Homélie du Cardinal André Vingt-Trois - Messe des responsables éducatifs auprès de la jeunesse (Educateurs, enseignants, animateurs pastoraux) pour l’année « Famille Jeunesse »

Jeudi 7 octobre 2010 (Mémoire de Notre-Dame du Rosaire) - Cathédrale Notre-Dame de Paris

 Ga 3, 1-5 ; Lc 1, 69-75 ; Lc 11, 5-13

Frères et sœurs,

Ce passage de l’évangile de saint Luc est particulièrement intéressant pour notre mission d’éducateurs. Il fait en effet partie de la réponse de Jésus à ses disciples qui lui avaient demandé de leur apprendre à prier. L’Evangile nous parle peu de la manière dont Jésus priait lors des liturgies communes, mais insiste plutôt sur le fait que Jésus priait seul, longuement, à l’écart, en communion avec son Père. Les disciples qui l’ont vu prier ont été impressionnés par sa manière de faire, certainement sensiblement différente des usages courants. C’est pourquoi ils demandent au Christ : « Apprends-nous à prier comme Jean-Baptiste l’a fait pour ses disciples » (Lc 11, 1). C’est en réponse à cette question que Jésus leur donne cette prière que nous appelons le Notre Père : « Quand vous priez dites, Père… » (Lc 11, 2). Dans cette prière que nous disons si souvent, Jésus définit ce que doit être le contenu de la prière : avant tout une louange rendue à Dieu, une décentration de nos propres préoccupations pour nous tourner vers les grands objectifs du dessein divin : « Que ton Nom soit sanctifié, que ton Règne vienne, que ta volonté soit faite… » (Lc 11, 2). Cette prière est tout à fait originale par son contenu, comme Jésus le dira dans un autre évangile : « Quand vous priez ne faites pas comme les païens… » (Mt 6, 7).

Dans un deuxième temps, après leur avoir confié le contenu de leur prière, Jésus enseigne aux disciples quelle doit être l’attitude subjective de celui qui prie. C’est l’objet du passage que nous venons d’entendre, qui est centré tout entier sur ce que la petite parabole appelle le « sans gêne » (Lc 5, 8). Par ce terme, le Christ décrit l’attitude de celui qui est dans la nécessité et qui ne prend pas de précaution particulière pour demander de l’aide à celui qu’il considère comme son ami. Quand Jésus conclue la parabole en disant que celui qui est sollicité, s’il ne se lève pas par amitié, le fera parce qu’il est importuné par ce sans gêne, il ne cherche pas à nous expliquer comment Dieu réagit à la prière (nous le saurons quand nous Le verrons, plus tard), mais à nous décrire ce que doit être notre disposition intérieure. C’est avec une simplicité totale du cœur et selon l’attitude de l’homme sans-gêne que nous devons exprimer à Dieu notre désir, nos besoins, notre attente et nos supplications.

Avec une telle pédagogie de la prière, nous pourrions être surpris de trouver tant de chrétiens qui nous disent qu’ils ne savent pas prier. Et nous-mêmes, nous avons souvent du mal à faire passer à ceux dont nous avons la charge les grands éléments constitutifs de la prière. Mais il s’agit d’abord de faire comprendre que la première attitude de la prière n’est pas une construction mécaniquement élaborée, mais une disposition d’abandon et de liberté. La bonne pédagogie de la prière (hors du cadre liturgique bien-sûr) ne consiste pas à dépenser beaucoup d’inventivités ou à dire ce qu’il faut faire, mais à encourager celui qui prie à demander ce dont il a besoin et à libérer dans le cœur de l’homme cette simplicité, cette candeur et cette confiance qui vont l’encourager à demander à Dieu, sans gêne.

Lorsque la prière personnelle est un acte de confiance, de foi et d’abandon, alors certainement nous sommes exaucés. Mais vous avez aussi remarqué que d’une certaine manière l’accomplissement de notre prière nous échappe. Nous ne sommes pas exaucés parce que Dieu nous donne ce que nous avons demandé, mais parce que Dieu nous donne l’Esprit Saint. Car cette disposition d’abandon et de confiance totale du cœur ne nous conduit pas à demander n’importe quoi, mais à ne désirer rien d’autre que ce que Dieu veut donner, c’est-à-dire son Esprit. « Si donc vous qui êtes mauvais vous savez donner de bonnes choses à vos enfants, combien plus le Père céleste donnera-t-il l’Esprit Saint à ceux qui le lui demandent » (Lc 11, 13).

Dans une génération où l’expérience de la prière ne s’est pas bien transmise, où elle s’est beaucoup transformée et souvent affaiblie, il faut réapprendre à prier. Si nous voulons être des pédagogues de la prière pour les jeunes qui nous sont confiés, il nous faut nous mettre à l’école du Christ pour apprendre de Lui l’attitude intérieure constitutive de la prière. C’est ce que nous pouvons demander avec insistance. Nous savons que nous recevrons l’Esprit Saint que Dieu donne à ceux qui le lui demandent.
Amen.

+ André cardinal VINGT-TROIS Archevêque de Paris

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