Homélie du Cardinal André Vingt-Trois - Funérailles du Père Jean-Pierre Guiot
Mercredi 1er septembre 2010 - Sainte-Jeanne de Chantal (16e)
– Jb 19, 1.23-27a ; Ps 129 ; 1 Co 4, 1-5 ; Jn 14, 1-14
Frères et sœurs,
Les trois lectures que nous venons d’entendre avaient été choisies par le Père Jean-Pierre Guiot pour la célébration de ses obsèques et pour éclairer la démarche que nous sommes invités à vivre. Elles laissent apparaître en filigrane ce qui fut l’élément constitutif de son existence : sa foi.
Pour nous chrétiens, laïcs, prêtres ou diacres, dire que nous avons la foi est comme une évidence, même si nous ne savons pas toujours dire ce que ces mots recouvrent. Mais une profession de foi manifeste une expérience tout à fait exceptionnelle et même inintelligible ou illusoire pour beaucoup de nos contemporains et des personnes qui nous entourent et nous entendent. Car dire que nous croyons, c’est croire à la réalité de Celui que nous ne voyons pas, de Celui que personne n’a jamais vu mais qui s’est rendu présent et visible à nos yeux en Jésus de Nazareth, le Fils incarné du Père éternel. En dehors de cette reconnaissance de la personne de Jésus de Nazareth et de sa communion avec le Père, notre foi est vaine, et vaine notre espérance.
Il arrive parfois que des chrétiens soient troublés par la possibilité même que Dieu puisse se manifester dans l’existence humaine. Il n’est certes pas évident ni facile de reconnaître la présence de Dieu ici-bas. Les disciples eux-mêmes, eux qui avaient suivi Jésus depuis le début, lui demandent à voir le Père. Mais Jésus répond à Philippe : « Il y a longtemps que je suis avec vous et tu ne me connais pas Philippe ! » (Jn 14, 9). Cette requête d’une expérience vérifiable de Dieu habite le cœur de tous les croyants. Mais le chemin par lequel le Christ veut nous conduire, consiste précisément à nous apprendre à reconnaître cette présence de Dieu à travers l’histoire humaine de Jésus de Nazareth, et dans la vie de son Corps ressuscité qui est l’Église, remplie de son Esprit et agissant en son nom. Nous tous, nous avons cru, non parce que nous avons vu des choses extraordinaires, mais parce que Dieu est venu à notre rencontre et qu’il a pris chair de notre chair pour mettre en œuvre en ce monde sa miséricorde et son salut.
Seule cette confiance absolue dans l’amour révélé par le Christ justifie et explique que des hommes et des femmes, de tous âges et de tous pays, puissent se laisser transformer radicalement pour suivre les chemins du Seigneur.
L’épreuve ultime de la mort nous confronte tous (à quel que moment que ce soit), à la question de confiance radicale : « Le Christ est-il vraiment victorieux de la mort ? Est-il vraiment ressuscité des morts ? Pouvons-nous croire que la mort n’a pas le dernier mot dans l’existence humaine ? Croyons-nous que notre rédempteur, notre libérateur est vivant ? Croyons-nous comme Job que nous nous tiendrons debout avec Lui et que nous verrons Dieu ? ». Cette question ultime reprend toute notre existence et notre liberté. Elle prend toute sa force et sa violence lorsque nous sommes devant l’épreuve du départ de l’un des nôtres, quand nous sommes convoqués à prononcer notre profession de foi en la Résurrection du Christ au bord de la tombe.
