Homélie du Cardinal André Vingt-Trois, lors de la Messe de rentrée de la Faculté Notre-Dame
Lundi 19 septembre 2011 - Saint-Etienne-du-Mont (Paris Ve)
La mission de Salut du Christ se déploie dans une générosité surabondante. Le cœur de l’homme doit être ouvert à cette mesure, pour entrer dans le don de Dieu.
Esd 1, 1-6 ; Ps 125, 1-5 ; Lc 8, 16-18
« Personne, après avoir allumé une lampe, ne la cache sous un couvercle ou ne la met en dessous du lit ; on la met sur le lampadaire pour que ceux qui entrent voient la lumière. Car rien n’est caché qui ne doive paraître au grand jour ; rien n’est secret qui ne doive être connu et venir au grand jour. Faites attention à la manière dont vous écoutez. Car celui qui a recevra encore, et celui qui n’a rien se fera enlever même ce qu’il paraît avoir. » (Lc 8, 16-18)
Ce bref passage de l’évangile de saint Luc suit immédiatement la parabole du semeur, dont il est comme un commentaire. Il nous permet de mieux comprendre de quoi il a été question, et éclaire deux aspects de cette parabole.
Le premier concerne la prodigalité (ou la générosité) illimitée de la manifestation du Christ. Le semeur sort pour semer et jette les graines à profusion, sans se préoccuper de savoir quel type de sol va les recevoir. De même, le Christ vit sa mission comme une épiphanie généreuse du Mystère de Dieu dont il ne peut fixer lui-même ni les frontières, ni les limites. Ainsi, quand il dit que la lampe est faite pour être mise sur le lampadaire pour éclairer tous ceux qui sont dans la maison, il nous révèle qu’il est venu manifester la révélation divine à toute l’humanité et non pas simplement à tel ou tel petit groupe particulier. La lampe n’est pas faite pour être cachée, enfermée ou mise sous un couvercle. Elle est faite pour être placée en vue et éclairer tous ceux qui sont dans la maison.
Cette prodigalité de la manifestation de Dieu, déjà évoquée dans la parabole du semeur, doit éclairer aussi la mission de l’Église telle que nous essayons de la mettre en œuvre à travers le travail de la Faculté. Nous ne visons pas à réduire le champ d’expansion de la Parole de Dieu en l’assujettissant à une qualification, une compétence ou une technicité. Ce serait croire que la Parole de Dieu ne pourrait être transmise, entendue et reçue au-delà d’un cercle de spécialistes en exégèse ou en vie spirituelle. La mission du Christ n’est pas réservée à ceux qui se considèrent comme les bénéficiaires d’une révélation particulière. Elle a une visée universelle. Une part de cette mission consiste pour nous à gérer la relation entre la qualification, la compétence et la spécialisation que nous acquerrons pour notre vie dans la communion au mystère du Christ, et l’ouverture de ce mystère à tous. Ceci ne conduit pas à restreindre notre désir de compétence, mais à le qualifier toujours par sa visée universelle et missionnaire.
Le second aspect met l’accent sur cet avertissement du Christ qui est un fil rouge des Évangiles : « Faites attention à la manière dont vous écoutez » (Lc 8, 18). Dans toute instance d’enseignement, une part importante de l’activité consiste à s’écouter les uns les autres bien-sûr, mais également à développer notre capacité d’accueillir une réalité, une vérité ou une parole que nous ne possédons pas et qui viennent transformer notre manière de penser et de vivre. Cette aptitude est une des qualités maitresse de l’intelligence humaine. Celle-ci fonctionne en accueillant le réel et en sachant se l’assimiler. Mais c’est également une tâche fondamentale de l’expérience chrétienne. C’est l’image donnée par la parabole du semeur. La graine répandue à profusion tombe sur des terrains capables ou non de l’accueillir pour qu’elle germe et donne du fruit. A la manifestation universelle du mystère de Dieu dans la personne du Christ doit correspondre la capacité la plus large possible d’accueillir ce mystère par l’écoute de la Parole.
La rencontre entre l’universalité de la manifestation du Christ et l’ouverture toujours plus profonde avec laquelle nous l’accueillons nous entraîne dans une logique de la profusion. La prodigalité de Dieu se développe selon notre disponibilité à écouter sa Parole et à l’accueillir. « Celui qui a recevra encore, et celui qui n’a rien se fera enlever même ce qu’il paraît avoir » (Lc 8, 18). La qualité de l’écoute est ce qui différencie celui qui a et celui qui n’a rien.
Prions le Seigneur, pour que les travaux que vous poursuivez au cours de cette année développent à la fois votre émerveillement devant l’universalité de la manifestation du salut de Dieu, et votre action de grâce pour la multiplicité des dons qu’il fait fructifier. Qu’il fasse croître en nous l’attitude d’accueil profond qui nous rend capable d’écouter sa Parole.
Amen.
+ André cardinal Vingt-Trois, Archevêque de Paris