Homélie de Mgr André Vingt-Trois – 2e anniversaire du Pontificat de Benoît XVI
Dimanche 22 avril 2007 - Cathédrale Notre-Dame de Paris.
Frères et Soeurs, en cette Eucharistie nous rendons grâce particulièrement pour les deux années de ministère du Pape Benoît XVI. Providentiellement, la liturgie propose à notre méditation le dialogue entre Jésus et Pierre. Ce dialogue se construit autour des trois interrogations par lesquelles le Christ, sans que rien n’en soit dit, rappelle les trois trahisons de Pierre. Mais ce dialogue surtout fait apparaître l’originalité du ministère confié, de la mission transmise, par rapport à une relation de type plus cordial, plus amical, comme celle qui s’établissait entre Jésus et l’apôtre Jean, "celui que Jésus aimait ". Ce n’est pas à celui que Jésus aimait qu’est confiée la mission de paître le troupeau, c’est à celui que Jésus choisit. Ce choix, même s’il suppose une relation d’une force particulière entre Pierre et Jésus : "M’aimes-tu plus que ceux ci ? ", ne se définit pas simplement par la force de cette relation mais d’abord par le fait que Jésus a choisi Simon entre les Douze pour qu’il devienne "le roc, la pierre sur laquelle il établirait son Eglise ". Cela nous est rapporté dans les évangiles synoptiques au moment de la confession de foi de Césarée. Ce deuxième anniversaire du pontificat du Pape Benoît XVI est une occasion pour nous, non seulement de rendre grâce, mais aussi de réfléchir à ce mystère.
De rendre grâce puisqu’il y a un peu plus de deux ans, dans cette même cathédrale, nous priions dans la peine du départ de Jean-Paul II et nous nous remettions dans la foi à la conduite de l’Esprit Saint pour qu’il suscite à son Eglise le successeur qui lui convient. Car, ultimement, selon la Parole de l’Ecriture, ce n’est pas nous qui choisissons le Christ, c’est le Christ qui nous choisit ; ce n’est pas nous qui choisissons ceux à qui il confie la mission, c’est Lui qui les choisit. Si le successeur de Pierre,, comme vous le savez, est élu par des hommes que sont les cardinaux, il n’en demeure pas moins, comme l’atteste le récit des Actes des Apôtres pour la désignation de celui qui devait succéder à Judas dans le collège des Douze, que les procédés humains de désignation ne se substituent pas au choix que Dieu fait de son serviteur. Aussi bien, nous le savons sans que le secret du Conclave soit trahi mais par les confidences que Jean-Paul II lui-même et Benoît XVI ont pu faire en public, l’un comme l’autre ont reçu cette élection non pas comme un choix humain, mais vraiment comme un choix divin. Il fallait bien que ce choix fût divin, inspiré par l’Esprit Saint pour transgresser avec autant de force et de simplicité une règle, ou en tout cas une coutume : pourquoi choisir pour une charge aussi écrasante un homme de 78 ans ? En même temps que nous rendons grâce pour le deuxième anniversaire de son pontificat, nous célébrons en ce mois d’avril son quatre-vingtième anniversaire. L’expérience du Pape Jean XXIII nous a appris que l’âge n’est pas une indication rédhibitoire pour engager des actions fortes, mais nous sommes conscients néanmoins qu’il provoque un dynamisme ralenti, une capacité d’action et d’intervention moins forte. Humainement, à vues humaines, il y avait pour choisir un pape bien des cardinaux beaucoup plus jeunes. Mais justement le pape n’est pas choisi à vues humaines, il n’est pas le serviteur de nos projets, de nos représentations, de nos projections sur l’Eglise ; il n’est pas le serviteur de ce que nous imaginons être bien. Il est le serviteur que Dieu choisit pour conduire son Eglise dans le moment que nous vivons, selon sa personnalité, selon les forces dont il dispose, selon l’histoire qui l’a constitué, selon ses moyens, ses talents, sa foi, son intelligence, sa capacité d’écoute et de dialogue, bref ses qualités humaines. Le Seigneur le choisit en lui demandant d’abord de l’aimer plus que les autres ne l’aiment. Au moment où Jésus confie à Pierre le troupeau qu’il doit paître, non seulement il ne fait pas l’inventaire de ses capacités pour cette tâche, mais il évoque discrètement son incapacité. Au moment où il lui confie le troupeau à paître, la seule question qu’il lui pose est la question : "M’aimes-tu ? M’aimes-tu plus que ceux-ci ? ".
Ainsi, frères et soeurs, en cet anniversaire de l’inauguration du pontificat de Benoît XVI, nous pouvons rendre grâce qu’il ait accepté le choix de Dieu dans l’humilité et la simplicité pour, selon la phrase qu’il a prononcée dès le premier jour, à l’annonce de son élection devant la place Saint-Pierre, être "un modeste ouvrier de la vigne du Seigneur ". Nous rendons grâce pour l’abnégation, l’humilité, la délicatesse avec laquelle il accomplit ce ministère, et nous prions pour que le chemin que Dieu a choisi pour lui, pour que l’appel qu’il lui a adressé soit une occasion supplémentaire d’aimer le Christ davantage. Nous prions pour que, arrivé à son grand âge, il accepte une fois encore de ne pas choisir lui-même où il va, mais de laisser ceindre ses reins par le Christ pour être conduit là où il n’avait pas voulu. Au moment où il aurait pu imaginer se retirer et se livrer à ses travaux personnels, Dieu l’entraîne à être donné tout entier au service de l’Eglise.
Rendons grâce à Dieu pour ce choix. Prions-le pour que sa force assiste son serviteur tout au long de sa mission. Amen.
+ André Vingt-Trois
Archevêque de Paris