Homélie du cardinal André Vingt-Trois lors de la Vigile Pascale 2008
Cathédrale Notre-Dame de Paris - Samedi 22 mars 2008
Au cours de cette Vigile Pacale, le Cardinal André Vingt-Trois a baptisé 3 catéchumènes de la paroisse Saint-Antoine de Padoue. Ainsi, chaque année une paroisse de Paris est invitée à célébrer la Résurrection du Christ en la Cathédrale Notre-Dame de Paris.
Christ est ressuscité, il est vraiment ressuscité ! Tout d’abord permettez-moi de saluer et d’accueillir cordialement les paroissiens de la paroisse Saint-Antoine-de-Padoue, dans le XVè arrondissement, qui sont venus célébrer la Vigile pascale cette nuit avec les trois catéchumènes qui vont être baptisés tout à l’heure. Ils sont les bienvenus et nous sommes heureux de célébrer la Résurrection du Christ avec eux. De même je veux saluer cordialement les pèlerins de Münster.
Frères et sœurs, le Dieu auquel nous croyons, le Dieu qui a relevé Jésus d’entre les morts, est le Dieu de la vie, il n’est pas le Dieu de la mort. Toute l’histoire de l’alliance avec Israël est comme une longue profession de foi, renouvelée depuis la création. De même qu’Israël reconnaît dans son Dieu celui qui a donné toute vie, il découvre, à travers les épisodes de son histoire : l’élection d’Abraham, la libération d’Egypte, l’instauration du Royaume à Jérusalem, l’exil, le retour, la prédication prophétique de la loi nouvelle inscrite dans les cœurs,… ces grands épisodes de l’histoire d’Israël que nous avons entendu évoquer à l’instant, il découvre que la première victoire de Dieu, c’est de faire vivre ce peuple qu’il a choisi et qu’il a institué pour être témoin de cette alliance. Dieu est le Dieu vivant, il est la source de la vie, il est celui qui donne la vie, il est celui par qui la mort est vaincue.
Les gardes, nous nous en souvenons, à la fin de la lecture du récit de la Passion dans l’évangile selon saint Matthieu, les gardes avaient été placés devant le tombeau pour empêcher qu’on ne vienne enlever le corps du Christ et prétendre qu’il était ressuscité. Nous venons d’entendre comment les cieux se sont ouverts pour que eux, les gardes, soient comme foudroyés et rendus morts, alors que celui qu’ils gardaient au tombeau est sorti vivant. Quand nous croyons être devenus maîtres de la vie des autres et maîtres de leur mort, nous entrons dans un processus qui nous conduit, nous, à la mort, car c’est la vie que Dieu veut. Il veut la vie de la créature qu’il a mise au monde et qu’il accompagne à travers les dédales de l’histoire ; il veut la vie de ceux qui sont menacés dans leur liberté et dans leur capacité de vivre et il les délivre « à main forte et à bras étendu ». Il veut la vie de cet enfant qu’il a donné à Abraham et qu’Abraham avait compris qu’il devait sacrifier, mais le bras de l’ange arrêta le couteau car le Dieu d’Abraham n’est pas le Dieu des sacrifices vivants, il est le Dieu des sacrifices du cœur. Il veut la vie de ce peuple auquel il donne la loi comme parole de vie, comme lumière pour conduire son existence dans la fidélité à l’alliance. Il veut la vie même du pécheur, et non pas sa mort : il veut qu’il se convertisse et qu’il vive. C’est ce Dieu auquel nous croyons, c’est ce Dieu qui veut passionnément la vie de l’homme au point de venir lui-même endosser l’existence humaine, traverser avec elle l’épreuve de la mort et se lever vivant pour notre vie.
