Homélie du cardinal André Vingt-Trois – Fête de la Dédicace de la cathédrale

Notre-Dame de Paris – Jeudi 16 juin 2011

L’Église accomplit l’universalité des promesses faites par Dieu à Israël. Chaque église de la terre le manifeste symboliquement, et est ainsi signe et moyen de la mission du peuple chrétien au milieu du monde.

 Ap 21, 9b-14 ; Ps 83, 3-6a.8a.11c-d ; 1 P2, 4-9 ; Jn 10, 22-30

Frères et sœurs,

La vision du Livre de l’Apocalypse nous décrit la Cité sainte descendant du ciel d’auprès de Dieu. Les éléments et les symboles qui composent cette vision explicitent la nature et la mission de la Cité sainte que Dieu a bâtie pour son peuple. Les noms des douze tribus d’Israël qui sont inscrits sur les murs de la ville rappellent qu’il n’est pas d’alliance entre Dieu et l’humanité qui ne passe par l’Alliance scellée avec le peuple d’Israël et les douze tribus qui le composent. Le nom des douze apôtres inscrit sur les douze piliers évoque l’ouverture du peuple de Dieu à l’Église universelle par la médiation apostolique. Les quatre portes qui s’ouvrent vers le nord, le sud, l’orient et l’occident signifient l’universalité de la mission de l’Église, qui accomplit ainsi la vocation du Peuple élu. Cette vision de l’Apocalypse reprend donc en un regard esthétique les caractéristiques de l’Alliance entre Dieu et les hommes. Le dessein de Dieu assume l’histoire de la première Alliance et déploie celle-ci dans l’Alliance nouvelle et éternelle conclue dans le sacrifice du Christ et vécue sacramentellement dans l’Église. Toute communion avec Dieu ne peut porter la plénitude de son fruit que dans une ouverture à l’humanité entière.

Chaque Église particulière à travers le monde est comme une réalisation réduite de l’Église du Christ : elle hérite des promesses données à Israël et reçoit la mission apostolique d’ouvrir cette Alliance à toutes les nations du monde. Les églises construites ici-bas, et tout particulièrement bien-sûr cette cathédrale, portent la même symbolique que la vision de l’Apocalypse. Aujourd’hui, douze cierges sont allumés sur les douze piliers de la cathédrale marqués par l’onction sainte lors de sa consécration. Ils rappellent le fondement apostolique de l’Église et la mission reçue par les douze d’étendre à l’humanité entière le don qui Dieu avait fait aux douze tribus du Peuple d’Israël. La cathédrale, comme chacune de nos églises, donne ainsi un signe visible de la portée universelle de l’Alliance de Dieu avec les hommes. De plus, à travers toutes ses dimensions artistiques, chaque église manifeste d’une façon sensible et concrète la beauté de l’Alliance entre Dieu et les hommes.

C’est pourquoi, les églises plantées au cœur de la cité humaine ne sont pas d’abord le signe d’un particularisme quelconque, ni le refuge qui nous permettrait d’échapper au tumulte du monde. Elles sont le signe de l’appel que Dieu nous adresse : la foi qu’il a mise en nos cœurs et qui anime notre existence nous rend capables d’être témoins de son Alliance à travers les événements du monde et dans nos relations avec ceux qui nous entourent.

De plus, les églises sont à la fois le moyen et le signe du rassemblement du peuple de Dieu. Nous nous y retrouvons pour fortifier et nourrir notre communion dans le Christ à travers la célébration eucharistique, afin de recevoir encore et de mieux assumer la mission que Jésus a confiée à ses disciples de porter la Bonne Nouvelle aux limites de la terre. L’Église, peuple de Dieu rassemblé dans les églises, est le temple de l’Esprit qui nous permet d’être des adorateurs en esprit et en vérité. Notre prière n’est pas enfermée dans des bâtiments. Elle y est comme centrée pour devenir perceptible pour tous ceux qui sont hors de ces bâtiments. Nous avons reçu la mission de vivre la communion au Christ. Nous sommes le peuple rassemblé par le don qu’Il nous fait de son Corps et de son Sang, pour que ceux et celles qui habitent notre ville sachent que la promesse de Dieu n’est pas épuisée et qu’elle est rendue présente et active dans nos existences.

Voilà pourquoi c’est une joie de célébrer la Dédicace de cette cathédrale en présence d’une représentation du peuple chrétien, avec le Chapitre des chanoines et avec les clercs qui vont recevoir leur croix, mais également avec tous ceux et toutes celles qui nous sont unis spirituellement par la prière et avec tous ceux et toutes celles qui lèvent les yeux vers ce bâtiment sans toujours comprendre (intellectuellement) ce qu’il représente. A travers l’émotion esthétique et l’admiration sensible, puissent-ils percevoir que la beauté de ce qu’ils contemplent n’est pas une simple esthétique humaine mais un reflet de la beauté divine qui illumine le peuple de Dieu assemblé !

Amen.

+ André cardinal Vingt-Trois, Archevêque de Paris

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