Homélie du cardinal André Vingt-Trois lors de la célébration œcuménique pour les soixante-dix ans de la CIMADE lors des Semaines Sociales de France

Dimanche 28 novembre 2010 – Parc floral de Paris

Le cris d’appel de la syro-phénicienne vers Jésus, et la manière dont il est amené à y répondre nous invitent à entendre les appels que tant d’hommes et de femmes lancent vers les pays riches, qui sont aussi des terres de tradition chrétienne.

 Mc 7, 24-30

Chers amis,

A travers les siècles et l’histoire de notre terre, combien de millions femmes ont tendu les mains et crié pour demander que leur enfant soit sauvé, espérant faire quelque chose pour qu’il soit délivré de l’esprit mauvais, mais aussi du démon de la faim, de la maladie, de l’ignorance ou du mépris des autres ? Combien de millions de femmes aujourd’hui à travers le monde tournent les yeux vers la promesse d’une guérison et d’un salut pour leur enfant ?
L’évangile de Marc ne met pas en scène cette femme païenne syro-phénicienne pour en ajouter une de plus, ou pour nous fournir une figure de mère représentant toutes les autres. L’évangile veut plutôt attirer notre attention sur la foi que Jésus va reconnaître chez cette femme. Elle ne se tourne pas vers les arbres, ni vers les sources, ni vers le feu, ni même vers les dieux païens de son peuple. Elle se tourne vers Jésus, le Messie d’Israël. Et c’est vers Lui qu’elle vient pour exprimer son attente. Ainsi, cette femme de Syro-Phénicie n’est pas simplement une figure de mère qui pleure, mais le symbole des femmes qui croient. Elle est l’image de toute cette humanité qui attend quelque chose du Christ.

Naturellement, comment ne nous demanderions-nous pas vers qui vont aujourd’hui se tourner ces femmes qui attendent le salut pour leurs enfants ? Est-ce un hasard de l’histoire si une partie considérable de ce que nous appelons les pays développés sont des pays de tradition chrétienne et si nous disposons de moyens de vivre, que tant de peuples ignorent à travers le monde ? Face à ces femmes, ne sommes-nous pas dépositaires d’une promesse, comme Israël était dépositaire de la Promesse en face de cette syro-phénicienne ?

Les appels de ces mères ne nous invitent pas seulement à plus de générosité et à plus d’ouverture de cœur. Ils nous provoquent à un changement structurel, tout comme le récit de la rencontre de Jésus avec cette femme, qui était destiné à enseigner la toute jeune communauté chrétienne, dans sa mission de s’ouvrir aux nations et aux païens.

De plus, en entendant ce récit de saint Marc, comment ne pas être sensible au fait que le cri d’amour et d’espérance de cette païenne fait bouger la représentation même que Jésus se fait de sa mission ? Alors que d’emblée, il dit être d’abord envoyé pour répondre à l’attente d’Israël, grâce à cette femme, nous découvrons comment peu à peu l’annonce de la Bonne Nouvelle est appelée à passer à l’humanité toute entière.

Aujourd’hui, nous qui croyons au Christ et avons reçu ses promesses, nous sommes son Corps en ce temps de l’histoire. Comment pourrions-nous ne pas ouvrir les yeux sur l’immense humanité qui se tourne vers ce petit espace du globe où la prospérité s’est développée ? Par notre refus, comment pourrions-nous permettre que l’espérance soit déçue, que le cri qui s’adresse à nous ne soit pas entendu ? Pourrions-nous repousser ce que Jésus lui-même accueille et accepte : « Pour cette parole, va. Ton enfant est sauvé » (Mc 7, 29) ?

Amen.

+André cardinal Vingt-Trois, Archevêque de Paris

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