Homélie du Cardinal André Vingt-Trois - Quatrième dimanche de Carême - Année B

Dimanche 18 mars 2012 – Saint-Joseph des Nations (Paris XI)

Le Christ est le seul sauveur. Lui seul nous offre la miséricorde du Père et le salut. En ce temps de Carême, approchons de sa miséricorde en recevant le sacrement de réconciliation.

– 2 Ch 36, 14-16.19-23 ; Ps 136, 1-6 ; Ep 2, 4-10 ; Jn 3, 14-21

Frères et Sœurs,

La miséricorde de Dieu s’est manifestée aux hommes, depuis le premier jour, où il a appelé l’homme à la vie, jusqu’à aujourd’hui et jusqu’à la fin des temps.

Les textes de l’Écriture que nous avons entendus nous rappellent deux épisodes où elle s’est manifestée dans l’histoire du Peuple d’Israël, et qui sont le témoignage de la miséricorde de Dieu à l’égard de l’humanité.

Le premier épisode est celui de la marche d’Israël à travers le désert pour aller vers la Terre promise. Quarante ans – toute une génération – s’écouleront entre le passage de la Mer Rouge et l’entrée dans la terre que Dieu leur donne. Au cours de la traversée du désert, le peuple a subi les épreuves de la faim, de la soif et des piqures mortelles des serpents venimeux. Devant ce dernier péril, Moïse dresse un serpent d’airain sur une hampe de bois, et ceux qui lèvent les yeux vers ce serpent sont guéris. Ainsi, ce qui a porté la mort devient source de guérison. L’évangile de saint Jean nous rappelle le parallèle avec le signe du Christ dressé sur la croix, victime de la mort et victorieux de la mort.

Le second épisode est celui de la déportation à Babylone après la prise et le sac de Jérusalem. C’est un des passages guerriers de l’histoire d’Israël, qui rappelle tant de drames depuis le début de l’histoire de l’humanité et jusqu’à nos jours, tant de guerres et de violences qui chassent les gens d’un endroit vers un autre, les conduisent à l’esclavage ou à la déportation, comme Israël qui sera déporté à Babylone. Au terme de cette épreuve, Dieu suscite dans le cœur du roi de Perse Cyrus, la décision de rendre à Israël sa liberté et de le laisser reconstruire le Temple à Jérusalem.

Ainsi, à travers les évènements souvent périlleux de l’histoire des hommes et de chacune de nos vies, existe une source de vie et d’espérance. Mais il ne faut pas se tromper : ce n’est pas Cyrus qui donne la vie à Israël, ni Moïse et le serpent d’airain qui sauvent ceux qui sont piqués : c’est Dieu ! Si nous voulons découvrir et accueillir cette source d’espérance dans notre vie, nous ne devons pas non plus nous tromper : Dieu seul sauve !

La miséricorde dont Dieu « est riche » (Ep. 2, 4) est plus grande que toutes nos difficultés, nos faiblesses, nos fautes et tous nos péchés. Comme nous le ferons au cours de la Vigile Pascale et renouvelant les promesses de notre baptême, le premier acte de foi auquel nous sommes invités et de reconnaitre que « Dieu est plus grand que notre cœur » (1 Jn 3, 20), que sa miséricorde est plus grande que notre faiblesse, que Dieu ne condamne pas ceux qui se tournent vers lui, mais qu’il les appelle à la vie et au bonheur. Cette démarche, dans laquelle nous pouvons reconnaître notre péché sans qu’il nous accable, l’Église a reçu la mission de l’accueillir et de la rendre féconde par le sacrement de la réconciliation.

C’est pourquoi, au cours du Carême, vous tous, comme tous les chrétiens du monde, êtes invités à faire cet acte de réconciliation et de paix. Dans nos paroisses sont organisées des journées du pardon, des célébrations pénitentielles, des temps de confessions, pour que tous et toutes puissent recevoir le pardon de Dieu riche en miséricorde, et pour que nous puissions partager ce pardon avec ceux qui nous entourent. Comme nous le disons dans le Notre Père, Dieu nous pardonne pour que nous puissions nous aussi pardonner à ceux qui nous ont offensés. C’est aussi ce que dit l’Évangile : « Si, quand tu viens présenter ton offrande, tu te souviens que ton frère à quelque chose contre toi, vas d’abord te réconcilier avec ton frère, puis viens présenter ton offrande à l’autel » (Mt 5, 23-14). En ces jours de conversion, cet appel à nous offrir à la miséricorde de Dieu n’est pas une accusation, mais une espérance : Dieu veut que nous vivions.

Dans notre société, celui qui n’est pas comme nous est perçu comme un danger. Dans la société bâtie par le Christ, celui qui se présente à nous est reçu comme un frère. Il nous faut choisir entre accueillir la miséricorde du Père et recevoir l’étranger comme un frère, ou bien refuser d’accueillir l’autre comme un frère et s’exclure de la miséricorde du Père. C’est notre espérance de pouvoir, au delà de nos différences de culture, de langue, de situations, d’âge…, enrichir le Corps de l’Église par la puissance du Christ ressuscité. Car si nous accusons les différences ou les faisons grossir, notre société deviendra invivable.

Nous sommes dans l’Espérance du Christ qui nous réunit en un seul Corps, nous sommes dans l’Espérance du Christ qui est venu pour que le monde soit sauvé, nous sommes dans l’Espérance du Christ dressé sur la croix pour que ceux qui lèvent les yeux vers Lui obtiennent le salut. Que Dieu nous donne d’éprouver la joie de sa présence et de la partager. Amen.

+ André cardinal Vingt-Trois, archevêque de Paris

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