Homélie du Cardinal André Vingt-Trois - Fête de l’Assomption 2009

Cathédrale Notre-Dame de Paris - Samedi 15 août 2009

Ap 11, 19 et 12, 1-6.10 ; Ps 44, 11-16 ; 1 Co 15, 20-27 ; Lc 1, 39-56

Homélie du Cardinal André Vingt-Trois

Frères et sœurs,

Tout au long de cet après-midi, nous avons prié le chapelet en cheminant à travers les rues de l’Ile de la Cité et de l’Ile Saint-Louis. Nous avons prié le « Je vous salue Marie » qui est une prière composée avec des paroles qui viennent de l’Ecriture. Quand nous disons « Tu es bénie entre les femmes » (Lc 1, 42), nous reprenons en effet la salutation d’Elisabeth à Marie.

En avançant tous ensemble derrière la statue de Notre-Dame, nous avons médité sur les grandes étapes de la vie du Christ et pour chaque mystère, nous avons essayé d’exprimer des intentions de prière.
Nous avons pu dire ce que nous souhaitions demander à Dieu pour nous-mêmes, mais plus largement pour les hommes qui nous entourent, pour ceux de notre temps et de notre monde.
Souvent, vous l’avez entendu, sont revenues les évocations des souffrances, des difficultés, des misères, des maladies et des déchirements qui frappent nos contemporains.
Tous ces drames sont la concrétisation pour le temps que nous vivons de ce grand combat dont le visionnaire de l’Apocalypse a évoqué les grandes figures à travers les images de la femme couronnée d’étoiles et du dragon.
La femme couronnée d’étoiles est enceinte et donne la vie à celui qui sera le Sauveur des hommes, tandis que le dragon est le symbole de la mort et du combat permanent auquel l’humanité est soumise.

Nous le savons, il semble bien qu’il n’y ait ici-bas jamais de victoire définitive sur la mort. Certes, à force d’efforts, d’ingéniosité, de beaucoup d’investissement et travail, l’humanité - grâce à Dieu ! - progresse et surmonte un certain nombre de périls qui menaçaient son existence, du moins dans les pays riches où nous vivons.
Il est vrai que nous ne connaissons souvent que par ouï-dire ces pays où les grands fléaux tels que la faim, la soif, ou les grandes épidémies ne sont pas encore vaincus. Mais à l’échelle du monde entier et de l’histoire, nous pouvons considérer que les efforts de l’homme ont permis de surmonter un certain nombre de difficultés.

Cependant, nous expérimentons sans cesse qu’au moment où nous croyons être délivrés de certains éléments déstabilisants ou fragilisants, de nouveaux périls ou de nouveaux facteurs de déséquilibre apparaissent.
Peut-être surgissent-ils parce que nous sommes mieux capables de les identifier et de les comprendre ? Toujours est-il qu’en 2009, les risques de déstabilisation économique et les menaces d’épidémie continuent à être une réalité non seulement pour des pays cruellement frappés par la misère mais également pour nos pays développés.

Si nous acceptons d’y réfléchir, ces alertes nous aident à comprendre que le progrès de l’humanité est un combat permanent, qu’il faut sans cesse reprendre et poursuivre, pour lequel il faut lutter sans se lasser. Pas de pause ni de repos, personne ne peut dire : « nous sommes sortis d’affaire ».
La menace de la mort pèse inéluctablement sur l’existence de chacun et de chacune d’entre-nous et de tous les êtres du monde. Tous nous mourons, et c’est là d’ailleurs la seule certitude que nous ayons sur notre avenir : notre existence terrestre est limitée dans le temps et se terminera.

Dès lors, la grande question à laquelle les hommes sont confrontés est de savoir si cette fin de notre existence terrestre est la fin de tout ? Si, comme beaucoup d’hommes et de femmes le pensent, la mort remporte inéluctablement la victoire, comment ne pas être tenté d’accélérer le processus pour se donner soi-même la mort ? Mais n’y-a-t’il vraiment aucune espérance pour le monde ?

L’Assomption de Notre-Dame dans son corps et dans son âme nous offre cette ouverture extraordinaire que la résurrection du Christ trace face à la mort humaine.
La Vierge Marie, une femme née de notre chair, a été préservée de la destruction, de la décomposition, de l’anéantissement de la mort. Elle est glorifiée dans sa chair, première bénéficiaire du salut accompli par le Christ à travers sa mort et sa résurrection qui font de lui le premier-né d’entre les morts, le premier-né d’une multitude de frères.

Et l’Assomption de la Vierge-Marie nous permet d’affirmer que chacune et chacun d’entre-nous est appelé à cette victoire sur la mort, pour franchir comme Marie la barrière de la mort sans être anéanti. C’est la promesse que le Christ fait à ceux qui croient en Lui dans l’évangile, « 
Celui qui mange ma chair et boit mon sang a la vie éternelle » (Jn 6, 54). La figure de la femme couronnée d’étoiles nous montre la source de cette vie.
Celui qui sort de son sein sera le Sauveur de l’humanité. Pour nous, l’enfantement du fils de Dieu en notre chair permet la victoire sur le mal et la mort figurés par le dragon.

Ainsi, en nous entraînant les uns les autres cet après-midi à exprimer devant Dieu nos besoins, nos désirs et nos supplications par l’intercession de Notre-Dame, nous avons fortifié notre foi et notre espérance.
Ce monde qui est le nôtre, avec ses réussites et ses progrès si admirables, et avec ses fragilités, ses menaces et ses dangers, notre monde n’est pas un monde où la mort vaincra.
C’est un monde appelé à la vie si nous sommes nous-mêmes artisans de vie et témoins de la vie.

Alors frères et sœurs, en rendant grâce à Dieu pour cette fête de l’Assomption, demandons au Seigneur qu’il renouvelle en nous l’espérance, que Marie, mère de l’espérance, illumine le chemin qui s’ouvre devant nous. Amen.

+André cardinal Vingt-Trois

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