Vénération : une invitation à adorer le Roi couronné, le Roi crucifié
Paris Notre-Dame du 14 mars 2024
Tous les vendredis de Carême – et particulièrement le Vendredi saint, de 10h à 17h –, la Couronne d’épines est proposée à la vénération des fidèles à St-Germain-l’Auxerrois.
« Nous venons contempler celui qui attire à lui tous les hommes ; que notre amour puisse répondre à son amour immense. » Ce sont par ces mots, prononcés à la fin d’une courte homélie après proclamation de l’Évangile, que le P. Jean-Christophe Vinot, chanoine du chapitre de Notre-Dame, lance le temps de vénération de la Couronne d’épines, proposé tous les vendredis de Carême à 15h. Face à lui, dans la nef de St-Germain-l’Auxerrois (1er), une foule dense et fervente ; ils sont plus d’un millier à avoir rejoint l’église voisine du Louvre dans une démarche de pèlerinage, afin, selon les mots du P. Vinot, de « réaliser jusqu’où l’amour de Dieu a été pour nous, contempler le Christ qui marche vers sa Passion, vient porter tous les maux du monde et pardonner toute faute ».
Une demi-heure avant la cérémonie, l’église est comble. Dans la chapelle où la Couronne est exposée pour l’ostension, de jeunes enfants récitent le chapelet, rompant le silence religieux de l’assemblée. Mais un œil attentif saisit, ici ou là, des dialectes différents, devine que se pressent là des personnes de nombreux pays, certains très lointains, et de toutes les générations ; enfants et vieillards, personnes seules ou en famille, aisées ou simples, clercs ou laïcs, c’est tout un visage de l’Église qui se présente devant la relique la plus insigne de la Passion du Christ, retrouvée au IVe siècle par l’empereur Constantin et sa mère Hélène, et acquise par le roi Saint Louis en 1239 auprès de l’empereur latin de Constantinople, Baudoin II de Courtenay. S’il est difficile de se prononcer, d’un point de vue scientifique, sur l’authenticité de la relique, il n’y a, en revanche, aucun doute sur son identification ; malgré les heurts de l’histoire – notamment la Révolution française – la relique présentée aujourd’hui à la dévotion des fidèles est bien celle portée par Saint Louis, pieds nus et en robe de bure, et, auparavant, trouvée en Terre Sainte et mise à l’abri des pillages, à Constantinople. Une histoire originellement orientale qui transparaît encore aujourd’hui, non seulement par la forte présence des chrétiens d’Orient et orthodoxes dans l’assemblée, mais aussi par celle des chevaliers et dames de l’Ordre équestre du Saint-Sépulcre de Jérusalem, reconnaissables à leurs manteaux – blancs pour les chevaliers, noirs pour les dames – et qui ont pour mission de protéger et défendre la précieuse Couronne.
15h. Au son grave et saisissant du gong, qui impose aux fidèles l’image du Christ crucifié, les chevaliers de l’Ordre du Saint-Sépulcre et les chanoines se rendent en procession dans la chapelle où est exposée la Couronne d’épines afin de la porter jusqu’à l’autel. Si c’est toujours un chanoine qui la porte ou la présente, ce sont les chevaliers qui manipulent la précieuse relique, du début jusqu’à la toute fin de la cérémonie. Placés en permanence à proximité immédiate, ils veillent également à la sécurité – aidés par des gardes du corps – et au bon déroulement de la vénération à proprement parler, qui intervient après un court temps de liturgie de la Parole. Pendant plus d’une heure, une procession ininterrompue de fidèles – s’inscrivant dans la continuité de seize siècles de prière fervente – défile devant le reliquaire d’or et de cristal qui laisse entrevoir, à travers une monture ajourée représentant une branche de ziziphus spinachristi (l’arbuste qui a servi au couronnement d’épines), un cercle de joncs réunis en faisceaux et retenus par des fils d’or. « Un moment très émouvant », pour Christophe Grunenwald, représentant de la lieutenance de l’Ordre équestre auprès du chapitre Notre- Dame de Paris, qui évoque avec émotion ce dont il est témoin chaque vendredi, « les larmes de certains, le trouble très vif d’autres, les gestes très personnels de dévotion et en même temps l’immense respect des personnes. » Lui-même, depuis vingt ans, ne s’est jamais départi de l’émotion qui est la sienne lorsqu’il enlève la Couronne de son écrin pour la fixer sur le coussin – « en confiant chaque fois telle ou telle personne, telle ou telle situation » – ou lorsqu’il la redépose, la cérémonie achevée – « C’est comme si j’entendais une voix murmurer les paroles du Christ “tout est accompli” ». Jusqu’au bout, l’assemblée est comme saisie dans une même intensité ; lors de la procession finale, certains fidèles se lèvent soudain pour suivre jusqu’au bout le chanoine portant la relique, à l’image de ces foules suivant le Christ pour toucher son manteau. Sur le parvis, l’émotion est toujours palpable, mais les mots sont difficiles à trouver. « J’ai pensé aux épines », chuchote une petite fille de 5 ans ; « J’ai confié la France », partage Marie, entourée de sa fille et de sa petite-fille, trois générations de femmes unies dans la prière ; « C’est la deuxième fois que je viens ; j’ai ressenti une ferveur que je ne peux décrire, mais qui m’oblige à revenir… et j’y reviendrai… », confie Léna, comme un écho aux mots du P. Vinot, évoquant « celui qui attire à lui tous les hommes ».
Charlotte Reynaud
– Rendez-vous : chaque vendredi de carême de 15h à 17h, le Vendredi saint de 10h à 17h.
– Vénération de la Couronne d’épines et Conférences de carême à Saint-Germain l’Auxerrois. Rencontre avec Mgr Olivier Ribadeau Dumas.
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