Homélie du Cardinal André Vingt-Trois - Messe solennelle d’action de grâces à l’occasion du Bicentenaire de la Brigade des Sapeurs-Pompiers de Paris.

Dimanche 18 septembre 2011 - 9h30 - Cathédrale Notre-Dame de Paris

La miséricorde de Dieu est donnée à tous les hommes, aux premiers venus comme aux derniers. Cette espérance ouvre un chemin devant toute vie, même la plus perdue.

 Is 55, 6-9 ; Ps 144, 2-3.8-9.17-18 ; Ph 1, 20c-24.27a ; Mt 20, 1-16

Frères et Sœurs,

« Les pensées de Dieu ne sont pas nos pensées, ses chemins ne sont pas nos chemins » (Is 55, 8). Cette parole du prophète Isaïe éclaire la manière dont nous pouvons comprendre la parabole de l’évangile de saint Matthieu que nous venons d’entendre (Mt 20, 1-16) : nous devons mesurer la différence entre la manière dont Dieu envisage sa relation avec les hommes et la justice des relations entre les hommes, et ce que nous en comprenons. La justice de Dieu n’est pas notre justice. Quand nous rêvons de justice, dans le meilleur des cas, nous pensons à une plus grande équité, qui, même si nous la savons illusoire, consisterait à effacer les différences pour donner à tous l’impression d’être pareils. Mais ce n’est pas ainsi que Jésus conçoit les relations humaines. Ce n’est pas non plus la forme de relation avec Dieu qu’il nous propose. Notre justice voudrait que ceux qui ont commencé à la première heure gagnent proportionnellement plus que ceux qui ont commencé à la dernière. Mais Jésus nous révèle que là où notre regard et notre jugement mesurent ce qui est raisonnablement dû à chacun, la miséricorde de Dieu fracasse notre système et ouvre la plénitude de son amour à tous. L’égalité que nous pouvons viser ne sera pas une sorte de nivellement ou de promotion sans discernement. Elle sera réalisée par la plénitude de l’amour qui traite tous les hommes avec la même miséricorde. Là où nous souhaiterions introduire les disparités, Dieu ouvre largement les bras pour accueillir tous les hommes.

Saint Paul dira que cette dimension de l’amour de Dieu est incommensurable. On ne peut pas la mesurer. Elle représente pour nous une espérance et un appel. L’espérance nous est donnée parce qu’il n’y a pas de temps dépassé, parce qu’il n’est jamais trop tard. Ceux qui sont appelés à la dernière heure ont même autant de chance que ceux qui sont appelés à la première. Il n’y a pas un seuil fatidique au-delà duquel il n’y aurait plus de repentance possible ni d’appel pour le service du Royaume. Certains sont appelés dès leur jeunesse à suivre le chemin de l’Évangile. D’autres doivent chercher pendant de nombreuses années, ou même durant plusieurs décennies, avant que la lumière pénètre leur esprit et ouvre leur cœur. Mais les premiers comme les derniers sont accueillis de la même manière dans la miséricorde de Dieu. Nul ne peut prétendre que les jeux sont faits sous prétexte qu’il a été baptisé bébé et qu’il aurait mérité la miséricorde de Dieu. Celle-ci s’offre à tout homme, à ceux qui acceptent d’entendre sa Parole, qui laissent sa lumière éclairer leur vie, ou qui veulent bien changer leur manière de vivre. Tous, les premiers comme les derniers, peuvent décider un jour de répondre à l’appel du Maître, d’abandonner leur inaction et leur solitude, et d’entrer dans un démarche à laquelle il n’avait pas pensé jusque là. A tout moment de notre vie, jusqu’à la dernière minute, Dieu peut toucher nos cœurs, Dieu peut appeler à entrer au travail de la vigne, Dieu peut convertir notre existence.

Voilà notre espérance. Mais cette parabole est en même temps un appel : la venue de Dieu dans la vie des hommes ferme à jamais pour nous l’illusion de la fatalité. Une tentation permanente de l’existence humaine est de croire que, puisque nous avons franchi telles et telles étapes et commis un certain nombre d’erreurs, puisque nous sommes prisonniers d’un certain nombre de dépendances, alors il n’y a plus de possibilité ouverte devant nous. Cet évangile nous dit le contraire. A tout moment nous pouvons être appelés par le Seigneur, nous pouvons entrer dans une vie nouvelle, vivre la conversion et l’ouverture de notre existence.

Frères et sœurs, le Dieu auquel nous croyons n’est pas un maître difficile. C’est un Père débordant d’amour qui ouvre ses bras à chacun de ceux qu’il a lancé dans l’existence. C’est un Dieu riche en miséricorde et toujours prêt à combler ceux qui répondent à son amour. Que cette espérance éclaire notre vie. Qu’elle motive notre recherche de la vérité dans notre existence. Qu’elle renforce notre courage pour accepter de corriger ce qui est malvenu dans notre vie. Qu’elle soit un motif de joie et de bonheur !

Amen.

+ André cardinal Vingt-Trois, archevêque de Paris

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