Homélie du Cardinal André Vingt-Trois - messe d’envoi des catéchistes
Saint-Germain des Près, samedi 12 septembre 2009
1 Tm 1, 15-17 ; Ps 112, 1-7 ; Lc 6,43-49
Homélie du Cardinal André Vingt-Trois
Frères et sœurs, L’âge des enfants catéchisés pendant le temps de l’école primaire est un âge de fondation. C’est dans cette période que se mettent en place progressivement les éléments qui vont servir de repère et de référence, non seulement dans les années de l’adolescence et de la jeunesse, mais aussi tout au long de la vie. Nombre de traits constitutifs de la personnalité se façonnent dans l’enfance.
Notre tâche catéchétique participe de ce travail de constitution des fondements. Cela ne signifie pas forcément que ce que nous faisons perdurera éternellement, ni que les éléments assimilés seront reconnus et identifiés comme tel tout au long de la vie de ces jeunes. Nous savons bien d’ailleurs que certains d’entre eux passeront par des moments où ils rejetteront ce que nous avons essayé de leur faire découvrir. Mais même alors, ils ne pourront pas faire que ce qu’ils ont vécu n’ait pas été vécu, ils ne pourront pas empêcher que, inconsciemment ou implicitement, ce qui leur sera apparu à un certain moment comme quelque chose de beau et de bon, continue d’éclairer leur vie.
C’est pourquoi nous ne devons pas juger de la valeur de ce que nous faisons uniquement en fonction des fruits immédiats. Cette œuvre de l’annonce du Christ aux jeunes générations fait partie d’un mécanisme collectif de transmission entre les générations. Nous sommes une des pièces de ce mécanisme. L’annonce du Christ que nous essayons de faire s’intègre dans la grande mission de l’Église, mais aucun de nous ne possède la totalité du système, ni la maitrise de la manière dont ce que nous faisons va se développer et fructifier dans l’avenir.
Notre mission requiert donc un acte de confiance et exige que nous revenions sans cesse au noyau, c’est-à-dire à ce qui va être le pôle de référence de l’organisation de toute la vie chrétienne. L’évangile que nous venons d’entendre nous en donne deux expressions.
La première est que la racine et la source de toute sainteté vient du cœur, où s’exerce l’apprentissage de notre liberté et de notre responsabilité. La réalité de notre vie chrétienne n’est pas définie par l’extérieur, mais par les dispositions intérieures du cœur. Ce n’est pas la bouche qui donne le sens du discours, c’est le cœur dont il sourd.
Et la seconde caractéristique incontournable pourrait être définie comme le passage des bons sentiments à la mise en pratique. Il ne s’agit pas de dire : « Seigneur, Seigneur », mais de mettre la parole du Christ en pratique.
Ces deux points mettent l’accent sur les dispositions intérieures, sur ce qui est en nous. Seule compte vraiment la manière dont notre liberté s’engage à l’égard de la personne du Christ et de la personne de nos frères. Ce que nous disons ne compte pas devant ce que nous vivons et ce que nous faisons.
Ceci caractérise d’ailleurs toute personnalité humaine équilibrée, qui ne considère pas que tout le mal – ou tout le bien - vient d’ailleurs que d’elle-même et quitte la tentation de pouvoir vivre n’importe comment en gardant un discours conforme à la pensée générale.
Un chrétien sait que l’instance ultime de jugement n’est pas l’opinion commune et que Dieu juge non d’après les bons sentiments ou les bonnes paroles, mais selon la manière de vivre. Un chrétien est conscient que sa manière de vivre se définit et se détermine au cœur de sa liberté intérieure, là où il est seul devant Dieu.
Que le Seigneur nous donne la grâce de pouvoir transmettre des éléments aussi fondamentaux pour l’avenir et la construction de la vie de chacun des enfants qui nous sont confiés. Amen.
+André cardinal Vingt-Trois, archevêque de Paris