Homélie du Cardinal André Vingt-Trois - Messe de rentrée du collège et lycée Stanislas et bénédiction de deux nouveaux bâtiments
Vendredi 23 septembre 2011 - Stanislas (Paris VIe)
Les jeunes, comme les autres sont influencés par ce que tout ce que l’on dit du Christ autour d’eux. Et dans l’Esprit, il leur faut pourtant savoir reconnaître en lui le Fils de Dieu. C’est le dynamisme de la vie de l’Eglise qui porte toute confession de foi.
– Ag 1, 15b – 2, 9 ; Lc 9, 18-22
Il y a deux mille ans, les paroles et les actions du Christ ont suscité la curiosité et la perplexité autour de lui. Non seulement le roi Hérode a été troublé par ce qu’il a entendu, mais beaucoup des gens qui le suivaient l’ont également été. Ils voyaient les signes accomplis par le Christ, ils entendaient ses discours et ils se demandaient : « Qui est-il ? Quel est cet homme qui nous ressemble en toute chose, mais qui dit et fait des choses que nous ne sommes ni capables de dire ni de faire ? D’où vient la sagesse de son enseignement et la puissance de ses signes ? » Nous voyons bien que cette question qui parcourait les rangs des foules qui s’approchaient du Christ, habitait aussi le cœur de ses disciples. Il ne suffisait pas d’avoir choisi de le suivre pour avoir résolu toutes ces interrogations. Il est certain que l’un ou l’autre se demandait en lui-même qui Jésus pouvait bien être ?
Ce passage de l’évangile de saint Luc nous présente Jésus dans un moment où il s’est mis à l’écart pour prier, c’est-à-dire pour entrer en relation avec son Père. Et les disciples le voient et s’approchent. Et Jésus les interroge : que dit-on de moi autour de vous ? Pour la foule qui suis-je ? Pour un instant, je vous propose de nous mettre à la place des disciples et d’accueillir cette question de Jésus comme nous étant adressée. Autour de nous, pour tous ces gens qui nous entourent dans la grande ville de Paris, qu’est-ce que Jésus-Christ représente ? Beaucoup se demandent s’il a vraiment existé, et voient sa vie comme une sorte de fable, une illusion ou une tromperie. Sans doute avez-vous déjà entendu tout cela d’une façon ou d’une autre, autour de vous. Parfois même, vous pouvez entendre ces questions très prés de vous. Ce type de réponses et cette manière de voir et de comprendre qui est le Christ habitent aussi notre cœur. Les disciples étaient marqués par ce qu’ils entendaient, et il est normal que nous soyons nous aussi travaillés par ce que l’on dit de Jésus autour de nous. Souvent, nous partageons les doutes et les questions de ceux qui nous entourent.
C’est pourquoi il est si important pour nous d’entendre la seconde question que Jésus pose aux douze : « Et vous, que dites-vous, pour vous qui suis-je ? » Il ne s’agit plus simplement de récolter autour de nous les expressions, les images, les critiques ou les louanges sur Jésus. Il ne s’agit plus simplement d’écouter nos propres mouvements intérieurs, qui nous font nous sentir si proches de Jésus à certains moments et si éloignés à d’autres. Nous devons entendre une autre question, qui ne concerne plus simplement ce que nous pensons ou ce que nous croyons du Christ. Celui-ci nous demande : « Que dites-vous ? Que dites-vous de moi ? Êtes-vous prêts aujourd’hui, à vous déclarer comme quelqu’un qui me connait et qui me suit ? » On dit tant de chose sur ce Jésus de Nazareth, on fait tant de commentaires et tant d’émissions plus ou moins justes. Êtes-vous prêts aujourd’hui à dire que ce Jésus de Nazareth est le Messie de Dieu, le Fils de Dieu ?
Si j’affirme que Jésus de Nazareth est le Fils de Dieu, je sais bien que ma bouche et ma parole disent beaucoup plus que ce que je suis capable de comprendre. Quand je dis que Jésus est le Fils de Dieu, ce n’est plus seulement moi qui parle. C’est l’Esprit de Dieu qui parle par ma bouche. C’est lui qui m’inspire de reconnaître le Messie dans la personne de Jésus.
Au début de ce XXIe siècle, chacun d’entre-nous est comme un disciple de Jésus au milieu de la foule qui l’entourait. Il entend dire toutes sortes de choses, sur le Christ, sur l’Église, sur la foi, sur les chrétiens... Chacun d’entre-nous partage ce qu’il entend, l’assume, ou succombe à ce qu’il entend autour de lui selon les moments. Et pourtant, parce que nous sommes membres du Corps du Christ, baptisés dans le Christ et appelés à devenir témoins de la foi, nous reconnaissons que Jésus de Nazareth n’est pas seulement ce que l’on dit de lui. Il est ce que le Père veut nous faire connaître de Lui : son Fils bien-aimé. Être chrétien, ce n’est pas simplement choisir entre différentes images de Jésus celle qui nous convient le mieux. C’est apprendre à devenir porte-parole et témoin d’une parole qui nous dépasse. Celle-ci doit être accueillie d’abord dans le secret de notre cœur, pour que nous sachions dire pour nous-mêmes d’abord : « Oui Seigneur, je crois que tu es le Messie ». Pour être témoin, nous devons savoir redire cette parole dans l’Église, avec les autres chrétiens, comme nous le faisons chaque dimanche en faisant la profession de foi catholique : « je crois en son Fils unique Jésus-Christ ». Enfin, être témoin, c’est apprendre devant les autres : le Christ Jésus est le Fils de Dieu, l’unique sauveur de tous les hommes.
Cet appel à devenir témoins du Christ dépasse nos forces personnelles. Nous savons bien que nous n’avons pas en nous-mêmes les moyens d’assumer ce témoignage. C’est pourquoi l’initiation chrétienne, qui commence par le baptême, s’accomplit dans la confirmation dans laquelle le baptisé reçoit la plénitude des dons de l’Esprit, et s’épanouit dans la communion eucharistique. On ne peut pas être disciples du Christ sur nos propres forces et nos propres réserves. La vie de Dieu lui-même porte du fruit en nous pour nous permettre de témoigner de Jésus-Christ. L’amour de Dieu est répandu en nos cœurs par la foi. Nous sommes plongés dans la vie de Dieu par le baptême. Nous recevons la force de l’Esprit-Saint dans la confirmation. La communion eucharistique à la mort et à la Résurrection du Christ achève de faire de nous de vrais témoins de la foi.
Ainsi, participer à la vie de la communauté éducative de Stan, ce n’est pas seulement fréquenter un des meilleurs établissements de Paris. C’est surtout entrer dans le dynamisme de ce corps ecclésial, chacun pour sa petite part et pour ce qu’il est capable de porter, mais aussi pour plus qu’il n’est capable de porter. Chacune et chacun d’entre-vous participe de la vie de l’Église et est appelé à rendre témoignage au Christ en ce monde.
Chers amis, aujourd’hui, comme chaque jour de votre vie, aujourd’hui Jésus se tourne vers vous et vous dit : « que dites-vous, pour vous qui suis-je ? » Aujourd’hui, chacune et chacun d’entre-nous est invité à lui rendre témoignage et à reconnaître en Lui celui que Dieu à envoyé pour le bonheur du monde. Amen.
+ André cardinal Vingt-Trois, archevêque de Paris