Homélie de Mgr André Vingt-Trois – Messe en l’église Saint-Antoine de Jaffa 2007
Jaffa (Terre Sainte) - lundi 12 février 2007
Homélie de la messe à Jaffa, première étape du pèlerinage-découverte sous la présidence de Mgr André Vingt-Trois qui a eu lieu du lundi 12 au jeudi 15 février 2007. 588 personnes y ont pris part dont une soixantaine de prêtres et une trentaine de journalistes.
– Consultez également le compte-rendu de ce pèlerinage-découverte en Terre-Sainte.
Nous sommes venus poser le pied sur cette terre que le Christ lui-même a connue. Nous rencontrons les traces des communautés chrétiennes qui ont prospéré dans cette région à travers les siècles. Chaque jour de notre pèlerinage, l’Eucharistie nous exposera le "cœur de cible" de notre démarche. Aujourd’hui, ce "cœur de cible", à Jaffa, au bord de la mer Méditerranée, est l’espèce de révolution spirituelle à laquelle les disciples sont conviés. Je devrais dire un peu plus que conviés : ils sont acculés à accueillir les païens dans leur communauté. Quand on lit les Évangiles et les Actes des Apôtres et les épîtres de saint Paul, on voit bien que dans cette communauté naissante du premier siècle des groupes d’origines diverses se côtoient sans toujours parvenir à s’unir et à identifier la nouvelle famille à laquelle ils appartiennent. Nous voyons aussi comment la peur, la hantise de ne pas provoquer une fois de plus des réactions des Romains, des Juifs, des Samaritains et d’autres encore, les pousse tous à chercher des voies pour concilier l’eau et le feu, pour ne pas avoir à choisir. Nous savons bien comment saint Paul, dans une de ses épîtres, s’oppose avec vigueur, pour ne pas dire sévérité, contre ce qu’il juge avoir été une faiblesse de Pierre quand il a refusé d’entrer chez un païen.
Dans cet épisode de Jaffa nous voyons Pierre, à l’encontre de sa culture et de sa tradition, de ses penchants même, acculé à accepter que l’impur puisse être purifié. Il faut que nous acceptions nous aussi d’aller à cette profondeur. Le Christ, évidemment, ne demande pas à ses disciples de renier l’idéal de sainteté de la loi biblique, mais il pose par ses paroles et par ses actes le principe que Dieu peut rendre pur celui qui accepte de se convertir, que l’intervention de Dieu dans la vie des hommes peut être le déclenchement d’une conversion. Ce ne sont donc pas les appartenances ethniques, historiques ou même religieuses qui vont définir le statut de l’homme devant Dieu, c’est la miséricorde du Seigneur qui va susciter une ouverture dans le cœur des hommes de bonne volonté. Cette lecture dont je crois que sans exagérer on peut dire qu’elle est parfaitement biblique, cette lecture nous est proposée par les Actes des Apôtres. Elle n’y est pas présentée comme le résultat d’un long conciliabule, de savantes discussions où s’anticiperaient, plusieurs siècles à l’avance, les conciles de la Renaissance, du XIXe siècle, puis du XXe siècle. La décision n’est pas si facile à prendre car il ne s’agit pas tant de poser un acte d’autorité mais de faire avancer le cœur des hommes vers une autre manière de vivre. Et cela ne se décrète pas. Cela se sème, cela se cultive et cela se récolte. Je vous propose aujourd’hui d’être dans l’action de grâce, puisque de ces rives de la Méditerranée, grâce à la descente de la nappe remplie d’animaux impurs devant Pierre, l’Évangile est parvenu aux autres rives de la mer. Je voudrais rendre grâce de ce que nous avons bénéficié de cette universalisation de la Bonne Nouvelle. Rendons grâce d’être appelés à notre tour à devenir témoins universels de la Bonne Nouvelle.
+ André Vingt-Trois
Archevêque de Paris