Homélie du Cardinal André Vingt-Trois - Messe et Bénédiction d’une Statue de la Vierge
Notre-Dame de Chine (13e) - Dimanche 16 mai 2010
(Traduction simultanée en chinois)
– Mi 5, 1-4 ; Ac 1, 12-14 ; Jn 19, 25-27
Frères et sœurs,
En entendant ce passage de l’évangile de saint Jean, nous pourrions simplement comprendre que Jésus, au moment de quitter ce monde, confie sa mère à son plus proche disciple pour qu’elle ne reste pas seule. Mais dans le même moment où il confie sa mère au disciple, Jésus le confie à Marie. Le disciple est invité à prendre soin d’elle pour le temps de sa vie terrestre. Et il la prend chez lui. Et Jésus charge Marie de veiller sur ses disciples. Elle devient la mère de cette nouvelle famille fondée par le Christ. Et puisque Jésus a donné sa vie pour l’humanité entière, et pas seulement pour ses amis ou pour son peuple, on peut dire qu’il confie toute l’humanité à Marie. Ce faisant, il accomplit la prophétie de Michée que nous avons entendue tout à l’heure. Les actes des apôtres nous montrent comment Marie met en pratique la mission que lui a confiée Jésus. Tout de suite après son départ, elle se joint au groupe des apôtres et à leur prière dans l’attente de l’Esprit. Les apôtres et ceux qui les ont suivis ont reconnu dans Marie leur mère et leur protectrice. Marie est mère de l’Église. Mais comme l’Église est envoyée au service de l’humanité toute entière, la maternité de Marie ne se limite pas aux disciples et s’étend à tous les hommes. Elle est aussi bien la mère des Chinois que la mère des Français ou la mère des Juifs.
C’est pourquoi les chrétiens ont pu représenter Marie de tant de façons différentes. Chacun a le droit de se représenter sa mère. Parmi tous les tableaux ou les statues qui représentent la Vierge Marie, certains tentent de reproduire la Vierge telle qu’elle est apparue dans l’histoire, comme par exemple à Lourdes ou rue du Bac à Paris. Mais vous savez que Bernadette de Lourdes comme Catherine Labouré rue du Bac n’ont jamais reconnu leur vision de la Vierge dans les reproductions qui ont été faites. Peut-être ce qu’elles avaient vu échappait-il à toute reproduction ? Nous devons accepter et reconnaître que nous nous représentons la Vierge Marie à partir de nos imaginations. Et comme il y a une imagination chinoise, il y a une imagination africaine ou une imagination européenne. Et il est juste que les chrétiens de Chine puissent créer l’image de leur Mère pour exprimer leur lien avec Marie. Mais nous ne devons jamais oublier que chacune des représentations particulières que nous vénérons nous appelle à ouvrir notre maison à la dimension universelle de l’Eglise.
Aujourd’hui, en bénissant la statue de Notre-Dame de Chine, je suis heureux de confier à cette Mère de la communauté chinoise, non seulement cette paroisse mais également tous les Chinois qui habitent à Paris et tous les Chinois du monde. Cette fête m’est également l’occasion de remercier la communauté chinoise d’inscrire la dimension universelle de l’Église au cœur de notre diocèse de Paris. Grâce à vous, et à plusieurs dizaines d’autres communautés étrangères à travers la ville, nous sommes contrains de constater que Dieu n’est pas français, et que nous sommes entrés dans une famille métissée.
Dans quelques instants, nous allons faire la profession de foi de l’Église universelle à partir de chacune de nos cultures. Nous attendons dans l’espérance, le jour où l’Esprit Saint nous donnera de nous exprimer tous ensemble dans la même langue, ou bien où chacun comprendra dans sa langue ce que disent les autres. Ce sera la Pentecôte finale. En attendant nous avons besoin de traducteurs.
+André cardinal Vingt-Trois, archevêque de Paris