Un restau, des handicaps et une étincelle
Paris Notre-Dame du 10 septembre 2020
C’est un restaurant pas comme les autres qui vient d’ouvrir boulevard Pasteur : La Belle Étincelle, qui embarque à son bord huit salariés porteurs de handicap mental. Une aventure humaine, portée par un Parisien inspiré, soutenu, parmi d’autres acteurs, par la paroisse N.-D.-des-Champs (6e). Ouverture.
Les verres parfaitement alignés reflètent le soleil de septembre. Au fond de la grande salle claire à l’odeur de neuf : la cuisine où s’activent quatre « équipiers », tous porteurs de handicap mental. Aurélien, un des deux chefs cuisiniers, tablier en place, cheveux ébouriffés derrière son masque, se poste auprès des apprentis-cuistots de ce nouveau restaurant prometteur, La Belle Étincelle, installé au 59, boulevard Pasteur (15e). Devant les plaques électriques flambant neuves, Tony, l’autre chef, prépare les ustensiles, donne un conseil, lance le rythme. Au menu : lasagnes de légumes, ballotine de volaille, soupe de fraises (plats maison, produits frais et de saison). Il est 9h30 et c’est l’ouverture, ce vendredi 4 septembre. « Là, on n’est plus en formation, on attaque », prévient Jean-Pierre, responsable de salle aux côtés de Bénédicte. « J’ai trente ans de métier dans la restauration, confi e cet homme chaleureux, entre deux coups de balai, une réception de commande et un mot à l’ouvrier effectuant des finitions au bar. Je ne connaissais pas du tout le monde du handicap, et ce projet m’a passionné dès le départ. C’est sûr que ce n’est pas la même chose. J’avais une forme d’appréhension. Mais même dans ce métier dur, où il faut être très rapide et concentré, ces jeunes nous font du bien. Ils sont impliqués, attachants. Le but, c’est de les lancer dans la vie professionnelle, qu’ils puissent travailler ailleurs, après ! »
Un peu de stress en ce premier jour ? « Un peu, oui », avoue Antoine dans sa tenue de serveur noire et rouge bordeaux, au masque assorti, sans arrêter ses allers-retours pour préparer le couvert du staff qui déjeunera avant de lancer le service. Mais il est surtout heureux et il le montre, donnant des « Ça va ? », à qui passe par là. « Le stage continue », se répète-t-il tout haut, fier et concerné. Car après avoir été recrutés début 2020 par le gérant, François-Loïc Rousselon, les huit équipiers (de 18 à 38 ans) ont effectué une formation pratique de quinze jours, fin août. Le sentiment de ce trentenaire parisien à l’origine de ce projet ambitieux, au jour du lancement ? « Une libération !, lâche-t-il. C’est un soulagement immense, après de longs mois d’incertitudes en raison de la crise sanitaire. » Et une joie d’aboutir un projet porté depuis deux ans et demi, en lien avec divers experts professionnels et associatifs. En premier lieu : l’association d’insertion en milieu ordinaire, Tremplin extraordinaire, qui a été créée pour piloter le projet. Mais aussi l’association Acces (composée de psychologues et d’éducateurs spécialisés) ou encore, le réseau professionnel Sitio, rattaché à la paroisse N.-D.-des-Champs (6e), qui soutient des projets proches de la Doctrine sociale de l’Église... « À l’origine, souffle l’entrepreneur, il y a des questions sur le sens que je voulais donner à ma vie professionnelle après avoir fait du conseil durant dix ans. Mais aussi mon engagement dans l’association À bras ouverts, qui a tout simplement changé ma vie. » Et puis son attrait pour l’entreprenariat, « la convivialité, les bonnes tables », et enfin, son envie de contribuer, à sa manière, à offrir « un vrai métier », à ces personnes porteuses de handicap. Si François-Loïc Rousselon témoigne volontiers de sa foi chrétienne et du soutien « déterminant » de ses proches par la prière, il monte une entreprise « ouverte », sans « entre-soi ». Une vocation ? Il rit. « Je ne me verrais pas faire autre chose. »
Laurence Faure @LauFaur
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