Reprendre du souffle, dans la « paroisse des évêques »

Paris Notre-Dame du 23 février 2023

Depuis 2022, la résidence des vicaires généraux ouvre ses portes à des familles ou des femmes seules sans domicile, pour passer la nuit. Une occasion de reprendre des forces pour ces personnes en situation de grande précarité, et, pour les bénévoles les accueillant, de partager un moment de grande humanité.

Tour à tour, les vicaires généraux, ici, à gauche, Mgr François Gonon, viennent saluer les personnes accueillies.
© Isabelle Demangeat

Le visage concentré, Jessica [1] dessine au crayon sur un petit bout de papier un autre visage : celui d’une fille, qui semble avoir son âge, en train de dormir, tout sourire, le visage apaisé, sur un oreiller bien dodu. « Je recopie un dessin », souffle la petite fille de 10 ans derrière de longues et fines tresses noires qui viennent balayer son visage. Sous le dessin originel, il est mentionné que le sommeil est nécessaire pour être en forme le lendemain. Jessica, elle, ne sait pas encore où elle pourra poser sa tête en cette nuit du 14 février. Il est 20h15, elle attend, place de l’Hôtel de Ville (4e), avec sa mère, sa sœur et son frère, qu’une solution soit trouvée. Sur le parvis, des bénévoles de l’association Utopia 56 s’agitent pour mettre en relation près de 150 familles ou femmes seules, qui, comme elle, sont à la rue ce soir, et les endroits de mise à l’abri disponibles. Parmi lesquels : des lieux tenus par des associations, par des entreprises privées, par des paroisses parisiennes. Il y a St-Jean Bosco (20e), le St-Esprit (12e), St-Denys de la Chapelle (18e), N.-D. de la Confiance (17e)… et, depuis un an, la « paroisse des évêques ». « C’est comme cela qu’on nous appelle ici », sourit Claire Rossignol, déléguée diocésaine à la pastorale des Migrants de Paris, qui a proposé aux vicaires généraux et évêques auxiliaires résidant dans leur maison, en plein cœur de Paris, d’ouvrir leurs portes à ces familles ou femmes seules. Tout de suite, ils acceptent. Et décident de mettre à disposition une salle et neuf couchages, quatre mois par an, à raison de deux soirs par semaine.

Des bénévoles recrutés au sein de la Maison diocésaine

C’est toute une organisation, gérée par une dizaine de bénévoles recrutés… au sein de la Maison diocésaine. Après le travail, ils se retrouvent à 19h15, par groupe de deux ou trois, pour préparer la salle. Avant de se rendre une heure plus tard place de l’Hôtel de Ville pour recevoir les personnes qui leur seront confiées pour la nuit, il leur faut disposer des tables, des matelas tout autour, préparer les lits… Ce soir, il y a Claire Rossignol, Hélène Vallez, travaillant à la Fondation Notre-Dame accompagnée d’un ami, et Gérard Nicolaÿ, bénévole à la pastorale de la Santé. Veste en tweed sur le dos, col roulé clair soulignant un visage doux, cet ancien avocat directeur d’un gros cabinet, est le « co-pilote » de l’initiative. « Quand j’ai appris qu’il y avait des familles qui n’avaient pas de lieu où dormir la nuit à Paris, je n’ai pas pu rester sans rien faire. Au-delà d’un discours politique, on ne peut pas laisser des enfants et des femmes dehors, la nuit », s’indigne celui qui est appelé par les accueillis « le grand-père ». De fait, souriant à tout-va, Gérard est comme un poisson dans l’eau dans le « dortoir » de la « paroisse des évêques ». Il apporte thé ou chocolat chaud à ceux qui le souhaitent, prend le temps de parler, de s’asseoir pour s’enquérir de l’état de l’un ou l’autre, comme de cette femme, la trentaine, qui, à peine arrivée, s’effondre sur un matelas. On sent l’épuisement, le soulagement aussi d’avoir trouvé un lit pour la nuit. « Ça va mieux », souffle ainsi Jessica entre deux bouchées de pain au lait. À ses côtés, Mgr François Gonon, vicaire général, venu les saluer. Il est 21h, la petite sœur de Jessica sort ses cahiers pour faire ses devoirs. Demain, il y a école. Avant d’y aller, Gérard viendra les réveiller, à 7h du matin, avec du pain frais, d’autres bénévoles et beaucoup de joie. « C’est fabuleux de vivre ces moments », confie-t-il. « Il y a un lien, une rencontre, ajoute Claire Rossignol. Il se vit quelque chose qui dépasse l’aide matérielle. On partage un moment de vie commune. La fraternité n’est plus un mot. On la vit, ensemble. »

Isabelle Demangeat @LaZaab

Pour ouvrir les portes de sa paroisse
(les besoins sont nombreux) :
pastomigrants@diocese-paris.net

[1Le prénom a été modifié.

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