Homélie du Cardinal André Vingt-Trois – Messe à St Dominique – 3ème dimanche de Carême – Année A

Dimanche 27 mars 2011 - Saint-Dominique (Paris XIV)

Comme la samaritaine les chrétiens et les catéchumènes sont invités à accueillir la Parole de Dieu et à la mettre en pratique dans leur vie quotidienne pour que le monde reconnaisse que le Christ est le sauveur de tous les hommes.

 Ex 17, 3-7 ; Ps 94, 1-2.6-9 ; Rm 5, 1-2.5-8 ; Jn 4, 5-42

Frères et Sœurs,

En ce monde, la vie de chacun est comme un chemin qui commence à sa naissance et se termine à sa mort. Sur ce chemin, le Christ nous conduit à travers toutes les étapes et tous les événements de notre existence. Pendant ce temps du Carême, nous sommes invités à suivre Jésus sur le chemin qui le conduit à Jérusalem. Là encore, il s’agit de découvrir avec lui ce que Dieu attend de nous. La méditation des tentations de Jésus au désert nous a montré comment Jésus vivait sa liberté d’homme. Dans la transfiguration de Jésus sur la Montagne nous avons vu comment dans son existence humaine Jésus est le Fils bien-aimé du Père, et comment cette présence cachée du Fils unique de Dieu peut transformer nos existences humaines.

En ce jour, Jésus nous est révélé comme Sauveur du monde, comme celui qui est venu pour que tous les hommes aient la vie. Cette manifestation se fait au cours d’une des étapes de son chemin vers Jérusalem, dans ce village de Samarie où il rencontre cette femme venue puiser l’eau. Prophétiquement, cette rencontre représente comme un débordement de la promesse faite à Israël vers les nations. Ce qui avait été réalisé pour le Peuple élu lors de la traversée du désert, ce Salut qui « vient des Juifs » (Jn 4, 22), sera annoncé et proposé à toutes les nations. Cette femme de Samarie symbolise l’humanité en quête de Salut, en quête d’une eau qui pourrait apaiser son désir et sa soif.

Dans ce passage, Jésus se présente comme celui qui donne « l’eau vive » (Jn 4, 10), comme le Messie (Jn 4, 26), et comme celui qui accomplit la volonté et l’œuvre du Père (Jn 4, 34). Pour nous qui sommes baptisés, la méditation de cette étape de Jésus en Samarie nous aide à mieux entrer dans la grâce baptismale que nous avons reçue. Cette eau vive, c’est la vie de Dieu lui-même qui nous est offerte et qui fait de nous des enfants bien-aimés du Père. Et pour Aurélie qui se prépare au milieu de vous à son baptême, cette étape est l’occasion de prendre mieux conscience de cette vie qui vient du Christ et qui va transformer son existence. La célébration de la Vigile pascale au cours de laquelle elle sera baptisée, sera aussi pour nous l’occasion de renouveler les promesses de notre baptême.

A cette occasion, nous pouvons accueillir cette parole du Christ à la samaritaine : « Si tu savais le don de Dieu, si tu connaissais celui qui te dit donne-moi à boire, c’est toi qui lui aurais demandé et il t’aurait donné l’eau vive » (Jn 4, 10). Jour après jour, semaine après semaine et année après année, nous sommes appelés à mieux connaitre ce don que Dieu nous a fait dans notre baptême, et à reconnaître Jésus comme le Sauveur du monde. Autour de nous, beaucoup se demandent si le Christ a aujourd’hui quelque chose à dire aux hommes. Nous devons d’abord nous demander ce que nous recevons nous-mêmes de la parole du Christ. Car comment pourrait-il dire quelque chose à l’humanité si sa parole reste pour nous lettre morte et si nous ne la recevons pas comme une parole de vie ?

C’est la question qui nous est posée à travers le programme de « Paroisses en mission » que j’ai proposé à tout le diocèse et que vous allez reprendre en ce jour de votre assemblée paroissiale : comment la Parole du Christ éclaire l’expérience familiale que vous avez vécue, que vous vivez, ou que nous vivons tous, puisque tous nous appartenons à une famille ? Comment peut-elle guider le chemin de la jeunesse ? Comment est-elle une espérance pour ceux qui s’engagent dans le mariage et qui élèvent des enfants ? Comment est-elle une lumière pour affronter les situations imprévues auxquelles la vie nous confronte ? Comment permet-elle que cette expérience de la vie familiale soit vraiment un lieu de vie, de joie, de charité ?

Nous essayons de croire au Christ et de le suivre. Dès lors, si nous n’arrivons pas à mettre en pratique sa parole dans les circonstances les plus communes de notre vie que nous partageons avec tous nos contemporains, comment voulez-vous que ceux-ci puissent croire que le Christ change quelque chose à la vie des hommes ? Devenir témoins du Christ et missionnaires de la Bonne Nouvelle, c’est d’abord faire la volonté du Père. C’est y trouver, comme Jésus, une nourriture (Jn 4, 34). Si nous accueillons cette parole et si nous acceptons de faire la volonté du Père en toute chose et en particulier dans le domaine de la vie familiale et de l’éducation des jeunes, alors la parole du Christ atteindra le cœur de ceux au milieu desquels nous vivons. Et comme les samaritains le disaient à la femme après avoir entendu Jésus, ils pourront nous dire à nous aussi : « ce n’est plus à cause de ce que vous nous avez dit que nous croyons maintenant, nous l’avons entendu par nous-mêmes et nous savons que c’est vraiment lui le Sauveur du monde ! » (Jn 4, 42).

Amen.

+ André cardinal Vingt-Trois, Archevêque de Paris

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