Homélie du cardinal André Vingt-Trois – 7e dimanche de Pâques
Notre-Dame des Foyers (19e) - dimanche 24 mai 2009
– Ac 1, 15-17.20a 20c-26 ; Ps 102, 1-2.11-12.19.22 ; 1 Jn 4, 11-16 ; Jn 17, 11-19
Frères et sœurs,
Qui va conduire l’Église ?
Après l’Ascension du Seigneur, la jeune Église qui s’était constituée autour de lui s’est trouvée confrontée à une difficulté nouvelle. Tant que Jésus était au milieu des apôtres et des disciples, il était naturellement celui qui les conduisait, qui les enseignait, qui leur indiquait comment il fallait vivre avec lui. Mais à partir du moment où il a quitté cette terre, comme nous l’avons célébré il y a quelques jours à l’Ascension, ils se trouvent seuls. Certes ils peuvent se souvenir de ce que Jésus leur a dit et se raconter les uns aux autres les grands moments de leur vie avec lui, mais comment vont-ils affronter l’avenir ? Qui va décider de ce qui va se passer ? Qui va conduire ce groupe qui est tout petit et qui n’a pas beaucoup de force ? Qui va lui donner les moyens d’annoncer l’Evangile ?
Les lectures que nous venons d’entendre nous aident à comprendre comment cette jeune Église a découvert peu à peu comment Dieu continuait à la conduire.
Appelés par Dieu
Les apôtres ont d’abord eu à désigner celui qui devait remplacer Judas, le traître qui s’était suicidé et qui laissait une place vide au milieu de leur groupe. Mais la question était de savoir comment le choisir. Ce choix devait avoir une importance énorme pour la suite, car il donnait une indication très précise de la manière dont l’Église allait s’organiser. Pour procéder au choix de Matthias, on cherche d’abord quels sont ceux qui ont vécu avec Jésus depuis le début et jusqu’à la fin. Parmi ceux-là, il s’en trouve deux qui pourraient devenir les successeurs de Judas. Mais ce ne sont pas les onze qui choisissent celui-là plutôt que celui-là. Toute la communauté se met en prière et demande à Dieu : « montre-nous lequel des deux tu as choisi » (Ac 1, 24). Et pour que s’exprime le choix de Dieu, ils tirent au sort, ce qui est un moyen comme un autre. Dans la foi ce n’est pas le hasard qui joue, mais c’est Dieu qui désigne ce douzième. « Le sort tomba sur Matthias, qui fut dès lors associé aux onze Apôtres » (Ac 1, 26). Voilà un premier élément qui nous dit comment va s’organiser la suite de la vie de l’Église : Dieu lui-même choisit ceux qu’il va envoyer.
Portés par la prière de Jésus
Ce groupe petit et fragile trouve sa force dans ce que Jésus a dit et fait. Dans l’évangile que nous avons entendu, Jésus prie son Père pour ceux qu’il va laisser dans le monde, « ils sont dans le monde » (Jn 17, 11) même « s’ils ne sont pas tirés du monde » (Jn17, 15). Le Christ prie pour eux, pour qu’ils gardent la foi qu’il leur a donnée, pour qu’ils demeurent dans la fidélité à Dieu. Jésus lui-même appelle la présence et la force de Dieu sur ce petit groupe auquel il a confié l’Evangile à partir de son départ. C’est là un deuxième élément : cette petite Église qui va grandir est confiée à la force de Dieu par la prière de Jésus.
Unis par les liens de la charité
Et il y a le contenu de cette prière, ce que Jésus demande à son Père pour ses disciples. Il prie pour qu’ils soient unis les uns aux autres comme le Père et lui sont unis. Cette unité n’est donc pas simplement de la sympathie ou de l’amitié mutuelle. Elle devient un signe de la communion de Dieu. Nous reconnaissons la présence de Dieu à la manière dont nous nous aimons les uns les autres. « Dieu personne ne l’a jamais vu » (1 Jn 4, 12), nous dit l’Epître de saint Jean, « mais si nous nous aimons les uns les autres alors Dieu demeure en nous ». (1 Jn 4, 12). Voici la manière dont Jésus va se rendre visible, après que les disciples l’aient vu disparaître. Jésus remonté auprès du Père, aura une figure visible à travers la communauté de ceux qui l’ont suivi et qui vont vivre dans la communion de l’amour.
Le triple témoignage de l’Eglise
Ces trois éléments (le choix des disciples par Dieu lui-même, la force de Dieu donnée à la prière de Jésus et l’amour qui unit les disciples du Christ) constituent aujourd’hui encore le témoignage de notre Église. Dieu lui-même nous a choisis et appelés. Il a interpellé chacun de nous par notre nom au moment de notre baptême, et il nous appelle chaque jour à vivre dans la communion avec lui. C’est pour nous que Jésus prie aujourd’hui, pour que nous ayons la force de Dieu et que nous vivions dans l’unité, comme le Père et le Fils sont unis. L’Esprit du Christ construit l’unité de son Église et rassemble, comme nous le voyons dans notre communauté aujourd’hui, des hommes et des femmes de toutes nations et de toutes couleurs pour en faire un seul corps, une seule famille, un seul peuple. La manière dont nous vivons les uns avec les autres et dont nous mettons en pratique l’amour que nous avons reçu, fait de nous un signe au milieu des hommes. Tout le monde sait que Dieu ne peut être vu. Et puisqu’on ne le voit pas, beaucoup ne croient pas en lui. Mais les fruits de l’action de Dieu à travers notre vie sont bien visibles : la manière dont il nous permet de surmonter nos timidités, notre respect humain et notre peur mutuelle pour nous entraîner les uns vers les autres et vivre dans la charité. On ne voit pas Dieu, mais on peut voir les enfants de Dieu qui vivent dans la communion par l’amour que Dieu répand dans nos cœurs.
Communier pour faire briller l’amour de Dieu et être comblés de joie
Frères et sœurs, quand nous sommes rassemblés comme nous le sommes aujourd’hui pour célébrer le jour du Seigneur, nous vivons plus intensément cette communion au Christ et cette communion les uns avec les autres que durant le reste de la semaine. Nous renouvelons notre force pour nous aimer les uns les autres. Les jeunes qui vont faire leur première communion aujourd’hui prennent leur place dans cette assemblée du Seigneur. Ils y deviennent eux aussi des signes et des témoins de l’amour que Dieu porte aux hommes. Dans sa prière, Jésus dit « je viens à toi, je parle ainsi en ce monde pour qu’ils aient en eux ma joie et qu’ils soient comblés de ma joie » (Jn 17, 13). Ces paroles se réalisent pour nous aujourd’hui, en ce monde. Il veut combler notre cœur de joie. Nous savons que notre vie a ses difficultés. Mais nous savons aussi que la force de Dieu est plus grande que les difficultés de notre vie. Nous somme sûrs que la puissance de l’amour nous fait échapper à l’isolement et à l’abandon, que le Christ est vivant aujourd’hui et toujours. Amen.
André cardinal Vingt-Trois,
archevêque de Paris