Homélie du Cardinal André Vingt-Trois - Assisses Internationales du catéchuménat - Messe d’ouverture
Mardi 6 juillet 2010 - Saint-Joseph des Carmes (6e)
– Os 8, 4-7.11-13 ; Ps 115 ; Mt 9, 32-38
Dans l’Evangile comme dans la vie, les signes sont toujours l’objet d’une interprétation. Celle-ci peut être positive ou négative. Jésus chasse les démons, il annonce la Bonne Nouvelle, il guérit les malades et les infirmes. Les Pharisiens disent : « C’est au nom de Béelzéboul, le chef des démons, qu’il expulse les démons » (Mt 9, 34), tandis que la foule est dans l’admiration : « Jamais rien de pareil ne s’est vu en Israël » (Mt 9, 33). Il nous est permis de transposer cette situation à celle que nous connaissons aujourd’hui dans nos différents pays. En effet, nous voyons bien que, d’une façon ou d’une autre, l’enseignement du Christ, l’annonce de sa parole, les signes de salut et les gestes posés en son nom sont perceptibles et suscitent aussi bien l’irritation, l’adversité, la résistance et le refus que l’admiration et l’adhésion à la personne de Jésus de Nazareth. Le même évènement ou la même parole peuvent même susciter la colère, engendrer l’indifférence ou retourner complètement le cœur de ceux qui en sont témoins !
Nous savons que la réalité de la conversion reste pour une très large part assez difficile à expliquer rationnellement. Mais toute conversion ne passe-t-elle pas précisément par l’interprétation positive des signes de Dieu dans l’histoire des hommes et dans l’histoire personnelle de chacun ? Les hommes et les femmes qui se tournent vers l’Église ne savent pas toujours très précisément ce qu’ils viennent lui demander. Mais ils ont perçu dans le signe que l’Église donne de l’œuvre du Christ un message qui les concerne et les intéresse.
Au départ, nous ne les connaissons pas. De plus, tous ceux qui sont touchés ne viennent pas jusqu’à nous. Et nous ne rencontrons pas davantage celles et ceux qui n’ont pas encore été atteints par la parole du Christ et par les signes du salut. C’est pourquoi le regard de « pitié » (Mt 9, 36) que Jésus pose sur cette foule n’est pas simplement l’expression de sa compassion et de sa miséricorde envers des inconnus, mais également un acte d’espérance. Ce regard manifeste la conviction du Christ que, de cette foule d’hommes et de femmes qui admirent ce qu’il fait et ce qu’il dit, pourraient surgir des disciples prêts à le suivre, des hommes et des femmes capables d’accueillir la parole de Dieu comme une règle pour leur vie.
« La moisson est abondante mais les ouvriers sont peu nombreux » (Mt 9, 37). Ce verset ne signifie pas que toute la moisson est prête devant nos yeux, mais qu’elle sera infiniment plus abondante et plus fructueuse si les témoins de l’Evangile et ceux qui posent les signes du salut sont plus nombreux. C’est pourquoi Jésus invite ses disciples à prier le Maître qu’il envoie des ouvriers pour la moisson (Mt 9, 38). Le chapitre suivant de cet évangile (Mt 10) donnera la règle de fonctionnement de la mission apostolique que Jésus commence à mettre en œuvre en appelant ici les ouvriers.
Mais il ne suffit pas de prier. Il nous faut aussi nous interroger sur l’ouverture de notre cœur devant les renversements que produisent la parole et l’action du Christ. Sommes-nous comme les Pharisiens, possesseurs des chemins du salut et jaloux de ne pas les voir galvauder par des gens qui ne les méritent pas ? Sommes-nous comme la foule qui assiste aux guérisons, entend l’annonce de la Bonne Nouvelle et se laisse gagner par l’admiration ? Sommes-nous toujours capables d’émerveillement devant l’œuvre de l’Esprit au cœur des hommes ? Les chemins par lesquels des jeunes et des moins jeunes accèdent à la connaissance du Christ et les itinéraires par lesquels l’Église les prépare à partager la vie sacramentelle ne sont pas simplement affaire d’organisation ecclésiale. Le catéchuménat est d’abord un lieu d’émerveillement et d’action de grâce.
Ainsi, quand nous réfléchissons aux moyens à mettre en œuvre pour favoriser la progression dans la foi et aux propositions variées que nous pouvons faire à des jeunes ou à des moins jeunes, nous ne devons jamais oublier que nous sommes témoins d’une œuvre dont nous ne sommes ni l’origine ni le terme. Les hommes et les femmes qui s’adressent à nous ont vécu avant de nous connaître et vivront après nous avoir connus. Dieu seul est le compagnon de toute leur vie. Nous ne sommes que compagnons d’un moment important de cette histoire de grâce et de liberté, pour notre joie et pour notre édification.
Chers amis, en travaillant à perfectionner nos manières d’intervenir et d’accompagner les chemins de la foi, nous nous laissons porter avec gratitude par la multitude invisible de ces hommes et de ces femmes pour qui l’admiration du Christ a changé la vie. Nous apprenons d’eux à Le regarder et à L’entendre d’une manière nouvelle. Amen.
+ André cardinal Vingt-Trois