C’est ce Dieu, qui nous appelle, chacune et chacun d’entre nous, à parcourir le même chemin à travers l’existence humaine, chemin qui nous conduit apparemment de la naissance à la mort et que, par la puissance de sa vie et de son Esprit, il ouvre devant nous pour qu’il devienne le chemin d’une vie qui ne finit pas. On peut mourir, on peut mettre fin à ses jours, on peut mettre fin aux jours de son prochain, on ne peut pas transformer le Dieu de vie en Dieu de mort. On ne peut pas obtenir de lui qu’il approuve nos actes et nos pensées génératrices de mort, on ne peut pas obtenir de lui qu’il veuille la mort de l’homme, d’aucun homme, si amoindri soit-il, si atteint soit-il dans son corps, dans son esprit, dans son cœur et même dans son âme.
Il veut que chacune de ses créatures continue son chemin jusqu’à la plénitude de la vie et que chacune de ses créatures vive dans l’espérance que son amour incommensurable est plus grand que chacune de nos vies, que chacune de nos souffrances, que chacun de nos désespoirs et même que chacun de nos péchés. C’est ce Dieu vivant qui nous a appelés à participer à sa propre vie en partageant la nôtre. C’est ce Dieu vivant qui nous ouvre par le baptême la source de la vie éternelle. C’est ce Dieu vivant qui nous accueille dans la plénitude du corps ecclésial quand il répand son Esprit Saint sur chacun de nous. C’est ce Dieu vivant qui se donne en nourriture quand sa parole nous est offerte et quand il nous partage le pain de vie.
C’est en ce Dieu vivant que nous croyons, nous qui avons été baptisés et qui sommes invités cette nuit à renouveler les promesses de notre baptême. C’est ce Dieu vivant, Père, Fils et Esprit Saint, qui est la lumière de nos existences, l’espérance de nos cœurs. C’est ce Dieu vivant qui vous accueille, vous trois qui allez être baptisées et auquel vous allez accorder votre foi en répondant aux questions de l’Église. C’est ce Dieu vivant que vous rencontrez après des années de recherche, de cheminement avec lui. C’est ce Dieu vivant qui vous promet la vie : alors que nos corps se désagrègent, il fait grandir en nous la vie qui ne finit pas, et la mort fait son œuvre en nous pour que la vie accomplisse son œuvre à travers le monde.
Frères et sœurs, en cette nuit, tous les chrétiens à travers le monde, tous les catholiques en tout cas, fêtent le Christ Ressuscité. Notre frère orthodoxe a proclamé l’évangile de la Résurrection en grec devant nous pour que notre foi au Ressuscité nous rapproche davantage encore de nos frères chrétiens. Celui qui rencontre le Christ vivant est tout aussitôt, immédiatement, envoyé pour l’annoncer. Nous avons entendu de la bouche de l’ange cet envoi adressé aux femmes : « Allez en Galilée où il vous rejoindra comme il l’a promis » Nous l’avons entendu de la bouche de Jésus lui-même quand il s’adresse à elles : « Soyez sans crainte, allez annoncer à mes frères qu’ils doivent se rendre en Galilée. C’est là qu’ils me verront ».
Croire au Christ Ressuscité et aller au-devant de nos frères pour leur annoncer la Résurrection, c’est une seule et même réalité, une seule et même action. Il n’y a pas de foi au Ressuscité tant que nous n’allons pas vers nos frères pour leur partager l’expérience que nous avons vécue. Il n’y a, évidemment, pas de mission possible en ce monde si nous ne croyons pas au Christ Ressuscité. Célébrer le Christ vivant aujourd’hui, c’est croire que son Esprit vit en nous, c’est croire qu’il habite chacune de nos existences, c’est croire qu’il nous appelle et qu’il nous envoie pour faire de chacun de nous une lumière dans le monde.
Nous sommes tout à la joie de cette Résurrection. Tous ensemble, nous allons entourer nos sœurs qui vont être baptisées comme les jeunes qui vont être confirmés. Avec eux, nous allons retrouver la source vive de notre baptême. Avec eux, nous allons retrouver la source de notre envoi en mission. Avec eux, nous allons raviver l’espérance : Dieu veut que nous vivions, il veut nous faire partager sa vie, il veut nous faire échapper à la mort. Amen.
+André cardinal Vingt-Trois
archevêque de Paris