Homélie du Cardinal André Vingt-Trois - Messe de clôture du festival Annuncio

Samedi 28 août 2010 - St Pierre de Montmartre (18e)

 1 Co 1, 26-31 ; Ps 32, 13-13.18-21 ; Mt 25, 14-30

Chers amis,

Au terme de ces jours de mission que vous avez vécus en différents lieux en France ou en Espagne, vous voici rassemblés ce matin pour rendre grâce au Seigneur. Mais de quoi devons-nous Lui rendre grâce ? Nous savons qu’il est quelque fois tentant de penser qu’au fond, nous avons évangélisé parce que nous sommes meilleurs que les autres. Mais l’épître de saint Paul que nous venons d’entendre nous aide à mieux comprendre ce qui est mystérieusement à l’œuvre dans l’évangélisation, qui n’est pas toujours ce qui nous apparaît de prime abord.

En effet, nous voyons bien que quand nous évangélisons, nous apportons quelque chose à ceux que nous rencontrons, et c’est vrai ! Mais si nous en restons là, nous oublions que nous-mêmes recevons d’abord quelque chose des autres (quoique pas nécessairement) mais surtout de Dieu ! Car dans l’évangélisation, le premier évangélisé ce n’est pas celui vers lequel nous allons, mais bien nous tous qui portons l’Evangile ! Avant d’être un bien destiné aux autres, et même pour qu’il devienne un bien destiné aux autres, l’Evangile doit d’abord être la nourriture de notre propre vie. Ainsi, quand nous essayons d’annoncer le Christ à ceux qui ne le connaissent pas, quand nous parlons de Lui et témoignons de ce qu’Il réalise dans notre vie, nous contribuons d’abord à notre propre conversion. En parlant du Christ, nous nous dévoilons comme ceux et celles qui sont de ses amis. En annonçant ce qu’Il a fait, nous ouvrons notre propre cœur et toute notre existence à la connaissance de sa force et de sa vie.

Au terme de cette semaine, nous sommes donc les premiers évangélisés ! Et avant de remercier Dieu de ce qu’Il a fait sur les autres, nous lui rendons grâce de nous avoir associés à son œuvre, de nous avoir choisis, si petits que nous soyons. Il nous a appelés à faire quelque chose, peu de chose peut-être, mais il nous a donné de participer à une œuvre qui déborde ce que nous sommes et ce que nous voyons.

Annoncer le Christ et son Evangile, c’est prendre notre part de la mission de l’Église. Et l’évangélisation n’est pas la somme des actions missionnaires de chacun d’entre nous, mais bien l’œuvre de l’Église toute entière. Chaque fois que nous nous laissons conduire par l’Esprit pour participer à cette œuvre, les paroles que nous disons, les gestes que nous faisons et les démarches que nous réalisons ne sont pas la marque de notre puissance évangélisatrice, mais ils participent de la mission que Jésus a confiée à ses apôtres, de l’œuvre d’évangélisation qui est celle de l’Église toute entière.

Comme nous venons de l’entendre, l’Église accomplit cette mission en ayant conscience que notre pauvreté n’est pas un handicap mais au contraire une opportunité pour manifester plus pleinement la puissance de l’Evangile. Si Dieu choisit ceux qu’Il appelle parmi les petits et les faibles, ce n’est pas pour risquer de voir son projet échouer ! Il appelle des petits et des faibles à porter l’Evangile pour manifester de manière plus éclatante que nous n’annonçons pas le Christ par l’efficacité de nos propres ressources mais par la puissance de l’Esprit ! Comme le développera saint Paul dans plusieurs de ses épîtres, lorsque nous sommes faibles, c’est alors que nous sommes forts (1 Co 1, 27 ; 4,10, 9,22 ; 2 Co 11, 29 ; 12,9-10).

Parmi ces faiblesses, ils y a celles qui sont en chacun de nous, nos limites, nos péchés, notre tiédeur, notre timidité. Il y a aussi les faiblesses de notre Église devant la tâche de l’évangélisation : le peu de motivation de beaucoup de chrétiens, les faibles ressources que nous avons aujourd’hui en prêtres et en consacrés, le long chemin qu’il faut parcourir pour que des jeunes hommes, femmes, acceptent de partir de chez eux pour annoncer l’Evangile, le peu d’écho que nous rencontrons quand nous appelons au ministère sacerdotal ou à la vie religieuse… Tout cela fait partie de notre faiblesse. Mais tout cela peut donc devenir une source de dynamisme et de puissance si y voyons l’occasion de découvrir que ce n’est pas nous qui évangélisons, mais que c’est l’œuvre du Christ.

Le Pape Jean-Paul II nous avait appelés il y a plus de vingt-cinq ans maintenant, à coopérer à la Nouvelle évangélisation. Le pape Benoît XVI a décidé cette année de créer un Conseil pontifical pour la Nouvelle Evangélisation. Ni l’un ni l’autre ne voulaient dénigrer ce que les chrétiens vivaient auparavant ou stigmatiser le fait que nous serions devenus incapables d’évangéliser. Ces appels veulent éveiller en nous la conscience de ce que l’annonce de l’Evangile et le témoignage ne sont jamais être une œuvre particulière, mais se vivent toujours dans la communion de l’Église.

Mêmes pauvres de moyens, nous savons reconnaître dans chacune de nos existences et dans la vie de l’Église les richesses que nous avons reçues et qui sont comme les talents dont nous parle l’Evangile. Mais vous avez entendu comment le maître juge le serviteur a été confiée la plus petite somme et qui prend prétexte de la pauvreté de ses ressources pour ne rien risquer. Il est plus préoccupé de savoir comment préserver ce capital pour le rendre intact que de chercher à lui faire porter du fruit. Nous aussi, nous pouvons vivre notre foi comme quelque chose que nous avons à préserver et à protéger de la contamination venant de ce qui se passe autour de nous. Mais le Christ n’envoie pas ses témoins pour monter la garde devant un trésor. Il leur donne la mission d’ouvrir les richesses de son amour au cœur de tous les hommes et d’être les témoins - les passerelles - de son amour universel.

Frères et sœurs, nous rendons grâce pour la force que le Seigneur nous a donnée et pour les hommes et les femmes qu’il a mis sur notre chemin. Nous le louons de nous avoir permis de surmonter nos peurs et nos faiblesses, de ne pas nous refermer sur le trésor qu’il a mis entre nos mains, mais au contraire de pouvoir ouvrir notre existence et nous donner la chance de participer à l’œuvre divine d’annonce de la bonne nouvelle au milieu de ce monde. Amen.

+ André cardinal Vingt-Trois

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