« Sans vérité, il ne peut y avoir de miséricorde »

Paris Notre-Dame du 7 octobre 2021

À l’heure où nous écrivons cette interview, le rapport de la CIASE (Commission indépendante sur les abus sexuels dans l’Église) n’a pas été rendu (voir p. 11). Le P. Xavier Lefebvre, curé de St-Augustin et missionnaire de la Miséricorde [1], revient pour nous sur l’invitation du pape François, adressée aux évêques français lors de la visite ad limina, de proposer des catéchèses sur la question du péché dans l’Église.

Le P. Xavier Lefebvre est curé de St-Augustin (8e) et missionnaire de la Miséricorde.
© D.R.

Paris Notre-Dame – Comment accueillez-vous, en tant que curé, cet appel du pape François à organiser des catéchèses sur la question du péché dans l’Église ?

P. Xavier Lefebvre – Cet appel prophétique du pape doit être bien accueilli ! Déjà, saint Jean- Paul II, puis Benoît XVI insistaient : dans notre société, la perte du sens de Dieu est liée à la perte du sens du péché. Faire une catéchèse sur le péché « à l’intérieur de » l’Église, c’est rappeler que, si l’Église est sainte par la présence de l’Esprit Saint, elle est composée de pécheurs. Dans son livre Le nom de Dieu est miséricorde (Robert Laffont), le pape précise cependant la différence entre pécheur et corrompu : le pécheur reconnaît son mal mais veut se convertir ; le corrompu, lui, passe son temps à justifier son mal : « Le corrompu ignore l’humilité, considère qu’il n’a pas besoin d’aide, et mène une double vie. » Je vois la demande du pape comme un appel adressé à l’Église pour se laisser purifier, à saisir l’urgence d’une conversion pour précisément éviter la corruption. Une catéchèse est donc bien nécessaire !

P. N.-D. – Nous sommes tous pécheurs… Sommes-nous tous concernés par les crimes de certains ?

X. L. – Nous ne sommes pas forcément coupables des abus spirituels ou sexuels commis par d’autres, mais nous ne pouvons pas vivre en ignorant le péché de nos frères. L’Église est un mystère de communion. Le péché du frère dans l’Église, nous atteint comme une éclaboussure. Nous ne pouvons pas feindre de n’être pas concernés, mais nous devons porter ce poids du péché dans la solidarité d’une prière de supplication pour l’Église. Et c’est aussi le courage de la vérité sur le péché à la lumière du Christ Sauveur, qui est nécessaire. « Celui qui fait la vérité vient à la lumière » (Jn 3, 21). Sans vérité, il ne peut y avoir de miséricorde. L’Église passe par un moment de vérité nécessaire qui sera salutaire pour tous.
P. N.-D. – En parlant de lutte entre le bien et le mal, le pape nous appelle-t-il à traiter la question des abus non seulement sous un angle sociologique, mais aussi théologique ?
X. L. – Il ne faut pas minimiser l’ensemble des facteurs sociologiques, psychologiques et autres qui permettent de comprendre ce qui se passe. L’Église, dans sa réalité historique, n’est pas épargnée par la crise sociale et morale de la société dont elle fait partie. L’histoire de l’Église est celle du combat, dans le cœur de tout homme, fidèle, religieux ou clerc, entre deux mystères : celui de l’iniquité auquel répond le mystère de la divine Miséricorde. Celle-ci n’est pas faiblesse, naïveté, ou mollesse… La miséricorde envers le pécheur ne signifie pas la suppression de la juste peine encourue pour des crimes commis par ceux dont on attendait un exemple de sainteté. La charité ne justifie jamais l’injustice.

P. N.-D. – Comment aider les chrétiens à traverser le scandale dans la foi ?

X. L. – Nous sommes d’abord appelés à prier pour l’Église en France et tous ses membres, afin d’être confortés dans leur foi et leur espérance, car le Christ est vainqueur du prince de ce monde (Jn 16, 33) ; ensuite, à promouvoir une formation chrétienne, plus solide que mièvre, sans édulcorer les notions fondamentales, comme celles du péché, de la conscience morale… ; enfin, s’exercer toujours mieux à la vertu cardinale de prudence à tous les niveaux du gouvernement de l’Église. Les trois mots du chrétien en ces temps difficiles : courage, confiance et espérance !

Propos recueillis par Charlotte Reynaud

[1Le missionnaire de la Miséricorde, appelé par le Conseil pontifical pour la promotion de la nouvelle évangélisation, a la capacité de recevoir les confessions concernant les péchés réservés au Saint-Père et est appelé à prêcher sur la divine Miséricorde.

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