Témoin de la Résurrection du Christ, témoin de l’action visible de Dieu au milieu des hommes à travers la présence de Jésus de Nazareth et la vie de son Église, Jean-Pierre Guiot est devenu un serviteur du Christ et un intendant des mystères de Dieu. Nous tous qui avons été baptisés dans le Christ, nous sommes appelés à donner le signe visible dans l’histoire de ce que l’œil de l’homme n’a jamais vu, de ce que l’oreille n’a jamais entendu, de ce qu’aucune démonstration ne pourra prouver pour contraindre personne à croire. Dieu nous invite à devenir les signes visibles de sa présence, de sa puissance et de son action à travers toutes les situations de l’existence. Et d’une manière particulière, ceux qu’il appelle à devenir les ministres de son Église, donnent le signe visible de son action de pasteur de son peuple. Ils sont appelés à sa suite, à tout donner pour que chacun puisse reconnaître le don de Dieu à l’humanité. Ce choix n’est pas une décision personnelle que nous prendrions, mais la réponse à l’appel du Christ que nous percevons qui est aussi une grâce reçue : « Toi, suis-moi ».
Jean-Pierre a suivi le Christ avec confiance, fidélité et persévérance. Il a été un bon serviteur et un bon intendant des mystères de Dieu. Avec sa personnalité, son tempérament, et son caractère, il a vraiment tout donné pour l’annonce de l’Evangile et pour la vie de l’Église. Ici à la paroisse Ste Jeanne de Chantal, comme chez moi à l’Archevêché, nous recevons des messages nombreux qui lui rendent hommage et vous expriment leur sympathie et la part qu’ils prennent à l’événement qui nous frappe. Mgr Batut m’a en particulier chargé de vous dire qu’il participait à notre prière aujourd’hui depuis Lyon. Nous sommes rassemblés comme une famille autour de l’un de ses membres. Il a vraiment mis tout ce qu’il avait, tout ce qu’il était pour le service du Christ, de l’Evangile, de son Église et des communautés dont il avait la charge. Nous lui sommes reconnaissants d’avoir été au milieu de nous un témoin de la foi et quelqu’un qui nous a aidés à grandir dans la foi et à devenir à notre tour des témoins de la foi. Amen.
+ André cardinal Vingt-Trois
TESTAMENT SPIRITUEL DU PERE JEAN-PIERRE GUIOT
Mon testament spirituel
Je meurs dans la foi de l’Église ma mère.
Je crois en Dieu le Père créateur
de qui vient toute paternité au ciel et sur la terre.
Je crois au Christ le Fils du Père
qui m’a sauvé par amour et a fait de moi un fils du Père.
Je crois en l’Esprit qui me donne de faire de ma vie une vivante offrande à la louange de la gloire du Père.
Je crois en l’Église Une, Sainte, Catholique et Apostolique.
J’aime l’Église, je réaffirme ma soumission filiale au Pape, successeur de Pierre, et à mon Évêque.
Je rends grâce à Dieu le Père pour sa bonté envers tous les hommes.
Il m’a appelé sans mérite de ma part pour être le serviteur de la Bonne Nouvelle.
Mes parents et les prêtres de mon village ont été les premiers serviteurs de ma vocation. Tout au long de ma formation et de mon ministère, des prêtres, des hommes et des femmes m’ont accompagné sur le chemin de la vie.
Je rends grâce à Dieu pour leur présence.
Je demande pardon à tous ceux que j’aurais pu blesser par mes réactions un peu vives. Je voulais servir l’Église.
Je reprendrai au terme de ma vie cette phrase écrite sur mes images d’Ordination à laquelle j’ai été fidèle : « Frères, il faut qu’on nous regarde comme les serviteurs du Christ, chargés de transmettre les mystères de Dieu. » (1 Co 4, 1)
J’ai vécu une période de la vie de l’Église extraordinaire, le Concile Vatican II.
Au milieu des bouleversements qui ont suivi cet événement, Dieu m’a comblé de sa grâce. Marie Mère de Dieu et Mère de l’Église m’a accompagné au milieu de tous ces tourments.
Je reprendrais son cantique d’actions de grâce :
Il s’est penché sur son humble serviteur et m’a donné d’être fidèle.
Que Dieu dans sa grande bonté me pardonne mes péchés et m’accueille dans son Royaume.
Jean-Pierre GUIOT +
(30 mars 1939 – 24 juin 1967 – 26 août 2010)
Fait à Paris, le 15 Août 2001,
en la fête de l’Assomption de la Vierge Marie