Homélie du Cardinal André Vingt-Trois - Installation du Père Denis Metzinger, curé de St Charles de Monceau
Dimanche 25 septembre 2011 - Saint-Charles-de-Monceau (Paris XVIIe)
La vie chrétienne ne se limite pas aux déclarations d’intention, mais conduit à un agir. Le programme Paroisses en mission cherche à manifester comment la vie eucharistique se déploie aussi dans diverses directions de la charité.
– Ez 18, 25-28 ; Ps 24, 4-9 ; Ph 2, 1-11 ; Mt 21, 28-32
Frères et Sœurs,
Tous ces dimanches l’évangile de saint Matthieu nous aide à mieux comprendre quel est le Royaume que le Christ est venu établir parmi les hommes. L’évangile compare régulièrement le Royaume à une vigne. Dimanche dernier, nous avons entendu la parabole des ouvriers appelés à travailler à la vigne. Aujourd’hui, ce dialogue entre Jésus et les scribes et les pharisiens porte notre attention sur les conditions nécessaires pour un travail fructueux dans la vigne du Seigneur.
Notre légitimité pour participer au Règne de Dieu ne vient pas de notre statut ou d’une catégorie à laquelle nous appartiendrions. Elle vient de la conversion de notre cœur. Cette conversion ne s’exprime pas par les intentions et les paroles, mais à travers les actes. Cette confrontation entre la parole et les actes, entre le dire et le faire, est un trait caractéristique de l’évangile de saint Matthieu. Dès le début, dans le discours sur la montagne, il nous dit « Ce ne sont pas ceux qui disent ‘Seigneur, Seigneur’ qui entreront dans le Royaume mais ceux qui font la volonté de mon Père » (Mt 7, 21). Être disciple du Christ et participer à la mission du Christ, ce n’est pas faire une déclaration d’intention. C’est mettre en pratique la Parole du Seigneur. Ce n’est pas simplement se déclarer pour Lui. C’est manifester notre attachement à Lui par notre manière de vivre.
On a assez souvent critiqué les chrétiens en les taxant d’hypocrisie. Ils adhèrent à l’Évangile du Christ et aux grandes valeurs qu’il contient, et pourtant, ils ne sont pas capables de les mettre en pratique. Cette critique est souvent excessive ou injuste. Mais nous devons bien reconnaître qu’elle n’est pas complètement fausse. C’est ce que Jésus veut souligner quand il dit : « Ce ne sont pas les scribes et les pharisiens qui entreront les premiers dans le Royaume, mais les publicains et les prostituées parce qu’ils ont accepté de se convertir » (Mt 21, 31-32). Notre désir de vivre dans la communion de l’Église, de suivre le Christ et de mettre en pratique ses commandements doit s’exprimer plus concrètement que par une déclaration d’intention. Il implique des changements concrets dans notre manière de vivre.
En appelant le diocèse de Paris à un programme missionnaire de trois ans, intitulé « Paroisses en mission », j’ai voulu précisément que chaque assemblée eucharistique du diocèse puisse prendre conscience du fait que la participation à l’eucharistie ne constitue pas le terme de notre mise en pratique de la suite du Christ. Être pratiquant cela n’est pas seulement venir à la messe. C’est, dans le même mouvement, laisser notre participation à l’Eucharistie transformer notre manière de vivre. C’est pourquoi, au cours de la première année (« De l’Eucharistie à la mission »), nous avons réfléchi dans chaque communauté parisienne aux conséquences de notre participation à l’eucharistie, à ce que cela change dans notre vie de chaque jour et dans notre manière d’être dans le monde. L’année dernière, autour de la famille et de la jeunesse, nous avons été invités à mesurer comment notre désir de construire des familles qui soient effectivement témoins et éducatrices de la foi pour les générations qui viennent, supposait des transformations intérieures ou pratiques dans notre manière de vivre.
Pour cette année « Éthique et solidarité », j’invite chaque communauté du diocèse à vérifier comment nous mettons en œuvre l’invitation du Christ à nous faire les prochains de nos frères. Vous voyez bien que pour cela, nous ne pouvons nous contenter d’une délégation que nous ferions généreusement à d’autres pour qu’ils soient les acteurs de cette proximité de l’Église avec les pauvres. C’est pourquoi j’invite chacun de ceux et de celles qui participent à l’eucharistie à se demander comment il peut vraiment se faire le prochain de son frère dans sa vie telle qu’elle est, avec ses contraintes, ses difficultés et peut-être la pauvreté de ses moyens, comment il entre dans une relation d’attention, d’aide, de soutien à celles et à ceux qui les entourent. Si nous disons seulement : « oui, Seigneur » et que nous ne faisons rien, nous ne sommes pas des disciples du Christ. Si nous disons « peut-être » ou si nous disons « non », mais qu’à la réflexion nous changeons d’avis et nous mettons en œuvre ce que d’abord nous avions évité, nous devenons vraiment disciples du Christ.
Chacune des communautés paroissiales du diocèse de Paris, sous la conduite de son curé, est invitée à cette conversion et à cette mise en œuvre de la charité vivante de Dieu. Cette charité que nous essayons de mettre en œuvre à l’égard de ceux qui en ont besoin autour de nous, serait sujette à caution si nous n’étions pas capables de vivre dans la communion dans nos communautés. Dans l’épitre aux philippiens, saint Paul exhorte les fidèles de l’Église : « S’il est vrai que, dans le Christ, on se réconforte les uns les autres, si l’on s’encourage dans l’amour, si l’on est en communion dans l’Esprit, si l’on a de la tendresse et de la pitié, alors, pour que ma joie soit complète recherchez l’unité. (…) Ne soyez jamais intrigants ni vantards, mais ayez assez d’humilité pour estimer les autres supérieurs à vous-mêmes. Que chacun de vous ne soit pas préoccupé de lui-même, mais aussi des autres. » (Ph 2, 1-4) Cette règle de vie que saint Paul donne aux chrétiens de Philippe nous est aussi donnée pour aujourd’hui. Comment pourrions-nous devenir vraiment témoins de l’amour, si dans la vie de nos communautés chrétiennes, nous n’étions pas capables de mettre en œuvre un mode de relation fondé sur le respect mutuel, l’attention et le soutien à l’autre ? Nous ne sommes pas envoyés à travers le monde pour adopter les comportements du monde, mais pour y donner un signe qu’il y a une possibilité réelle de vivre en ce monde autrement que dans l’apparence, dans la velléité des bons sentiments ou dans l’indifférence mutuelle. Au contraire, en acceptant, chacun selon ses moyens, de prendre sur nous, nous pouvons construire une relation vraiment fraternelle avec ceux que Dieu nous donne comme frères.
Le ministère du curé de paroisse est précisément de présider à cette communion, de la favoriser, de la développer, de l’encourager, et s’il le faut, d’exhorter à la vivre quand cela n’est pas le cas. Frères et sœurs, je suis heureux aujourd’hui de confier cette mission au Père Denis METZINGER, pour qu’il soit parmi vous celui qui construit la charité dans le Seigneur.
Amen.
+ André cardinal Vingt-Trois, archevêque de Paris