« Rendre hommage à nos parents dans la foi »

Paris Notre-Dame du 1er septembre 2022

Après près de dix ans à la tête de la paroisse N.-D.-des-Foyers, le P. Yves-Marie Clochard-Bossuet part, à la rentrée, à Bagdad (Irak). Le but de cette démarche ? Tenter de participer à montrer l’importance d’une présence chrétienne au Proche-Orient mais surtout répondre à un désir profond. Rencontre.

À 73 ans, le P. Yves-Marie Clochard-Bossuet quitte un temps le diocèse de Paris pour se rendre à Bagdad (Irak).
© Isabelle Demangeat

Paris Notre-Dame – Comment vous est venue cette idée de partir à Bagdad ?

P. Yves-Marie Clochard-Bossuet – J’ai toujours été attiré par le Proche-Orient, cette terre qui a accueilli les premières communautés chrétiennes s’établissant autour de Jérusalem. En Syrie en particulier, il y a des traces très précises du passage de saint Paul. J’ai toujours été admiratif de ces communautés qui ont accepté de vivre un état de semi-servitude pour pouvoir vivre leur foi. Parce qu’ils ne partageaient pas leur foi, ces communautés chrétiennes étaient assujetties aux musulmans, et ce, pendant près de 1500 ans. Par ailleurs, mon arrivée à N.-D.-des-Foyers (19e), en 2013, a correspondu plus ou moins, avec la première « crise de réfugiés ». Beaucoup arrivaient dans notre quartier. Ils étaient deux ou trois mille à dormir dans la rue, sur les trottoirs, tous les soirs. Cela m’a profondément touché. Un certain nombre d’entre eux étaient chrétiens. Je les voyais arriver et j’entendais par ailleurs leur évêque, sur place, leur demander de rester. Je ne pouvais pas m’empêcher de porter un jugement intérieur, sans imaginer les difficultés que ces personnes pouvaient vivre. J’espérais que ces déplacements soient temporaires. Mais je m’aperçois au fil des ans qu’ils sont très peu, une fois installés en Australie, au Canada, même en France, à revenir dans leur pays. Je me dis que, peut-être, l’installation d’un prêtre occidental sur leur territoire peut les interpeller et les encourager à se poser la question d’un retour dans leur pays.

P. N.-D. – Pourquoi est-ce important d’inciter ces communautés chrétiennes à revenir dans leurs pays ?

Y.-M. C.-B. – Pour maintenir la présence de chrétiens au Proche-Orient. On l’oublie parfois, mais les premières communautés chrétiennes viennent de ces pays et ont, ensuite, essaimé. Nous, occidentaux, nous devons notre foi à ces communautés. Nous sommes leurs filles. Leur rendre hommage et les aider à rester sur leurs terres est, pour moi, ce que nous devons, au minimum, à nos parents dans la foi.
P. N.-D. – Concrètement, en quoi va consister votre mission ?

Y.-M. C.-B. – Je pars avec l’Œuvre d’Orient. Je serai professeur de français pour des étudiants de l’académie nouvellement fondée par les dominicains et assurerai la célébration des messes à destination des expatriés. Par ailleurs, l’évêque de Bagdad, Mgr Jean-Benjamin Sleiman, m’a demandé de participer à l’accueil des migrants. J’essaierai de voir comment me rendre utile notamment dans les camps de migrants. Ma mission s’affinera au fil des mois. J’espère partir deux ou trois ans. La plus grande expérience pour moi sera de vivre, moi-même, le déplacement. Moi qui aime bien être entouré, je vais être amené à vivre, ne parlant pas encore arabe, la pauvreté de ne pas pouvoir partager avec la majorité des personnes que je rencontrerai. Mais ma décision n’a rien d’héroïque, elle répond avant tout à un désir que je porte depuis longtemps. N’étant pas renouvelé dans ma mission à N.-D.-des-Foyers et ne pouvant plus, à 73 ans, être curé, j’ai vu le bon moment. Et puis, c’est dans ma nature. Je n’aime pas les choses lisses. Mon parcours de prêtre à Paris en témoigne : après avoir été aumônier de lycée, j’ai été aumônier de l’hôpital des enfants malades puis, pendant dix ans, aumônier de prison, avant de rejoindre N.-D.-des-Foyers.

Propos recueillis par Isabelle Demangeat @LaZaab

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