Homélie du cardinal André Vingt-Trois – Appel décisif des catéchumènes 2009

Le 28 février 2009, le Cardinal Vingt-Trois accueillait les 308 catéchumènes des paroisses de Paris en la cathédrale pour la célébration de l’appel décisif.

Mes chers amis,
En lisant les lettres que vous m’avez adressées, je pensais à l’évangile que nous allions entendre et méditer ensemble cet après-midi. Et j’ai souvent eu une vision en superposition : il me semblait que chacune et chacun d’entre vous était d’une certaine manière Barthimée, celui qui est assis au bord du chemin avec son infirmité, et qui attend le passage de Jésus.

Ce que vous m’avez confié m’a fait comprendre que vous aussi, vous ressentiez avoir été longtemps privés d’une certaine lumière et d’une certaine vie, soit que vous ayez grandi dans une famille de tradition chrétienne mais sans avoir la possibilité de vivre des sacrements, ou bien que vous apparteniez à une autre tradition religieuse.
Vous avez pris conscience de ce qui vous manquait, souvent à l’occasion d’événements imprévus ou importants : la mort d’un être cher, l’union de quelqu’un qui vous était proche, la naissance d’un enfant dont on vous demandait d’être le parrain ou la marraine. Votre cœur a aussi pu être touché par des faits plus discrets ou plus intimes et par le rayonnement et le témoignage de personnes qui vivaient autour de vous ou dont vous étiez proches.
En regardant leur vie, leur manière d’affronter l’existence, d’assumer les contraintes des jours et de déployer la dignité humaine, vous vous êtes peu à peu demandé d’où cela pouvait venir. Votre curiosité et votre inquiétude ont été apaisées en découvrant qu’ils étaient croyants, d’une religion particulière entre toutes, disciples de Jésus le Fils de Dieu, membres de l’Église dans laquelle ils communient à la vie du Christ ressuscité, illuminés et dynamisés par l’Esprit Saint reçu au baptême, et qui les fait à leur tour témoins de la fidélité de Dieu.

A travers ces différents épisodes, que chacun ou chacune d’entre vous peut ajuster à sa propre histoire, se posait peu à peu la question : Pourquoi pas moi ? Pourquoi ai-je été tenu à l’écart de cette source de vie ? Est-il trop tard aujourd’hui ? Le baptême est-il réservé aux bébés ou bien est-il possible de le recevoir à tout âge ?

Vous le savez, entre le moment où ces questions commençaient à faire leur chemin en vous et celui où vous avez pu les formuler et en parler à quelqu’un, il s’est passé beaucoup de temps.
Mais un jour enfin, vous avez osé, osé croire ou osé parler, osé franchir le seuil d’une église et entrer dans ce bâtiment que tout le monde connaît mais dont on ne sait souvent ni à quoi il sert, ni la vie dont il est rempli.
Pour beaucoup d’entre vous ce fut une étape importante, car en entrant dans cette église, vous vous êtes adressé à la personne qui était là : un homme, une femme, un prêtre. Alors, le dialogue qui avait commencé au secret de votre cœur a pris la forme d’une conversation avec quelqu’un que vous ne connaissiez pas, mais qui à votre grande surprise, se montrait disponible et ouvert pour entendre vos questions.
Même s’il n’apportait pas toujours de réponse, il savait vous indiquer un chemin pour en trouver. A partir de cette rencontre, vous avez rejoint un groupe de catéchuménat, ce qui vous a permis de mieux découvrir la personne de Jésus, ce qu’il a vécu et enseigné, ceux qui sont aujourd’hui ses disciples, ce qu’ils croient, et comment ils essayent de vivre.
Vous avez découvert l’Église et ses sacrements, et tout ceci a petit à petit transformé votre vie.
Car on ne se fait pas baptiser sans se convertir, on ne devient pas chrétien simplement par un changement d’uniforme ou de titre, mais parce que la parole de Dieu proposée par l’Église change nos vies et que la grâce nous fait entrer dans une vie nouvelle.

Avec vos accompagnateurs et vos accompagnatrices du catéchuménat, vous avez découvert que suivre le Christ conduit à changer quelque chose dans sa manière de vivre, d’être avec les autres, d’envisager l’amour avec l’homme ou la femme de votre vie, en passant d’une relation informe à un engagement sacramentel et définitif.
Etre disciple du Christ vous conduit à mettre de l’ordre dans votre existence, modifie votre façon de travailler ou d’utiliser les biens de ce monde, transforme votre regard sur vos enfants et sur l’avenir, et sur ce monde que Dieu a tant aimé qu’il a envoyé son fils pour le sauver.

Pour chacun d’entre nous cette transformation n’est pas achevée. Tout comme vous, il me reste encore à ordonner ma vie, et à mesure que les années passent, le délai diminue, tandis que vous avez plus d’années que moi devant vous ! Chaque année, le temps du carême nous invite à vivre la conversion et à mettre nos vies en ordre.
Il ne s’agit pas là de les conformer à un ordre qui leur serait extérieur, mais de les rendre ordonnées et orientées par l’amour, pour que la charité du Christ devienne comme transparente à travers notre manière de vivre, qu’il nous rende capables d’aimer comme lui nous aime.

Votre chemin dans le catéchuménat a duré deux ans, dix-huit mois, que sais-je. Le moment présent n’est plus celui de la préparation mais du passage aux actes. Il ne s’agit plus simplement de franchir le seuil d’une église, mais de présenter toute sa vie à Dieu pour qu’il en prenne possession.
C’est ce que nous vivons aujourd’hui au moment où je vais appeler personnellement chacun des trois cent onze que vous êtes. Evidemment je ne pourrai pas parler beaucoup avec chacun et chacune d’entre vous. L’important ne tient pas à la quantité des paroles, mais au fait que je vous appelle et que vous répondiez à cet appel. Vous inscrirez votre nom sur le Livre de Vie. Au cours des prochains dimanches vous vivrez avec vos communautés chrétiennes les scrutins qui vous porteront jusqu’à la Vigile Pascale. Nous nous retrouverons ici-même dans la cathédrale le dimanche après Pâques, quand vous aurez abandonné le vêtement de la pénitence et du deuil, pour revêtir le vêtement de la vie nouvelle, de la joie et de la résurrection.

Comme au bord du chemin Barthimée a crié à plusieurs reprises : « Jésus Fils de David aie pitié de moi » (Mc 10, 47), vous avez aussi appelé vers Jésus. Et aujourd’hui Jésus me dit : « appelez-le » (Mc 10, 49). Et je vous dis « confiance, lève-toi il t’appelle » (Mc 10, 49). Et Jésus dit à chacun de vous « que veux-tu que je fasse pour toi ? » « - Rabbouni, fais que je voie » (Mc 10, 51), et Jésus lui dit « ‘va, ta foi t’a sauvé’, et aussitôt il se mit à voir et il suivait Jésus sur la route » (Mc 10, 52).

Pendant quelques instants de silence nous prions les uns pour les autres. Que la puissance de l’Evangile transforme nos vies. Que chacune et chacun d’entre vous soit conduit par le Christ jusqu’à la pleine vision de son amour et reçoive la joie d’être de ses disciples.
+André cardinal Vingt-Trois

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