Homélie de Mgr André Vingt-Trois –Messe à l’occasion de la 20e journée mondiale du refus de la misère
Cathédrale Notre-Dame de Paris - Dimanche 14 octobre 2007
De nombreux membres d’associations caritatives (dont ATD Quart-Monde) ont assisté à cette célébration dans le cadre de la 20ème Journée Mondiale du Refus de la Misère
Evangile selon Saint Luc chap. 17, versets 11 à 19.
Frères et Sœurs,
A mesure que Jésus s’approche de Jérusalem en suivant son chemin, les gens qui l’entourent, et avant tout ses disciples, évidemment, sont conduits à exprimer et à vivre d’une façon nouvelle leur relation avec Lui. C’est pourquoi dans cette montée vers Jérusalem l’évangile selon saint Luc nous propose de comprendre d’une façon plus profonde en quoi consiste la foi. Dimanche dernier, vous vous en souvenez sans doute, les disciples priaient Jésus d’augmenter leur foi, et il leur répondait : « La foi, si vous en aviez gros comme une graine de moutarde, vous diriez à cet arbre d’aller se planter dans la mer et il vous obéirait ». Aujourd’hui, avec la purification de ces dix lépreux, nous sommes invités à faire un pas de plus dans notre manière de comprendre la foi.
En effet, ces dix lépreux qui ont sans doute ont entendu parler de Jésus et de ses pouvoirs de guérison, l’appellent au secours : « Jésus, Maître, prends pitié de nous ». Cet appel au secours exprime bien une certaine confiance dans les pouvoirs du Christ, sinon à quoi bon l’appeler au secours. Nous-mêmes, nous crions vers Lui, à certains moments de notre vie, quand nous traversons des périodes plus difficiles, quand nous rencontrons des épreuves plus accablantes : « Seigneur, ne nous abandonne pas ! Seigneur, prend pitié de moi ! ». Cette prière toute simple qui vient de notre cœur à nos lèvres exprime la confiance que nous avons que Jésus est capable de faire quelque chose pour nous. Jésus, en envoyant les dix lépreux se montrer aux prêtres, met en pratique ce que dit la loi en cas de guérison de la lèpre. Il faut aller se montrer aux prêtres pour vérifier si la guérison est authentique. Chemin faisant, ces dix hommes se trouvent purifiés, mais un seul revient pour remercier celui qui les a guéris en glorifiant Dieu à pleine voix.
Que pouvons-nous comprendre ? Nous pouvons comprendre que dans ce premier cri : « Maître prend pitié de nous » s’exprimait une confiance fondamentale dans la puissance de guérison du Christ, un appel au secours, un besoin d’être secouru, soutenu, aidé, guéri, accompagné. Seulement, au moment où Jésus répond à cet appel en purifiant les lépreux, neuf d’entre eux oublient que cette purification est le résultat de leur prière. Que pensent-ils ? L’Évangile ne nous le dit pas, mais en tout cas ils ne pensent pas à revenir vers Jésus comme vers celui qui les a sauvés. En revanche, la manière dont le Christ s’adresse à ce samaritain : « Relève-toi et va, ta foi t’a sauvé », nous révèle que la foi qui l’a sauvé n’est pas simplement l’appel au secours que dans un moment de détresse ils ont tous adressé au Christ, c’est le chemin qu’il a parcouru pour revenir et rendre grâce.
Ainsi, nous découvrons que la foi n’est pas simplement un acte de confiance absolu et sans contenu, elle est une démarche qui se compose de deux éléments. D’une part, la confiance, mais encore la capacité de faire mémoire, de se souvenir, de se rappeler ce que Dieu a fait pour nous. Croire, c’est faire mémoire ; croire, c’est se rappeler que Dieu intervient dans notre vie, dans toute l’histoire de l’humanité, comme nous le rappelle l’Écriture, et dans chacune de nos vies comme nous pouvons nous en apercevoir quand nous faisons retour sur notre histoire. Il est intervenu pour nous, Il a agi pour nous, Il a manifesté sa puissance pour nous. Croire en Lui c’est reconnaître d’abord ce qu’il a fait en notre faveur. C’est rendre grâce et c’est attribuer les bienfaits qui nous ont touchés à la puissance et à l’amour de Dieu et non pas à quelques hasards improbables. Si les dix lépreux ont été purifiés, ce n’est pas parce que brusquement a soufflé un vent purificateur ou bien parce que le virus ou la maladie qui les habitait s’est éteint tout seul, c’est parce que Dieu est intervenu pour eux. Être croyant, c’est reconnaître l’intervention de Dieu dans les événements de notre vie.
L’évangile selon saint Luc nous invite à élargir notre regard. Le seul des dix qui a reconnu que Jésus agissait au nom de Dieu en sa faveur est un samaritain, et un samaritain dans l’évangile, vous le savez, n’est pas simplement un habitant de la région de Samarie, c’est aussi le membre d’un groupe religieux qui s’est détaché progressivement de la religion officielle d’Israël, en refusant le sacrifice au temple de Jérusalem, une sorte d’hérétique, un étranger comme dit Jésus dans l’évangile, quelqu’un qui ne fait pas pleinement partie du peuple élu. Faut-il que nous découvrions, à travers la figure de ce samaritain, qu’aujourd’hui encore, des hommes et des femmes qui ne font pas partie de notre peuple élu, qui ne sont pas pleinement membres de l’Église, qui sont des croyants incertains, incertains d’eux-mêmes, incertains de leur foi, que ceux-là, mieux que nous peut-être, vont devenir capables de reconnaître ce que Dieu fait pour eux et de revenir vers le Christ pour lui rendre grâce ?
Frères et sœurs, entendons la parole de saint Paul à Timothée : « Souviens-toi de Jésus-Christ le descendant de David ». N’oublie pas celui qui est venu donner sa vie pour que nous vivions. N’oublie pas que, si tu vis aujourd’hui, c’est parce qu’Il te donne de vivre. N’oublie pas que si tu es délivré d’un certain nombre de maux, de maladies, de misères, de souffrances, de détresses, c’est parce qu’à travers des hommes et des femmes, Jésus aujourd’hui ressuscité, intervient et vient à notre secours. Alors, avec le peuple de Dieu tout entier réuni par l’Esprit-Saint, nous revenons semaine après semaine nous incliner devant le Christ et lui rendre grâce, et rendre grâce à Dieu pour les merveilles qu’il a faites dans notre vie. Avec le Christ, nous chantons l’amour fidèle et persévérant du Seigneur ; avec Lui nous exprimons notre foi et par cette foi, nous sommes sauvés.
Amen.