Homélie du Cardinal André Vingt-Trois - 2e dimanche de Carême

Cathédrale Notre-Dame de Paris - dimanche 8 mars 2009

Gn 22, 1-2.9a10-13.15-18 ; Ps 115, 10.15-19 ; Rm 8, 31b-34 ;
Evangile selon saint Marc au chapitre 9, versets 2-10

Homélie du Cardinal André Vingt-Trois

Frères et sœurs,

Semaine après semaine, tout au long de notre chemin vers la Pâques, la liturgie nous fait franchir de nouvelles étapes. Celle qui nous est proposée en ce deuxième dimanche de Carême se comprend clairement par la place de l’épisode de la transfiguration dans les évangiles synoptiques.
Chez Matthieu, chez Marc, comme chez Luc, ce récit est concomitant des premières annonces que Jésus fait de sa Passion, c’est-à-dire de son arrestation, de son jugement, de son exécution et de sa résurrection. Mais cette prophétie sur ce qui va survenir dans la vie du Christ, reste énigmatique pour les disciples.
Pour fortifier leur foi et leur confiance qui vont être fortement ébranlées par ces évènements, la transfiguration manifeste prophétiquement la gloire à laquelle le Christ est appelé et dans laquelle il entrera par sa résurrection.
Dans la sobriété du texte - « son visage brillant comme le soleil », « ses vêtements resplendissants d’une blancheur inconnue sur terre » (Mc 9, 3), les signes de cette gloire évoquent pour les auditeurs juifs une manifestation de Dieu. Cette théophanie vient fortifier la foi des disciples en Jésus. Celui qu’il connaisse, qu’ils accompagnent depuis des mois, qui les enseigne et qui opère des signes devant eux, n’est pas simplement un prophète, un prédicateur ou un rabbi ordinaire.
Il est le messie de Dieu. Son identité messianique et même sa divinité sont attestées par ces signes et par la présence d’Elie et de Moïse (Mc 9, 4).
Ces deux témoins garantissent l’authenticité de la parole venant du ciel que les apôtres vont entendre. Ils confirment la vérité de ce qui se passe devant eux. La présence de Moïse et d’Elie apporte l’appui de la loi et des prophètes, de toute la tradition biblique et de la Révélation faite au peuple élu : celui qu’ils entourent et désignent à l’attention des apôtres est celui que Dieu a promis d’envoyer.

La montagne de la transfiguration annonce celle du calvaire, le choix de Pierre Jacques et Jean qui accompagneront Jésus à Gethsemani annonce son agonie. Le Christ veut ancrer l’espérance dans le cœur des ses disciples avant sa Passion. Ils ne sont pas conduits sur cette montagne pour raconter ensuite ce qu’ils auront vu aux autres qui n’étaient pas là. Au contraire, Jésus leur demande de garder le silence jusqu’à ce que le Fils de l’Homme soit ressuscité d’entre les morts (Mc 9, 9), c’est-à-dire jusqu’à ce que les événements annoncés se soient accomplis.
Mais ils sont choisis par le Christ pour vivre une expérience exceptionnelle qui doit leur permettre d’affronter la crise exceptionnelle que provoqueront le procès et de la mort de Jésus à Jérusalem. Il leur est donné de voir visiblement, avec leurs yeux de chair, l’identité profonde habituellement invisible de Jésus de Nazareth. Jusqu’ici, ils ont vu l’humanité du Christ, ce en quoi il partage toute notre existence, le fait qu’il mange, qu’il dorme, qu’il travaille, qu’il soit fatigué ou qu’il pleure, bref, le fait qu’il soit un homme.
Il leur est alors montré que cet homme qu’il connaisse bien maintenant, est plus que ce qui apparaît à la vue de tous. Celui-ci est non seulement le Messie attesté par Elie et Moïse, mais plus encore le Fils bien-aimé du Père, que désigne la voix de Dieu venant du ciel (Mc 9, 7), comme au moment du baptême de Jésus.

En désignant Jésus de Nazareth comme son fils bien-aimé, le Père dévoile qu’avec lui nous sommes appelés à laisser la puissance de la vie divine habiter notre existence humaine. Nous pouvons accueillir la puissance de l’amour de Dieu pour qu’elle nous transforme invisiblement et que notre manière de vivre change visiblement. De même, que le Fils de Dieu est invisiblement présent en Jésus de Nazareth, de même nous sommes tous en communion de manière invisible ave le Père.
Nous ne sommes pas simplement des êtres humains jetés dans l’existence sur la surface du globe, mais des images de Dieu, des enfants de Dieu marqués par l’onction divine comme le Fils. Nous sommes d’une certaine façon devenus d’autres « christ », des chrétiens. Et nous manifestons cette dignité nouvelle à travers notre manière de vivre de chaque jour, qui fait transparaître l’amour de Dieu.
La transfiguration de Jésus devant les trois apôtres qu’il a choisis et entraînés pour cette expérience exceptionnelle, ne concerne pas simplement le temps du Christ. C’est un événement qui concerne tout le temps de l’expérience chrétienne au long de l’histoire. Nous aussi, aujourd’hui, nous sommes invités à écouter le Fils unique du Père et à devenir en Lui les enfants de Dieu pour porter de manière lumineuse la marque de notre communion avec le Père. Amen.

+André cardinal Vingt-Trois, Archevêque de Paris

Homélies

Homélies