Une pépinière de projets pour les jeunes
Paris Notre-Dame du 9 novembre 2010
Dans le 14e arrondissement, en lien avec la paroisse St-Pierre de Montrouge, un centre pour les jeunes aide les adolescents du quartier à prendre confiance en eux.
Dans un coin du local, trois jeunes, casque sur la tête, ont les yeux rivés sur un écran. Jouant avec les variations de voix et le volume des instruments sur un logiciel d’enregistrement de son, ils n’entendent pas la multitude de discussions qui partent dans tous les sens autour d’eux. D’un signe de la main, certains disent au revoir au groupe d’enfants que Sambala et Fanny emmènent au Jardin des Plantes pour l’après-midi. Ce mercredi de vacances, le centre paroissial d’initiatives jeunes (CEPIJE), situé dans le 14e arrondissement, est particulièrement animé. Installé derrière la gare Montparnasse, il accueille, au rez-de-chaussée d’une tour d’habitation, des jeunes du quartier. Au lieu de faire venir des animateurs pour encadrer les activités sportives ou musicales, le CEPIJE mise sur les grands jeunes habitant les barres d’immeubles voisins.
Née en 1995, l’initiative est soutenue par la paroisse St Pierre de Montrouge (13e), dont est salarié Olivier Le Duc, le directeur. Fort de quarante ans d’engagement comme éducateur social, il a posé des règles de jeu simples, pariant sur une confiance totale donnée aux jeunes. « Ils doivent sentir qu’ils sont appelés à être des fils de Dieu, estime-t-il. Pour réaliser leur potentiel, il faut d’abord qu’ils aient des expériences concrètes dont nous leur confions les rênes, qu’ils sentent qu’ils ont les moyens de devenir acteurs de leur vie. Une fois qu’ils ont compris que l’on a de l’estime pour eux et leur projet, ils ont envie de transmettre leur savoir. »
Depuis, de nombreux jeunes venus « en passant » ont trouvé plus que ce qu’ils cherchaient. Rabat a été attiré, il y a trois ans, par l’ambiance « sympa et joviale ». « Puis je suis devenu bénévole, j’ai participé à des événements autour du rap organisés dans le quartier, et cela m’a fait découvrir l’animation, se souvient-il. J’ai rencontré des gens engagés dans ce milieu et j’ai pu travailler dans un centre social. »
Au début, les activités, mises en place par les premiers visiteurs du local,touchaient surtout à la musique, et notamment au rap. Elaborer ses textes sur un coin de bureau, poser sa voix au micro, gérer l’accompagnement avec des logiciels de son : une dizaine de projets professionnels ont vu le jour entre ses murs. « La gestion a toujours été basée sur une autonomisation des jeunes, explique Olivier. Les clefs passent de main en main, en fonction des besoins et des envies. » De même pour les compétences, comme en témoigne Moussah, 23 ans.
« Quand j’ai voulu développer ma connaissance des programmes informatiques de musique, j’ai pu me faire la main sur le matériel du CEPIJE, raconte-t-il. Puis je suis devenu l’animateur chargé du son et je transmets aux intéressés ce que je connais. Une fois qu’ils ont un minimum de savoir technique, ils viennent enregistrer quand ils veulent et gèrent seuls l’utilisation du logiciel. C’est un passage de relais. »
Cette année, cinq animateurs ont commencé une formation en alternance avec un établissement de la Fondation d’Auteuil, pour obtenir un brevet professionnel de la jeunesse, de l’éducation populaire et du sport (BPJEPS). Ces jeunes futurs diplômés peuvent ainsi élargir les propositions du CEPIJE.
« Au-delà des ados, nous voulons avoir des activités pour les plus petits », explique Malik, l’un d’entre eux. Durant ses trois semaines par mois au local, il alterne entre l’accueil informel, les diverses activités sportives, prévues ou improvisées, et les sorties.
S’il s’est lancé, c’est à la suite d’une réunion avec Olivier et des personnes engagées dans les associations du coin : « Ils ont expliqué qu’ils cherchaient des moyens d’améliorer l’ambiance avec les jeunes de leur quartier, et nous ont demandé ce que l’on pensait pouvoir faire pour les aider. C’était la première fois que j’avais une discussion comme celle-là. »
Au-delà des animations, le centre tente d’être un acteur de la pacification des relations de voisinage. Récemment, quand un jeune s’est fait agresser par une bande rivale, les bénévoles du CEPIJE se sont mobilisés pour éviter une escalade de la violence. A cette occasion, St Pierre de Montrouge a aussi amené sa pierre à l’édification de la paix.
« Spontanément un groupe de prière s’est constitué pour soutenir celui qui a été grièvement blessé », confie Olivier. Pas de crucifix, pas de textes bibliques inscrits sur les murs : certains pourraient penser la foi absente de ce lieu.
« Une dimension spirituelle nous est commune avec nombre de jeunes cépijiens musulmans croyants, qui place notre relation dans la confiance, le respect de l’autre, souligne le directeur. Elle est le fondement d’une intimité profonde qui porte ses fruits. » • Sophie Lebrun
LE CEPIJE S’EXPORTE
En mars 2009, un centre paroissial d’initiatives jeunes, comme le CEPIJE, a été ouvert à Boulogne. Quatre autres sont en projet dans la région parisienne. Les acteurs de ces futurs centres s’appuient toujours sur le souci de ne pas greffer un fonctionnement externe, mais trouver sur place les ressources humaines pour construire un lieu où la confiance est au cœur des relations. • S. L.
« VENEZ NOUS RENCONTRER »
« Les jeunes du CEPIJE se cherchent, il leur faut développer des contacts avec le monde de l’entreprise pour dépasser les clichés et trouver leur voie », explique Olivier, le directeur du centre. Stages, contrats à durée déterminée ou seulement rencontres avec des patrons sont au- tant de moyens pour eux de voir qu’ils ont une place sur le marché du travail, et cerner le projet professionnel dans lequel ils souhaitent s’inscrire. « Plusieurs chefs d’entreprise sont en contact avec nous, certains d’entre eux ont été tellement touchés qu’ils en sont devenus des amis du CEPIJE, continue Olivier. Ces partenariats ont souvent commencé par une visite anodine dans nos locaux et ont débouché sur des liens durables. » • S. L.