Une charité universelle et désintéressée
Paris Notre-Dame du 7 novembre 2013
P. N.-D. - À l’occasion des dix ans de la béatification de sœur Rosalie Rendu (1786-1856), votre paroisse, Ste-Rosalie [1](13e), organise une célébration le dimanche 17 novembre, à 11h. Quelle a été l’influence de cette bienheureuse dans le Paris du XIXe siècle ?
P. Lionel Dumoulin - Membre de la congrégation des Filles de la Charité, elle a consacré sa vie aux plus fragiles, en particulier dans le quartier de Mouffetard (5e), touché à l’époque par une grande misère. Son aide était concrète : elle donnait du pain ou des couvertures à ceux qui en manquaient et a ouvert de nombreuses institutions comme une école, une maison pour les vieillards ou un orphelinat. Elle a aussi joué un rôle important dans la création d’œuvres, par exemple les Conférences Saint-Vincent de Paul. Si elle est toujours restée à l’extérieur des questions politiques, elle a cependant soutenu des intellectuels catholiques, comme Frédéric Ozanam, qui luttaient pour faire évoluer la législation sociale. Sa capacité à mobiliser des bénévoles était aussi incroyable. Elle a incité de nombreuses personnes riches ou pauvres à donner de l’argent ou du temps pour ses actions, comme la duchesse d’Angoulême, la fille de Louis XVI. Son rayonnement dépassait son quartier !
P. N.-D. - D’où venait son pouvoir de mobilisation ?
P. L. D. - La radicalité de son engagement impressionnait et bouleversait. Elle n’avait pas besoin de grands discours : elle demandait aux autres de faire ce qu’elle faisait elle-même. C’est un beau témoignage pour nous. L’appel n’est efficace que lorsqu’on perçoit que celui qui nous appelle à nous donner se donne lui-même ! Elle possédait aussi le talent de discerner ce que chacun pourrait faire pour Dieu : visiter une famille pauvre, soutenir financièrement ou matériellement son œuvre, trouver un travail pour un chômeur, etc.
P. N.-D. - En quoi cette figure peut inspirer les Français d’aujourd’hui ?
P. L. D. - Sa vie témoigne d’une charité universelle et désintéressée. Universelle parce que, pour elle, un chrétien est avant tout celui qui donne sans condition. Elle apportait ainsi son soutien et son amour à tous, pauvres ou riches, émeutiers ou défenseurs du pouvoir en place. Lors d’émeutes sociales, elle a ainsi sauvé la vie d’un officier, menacé de mort par des révolutionnaires. Elle n’a jamais choisi son camp et elle a témoigné que la charité est au-dessus des opinions ou des combats politiques. C’est certainement là que réside son immense popularité. Sa charité est aussi désintéressée car elle a soutenu beaucoup d’œuvres chrétiennes qui n’étaient pas les siennes. Elle a ainsi accueilli les Petites Sœurs des pauvres lors de leur arrivée à Paris ou encore, elle a soutenu les Filles du Bon Sauveur à Caen qui s’occupaient de personnes avec un handicap. Elle soutenait tout ce qui allait dans le sens de l’amour de Dieu et du soutien des frères. Son secret ? Une Fille de la Charité témoigne : « Elle vivait continuellement en la présence de Dieu. Avait-elle une mission difficile à remplir, nous étions assurées de la voir monter à la chapelle ou de la trouver à genoux dans son bureau. » • Propos recueillis par Céline Marcon
[1] La paroisse Ste-Rosalie est placée sous le double patronage de la bienheureuse Rosalie Rendu et de sainte Rosalie de Palerme.