RETROUVER TOCQUEVILLE ?

L’Observatoire de la modernité.

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lundi 3 mai 2021 à 20h

Collège des Bernardins 20 Rue de Poissy, 75005 Paris, France 75005 Paris

Tocqueville affirme que les siècles démocratiques ont un besoin tout particulier de liberté : l’individualisme et ses maux se combattent par des institutions libres.

Par « démocratie », Tocqueville entend aussi bien un régime politique, le pouvoir souverain donné au peuple, qu’un type d’organisation sociale, caractérisé par l’égalité des conditions et l’accès également ouvert aux différentes places. Or cette configuration sociale engendre une passion énergique et générale, plus vive que toute autre : l’amour de l’égalité. Celle-ci met en effet à la portée de chacun une multitude de petites jouissances, des charmes constamment présents, là où la liberté politique, elle, s’arrache durement et traîne son lot de sacrifices. Or les hommes en viennent à se livrer si aveuglément à cette passion de l’égalité qui a pénétré tout leur cœur et toutes leurs actions, qu’ils ne voient pas qu’ils compromettent ainsi leurs intérêts les plus chers, laissant la liberté s’échapper de leurs mains.

Les sociétés démocratiques accouchent de l’individualisme, « sentiment réfléchi et paisible qui dispose chaque citoyen à s’isoler de la masse de ses semblables et à se retirer à l’écart avec sa famille et ses amis ; de telle sorte que, après s’être ainsi créé une petite société à son usage, il abandonne volontiers la grande société à elle-même. » L’individualisme desserre les liens de l’affection humaine, retranche chacun dans sa sphère privée où le plaisir particulier devient le moteur premier de la conduite humaine, où les hommes se sentent étrangers au destin de leurs concitoyens. Ils pensent ne plus dépendre que d’eux-mêmes et s’habituent à se considérer toujours isolément. Or cette indifférence et ce sentiment d’autonomie mènent droit à l’instauration d’un « despotisme démocratique », d’un pouvoir étatique immense et tutélaire, instaurant une servitude douce et réglée qui ne conserve de la liberté politique que les apparences extérieures. 

Devant ce constat, Tocqueville affirme que les siècles démocratiques ont un besoin tout particulier de liberté : l’individualisme et ses maux se combattent par des institutions libres. « Lorsque les citoyens sont forcés de s’occuper des affaires publiques, ils sont tirés nécessairement du milieu de leurs intérêts individuels, et arrachés, de temps à autre, à la vue d’eux-mêmes ». En traitant ensemble les affaires communes, chacun s’aperçoit qu’il n’est pas si indépendant de ses semblables. Plus encore, il convient pour Tocqueville de développer une vie démocratique locale, apte à multiplier à l’infini pour les citoyens les occasions d’agir ensemble et de leur faire se sentir dépendants.

Ainsi, la liberté politique, elle-même mise en danger par l’individualisme, en est-elle aussi le meilleur remède ? Est-elle à même de faire passer les citoyens d’une atomisation et autonomie illusoire à une hétéronomie assumée et vertueuse ? Un retour aux origines philosophiques du libéralisme qui avait en la personne de Tocqueville appris à penser contre lui-même et à anticiper les maux de la passion de l’égalité, un tel retour nous aiderait-il à replacer certains espoirs dans le libéralisme politique ?

Pour aller plus loin

La religion dans la démocratie selon Tocqueville, compte-rendu du séminaire sur l’avenir de la démocratie, Collège des Bernardins, 2011.

Informations

https://www.collegedesbernardins.fr/content/retrouver-tocqueville

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