Homélie du cardinal André Vingt-Trois – Dimanche in albis et de la Miséricorde, pèlerinage de Chartres 2008

Chartres, dimanche 30 mars 2008

Evangile selon saint Jean au chapitre 20, versets 19-31

Homélie du Cardinal André Vingt-Trois

Nous sommes bienheureux parce que nous croyons sans avoir vu, tous autant que nous sommes ! Ici, aucun, aucune d’entre nous n’a vu le Christ ressuscité de ses yeux. Aucun, aucune d’entre nous n’a touché les plaies de ses mains ni mis sa main dans la plaie de son côté. L’Evangile vient de nous le dire : il s’agit d’une bénédiction. Parce que la foi, ce n’est pas de reconnaître ce qui s’impose à nos sens, c’est d’accepter ce que Dieu propose à notre liberté. On ne croit pas parce qu’on est obligé de croire ; on ne croit parce que des arguments nous ont convaincus. On croit parce qu’on fait confiance à la parole de Dieu qui nous est transmise et parce qu’on fait confiance au témoignage de ceux qui ont vu. On s’imagine souvent qu’on pourrait convaincre les hommes et les femmes qui nous entourent de croire si on avait un argument décisif : il n’y a pas d’argument décisif pour créer la confiance. Même si on arrivait à prouver que le linceul de Turin a bien enveloppé le corps du Christ, cela ne produirait la foi de personne. Car on ne croit pas à cause d’une preuve, on croit à cause de la confiance que l’on fait à Dieu.

Pourtant, nous avons quelque chose à voir mais qui n’est pas le Christ Ressuscité et qui n’est pas le corps du Christ, qui n’est pas le visage du Christ. Nous avons quelque chose à voir : ce sont les fruits que produit l’Esprit du Christ dans le monde. Le premier de ces fruits, vous avez médité à son propos pendant ce chemin, c’est celui du pardon que Dieu accorde au monde : « La paix soit avec vous. Comme le Père m’a envoyé, moi aussi je vous envoie » et, soufflant sur eux son Esprit, il leur dit : « Ceux à qui vous pardonnerez les péchés, ils leur seront pardonnés ». Par la puissance de l’Esprit Saint répandu sur les disciples, Jésus les constitue comme artisans et témoins de la miséricorde de Dieu. Il fait d’eux les ministres, les serviteurs de cette miséricorde.
A travers eux, il nous adresse un message d’espérance. Dans l’histoire des hommes, le mal n’aura pas le dernier mot, pas plus que la mort n’a le dernier mot, pas plus que la culpabilité n’a le dernier mot. Car le mal comme la mort comme la culpabilité sont solubles dans l’amour. Parce que Dieu est riche en miséricorde, parce qu’il déborde de cette miséricorde depuis les origines du monde où il nous a appelés à la vie, Il a mis œuvre tous les moyens pour que chacun et chacune d’entre nous puise en abondance à la source de la miséricorde.

Nous savons bien quand notre cœur est ténèbres, nous savons bien quand nos actes nous tirent vers la nuit ; nous savons bien quand notre liberté se soumet à nos instincts. Quantité d’hommes et de femmes, devant cette obscurité de leur intelligence, devant cette paralysie de leur liberté, renoncent. Ils acceptent que le mal soit plus fort que l’amour, ils acceptent d’être dominés, ils acceptent de ne plus pouvoir changer de vie, ils acceptent d’être enfermés dans ce qu’ils ont fait. La miséricorde de Dieu vient briser cet enfermement, la miséricorde de Dieu vient nous redire à chaque instant que Dieu est plus grand que notre cœur, que son amour est plus grand que notre timidité, que sa force est plus grande que notre faiblesse. Si loin que nous puissions nous penser par rapport à lui, son Esprit de miséricorde vient calmer nos anxiétés, guérir nos plaies et raviver en nos cœurs la force de l’amour.

Oui, il y a quelque chose à voir : ces hommes et ces femmes qui s’appuient sur l’amour de Dieu pour mener une vie digne, belle, au service de leurs frères ; ces hommes et ces femmes qui s’appuient sur la miséricorde de Dieu pour surmonter leurs faiblesses, renoncer à leurs erreurs, chasser les ténèbres, ouvrir leur cœur à la lumière ; ces hommes et ces femmes qui sont comme des étoiles dans notre ciel, comme des lueurs dans notre nuit ; ces hommes et ces femmes qui ouvrent leur vie à l’amour ; ces hommes et ces femmes qui s’engagent pour l’amour ; celles et ceux qui se lient par des liens d’amour pour construire une famille qui soit un lieu de miséricorde et d’amour ; celles et ceux qui acceptent de tout quitter pour le service de l’Évangile ; ceux qui répondent à l’appel de Dieu pour être les ministres de la miséricorde au milieu des hommes.

Aujourd’hui, la miséricorde a touché votre cœur. Aujourd’hui, devenez des acteurs de la miséricorde et de l’amour ! Chers amis, le Christ vivant hier, aujourd’hui et demain, le Christ visible dans le Corps de son Église, le Christ offert dans sa Parole et dans le pain partagé, le Christ vous appelle à vous laisser porter par la joie de ceux qui croient en lui sans l’avoir vu, de ceux qui tressaillent d’allégresse dans la certitude de son retour. Au jour de notre baptême, nous-mêmes ou nos parrains, nos marraines ont proclamé notre foi en ce Dieu de miséricorde. Ce soir, après le chemin que vous avez fait, je vous invite avec les nouveaux baptisés de l’Église à faire la même profession de foi en répondant : « Je crois » aux questions qui ont été posées au moment de votre baptême comme elles sont posées à tout chrétien depuis que le Christ est apparu vivant à ses disciples. Amen.

+André cardinal Vingt-Trois, archevêque de Paris

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