Homélie du Cardinal André Vingt-Trois - Fête du Saint-Sacrement

Cathédrale Notre-Dame de Paris - Dimanche 14 juin 2009

- Ex 24, 3-8 ; Ps 115, 12-13.15-18 ; He 9, 11-15 ; Mc 14, 12-16.22-26

Homélie du Cardinal André Vingt-Trois

Frères et Sœurs,

Dans la Bible, la première Alliance connaissait divers types de sacrifices. Les lectures que nous venons d’entendre nous les rappellent : sacrifices d’animaux qui scellaient l’alliance conclue entre les partenaires, mais aussi sacrifice de l’agneau pascal qui rappelait la nuit où Israël avait été libéré de la servitude alors que la mort frappait les Egyptiens. Ces sacrifices étaient répétés années après années pour faire mémoire de cette Alliance première.

Avec le Christ quelque chose de nouveau survient. Il ne s’agit plus d’un sacrifice rituel comme ceux qui étaient exécutés dans la première Alliance conformément à la Loi, au Temple de Jérusalem ou sur des autels improvisés. Il s’agit d’une autre offrande. On n’immole plus des animaux mais c’est le Christ, le Fils unique de Dieu, qui s’offre lui-même pour sceller une Alliance définitive. Son sacrifice n’a pas besoin d’être jamais réitéré jusqu’à la fin des temps.

Les célébrations eucharistiques que nous vivons sont l’actualisation de l’unique sacrifice du Christ. Elles n’en sont pas une répétition, pas plus qu’elles ne sont une évocation des sacrifices rituels d’animaux ou du sacrifice de l’agneau pascal. Quand nous célébrons l’eucharistie nous faisons ce que Jésus lui-même a fait au cours du dernier repas, selon la consigne qu’il a donnée à ses disciples de « faire cela en mémoire de lui ».

Le don que Jésus fait de sa vie est le seul sacrifice qui nous entraîne dans la nouvelle Alliance définitive. Y participer est beaucoup plus qu’un geste rituel. C’est un acte de communion. En partageant le pain entre ses disciples et en faisant circuler entre eux la coupe de vin, Jésus leur propose de communier à son corps et à son sang, il leur offre de participer au don qu’il fait de lui-même et d’entrer dans son propre sacrifice.

Quand nous sommes réunis chaque dimanche pour célébrer l’eucharistie, nous refaisons les gestes et les paroles que Jésus lui-même a faits et qu’il a dites au moment de la dernière Cène. Nous prononçons les mêmes phrases de bénédiction et nous distribuons le pain offert pour que chacun puisse communier au don que Jésus fait de sa vie sur la croix, à l’unique sacrifice du Salut. Voilà pourquoi le rassemblement eucharistique du dimanche, jour du Seigneur et jour de la résurrection, est vraiment fondateur de la vie de l’Église. Quand il nous appelle et nous réunit, Dieu nous constitue comme peuple de l’Alliance. Quand il nous partage la Parole de vie et le Pain de vie, il fait de nous son propre corps pour ce temps et ce lieu. Quand il nous donne les commandements qu’il a laissés à ses disciples, il nous permet de vivre l’Alliance tout au long de notre semaine. Car la Parole que nous recevons est comme les dix paroles données sur le Mont Sinaï. Elle est le code qui nous fait entrer dans une connaissance singulière de la volonté de Dieu pour la mettre en pratique et devenir ainsi son peuple.

Le pain que nous offrons, et qui symbolise l’effort et le travail des hommes, devient par la puissance de l’Esprit Saint le Corps du Christ partagé entre tous. Quand nous le recevons, nous devenons une seule et même personne avec celui qui nous est donné. Selon la formule de saint Augustin, nous « devenons ce que nous recevons ». Nous recevons le corps du Christ ressuscité pour vivre de la résurrection et pour témoigner de la vie du Christ en ce monde. Ainsi chaque fois que l’Église est rassemblée par Dieu pour célébrer l’eucharistie, sa communion est renforcée et son action dynamisée.

Seuls des esprits pervers peuvent utiliser l’eucharistie comme moyen de division. Quand Dieu nous rassemble il veut faire de nous un unique corps, offrant une unique prière dont la maîtrise est confiée à l’Église et à ses pasteurs légitimes. C’est dans cette unique prière à travers les diversités des cultures, des langues et des traditions, que le Corps du Christ s’édifie à travers les âges.

Notre communion fervente à la prière de l’Église fait progresser la vigueur de notre foi et notre capacité de témoignage. Le pain de vie que nous recevons, nous rend capables à notre tour d’être des bâtisseurs de paix et de charité. C’est parce que nous vivons de l’amour que le Christ a manifesté en offrant sa vie que nous apprenons à nous donner par amour. Nous ne venons pas à la messe pour échapper aux contraintes de l’existence, nous y venons pour que ces contraintes soient assumées dans l’offrande du Christ et pour que nous soyons renforcés dans notre capacité à les affronter à notre tour.

L’eucharistie doit être en ce monde le premier signe de la charité. Elle doit être en ce monde la première source de l’amour dont nous vivons. Elle doit être pour nous le ressort et la force qui nous constituent comme témoins de la foi et de l’espérance au milieu des hommes. Quand nous sommes rassemblés, la joie de Dieu habite notre cœur car nous sommes renouvelés dans l’Alliance à laquelle nous participons depuis notre baptême. Quand nous sommes rassemblés, la Parole de Dieu entre en nos cœurs et en nos esprits pour éclairer notre chemin.

Rendons grâce à Dieu qui nous associe ainsi au Salut du monde dans l’amour. Amen.

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