. – L’Évangile nous presse d’accueillir l’étranger. Mais quand des milliers d’entre eux frappent à la porte, que peut-on faire ?
Card. A. V.-T. – On ne demande pas à chaque chrétien d’accueillir tous les réfugiés, on lui demande d’accueillir qui il peut accueillir et de faire ce qu’il peut faire. Mais se défendre de faire quelque chose sous le prétexte que ce que, moi, je peux faire, est sans proportion avec les besoins, cela revient à dire : je ne fais rien. Tout le monde ne peut pas faire des choses extraordinaires, mais tout le monde peut faire quelque chose. • Propos recueillis par Louis Daufresne
Extraits de l’entretien du cardinal André Vingt-Trois sur Radio Notre Dame, enregistré le vendredi 4 septembre 2015.
– Écouter l’entretien en intégralité.