Homélie du Cardinal André Vingt-Trois - 4e Dimanche de Pâques – Année B Journée mondiale de prière pour les vocations
Dimanche 29 avril 2012 - cathédrale Notre-Dame
– Ac 4, 8-12 ; Ps 117, 1.4.8-9.22.23-29 ; 1 Jn 3, 1-2 ; Jn 10, 11-18
Frères et Sœurs,
Les versets de l’évangile de saint Jean que nous venons d’entendre nous invitent à renouveler notre regard sur le ministère de Jésus à l’égard de son peuple. La figure du pasteur, qui a traversé toute la tradition d’Israël, prend une densité nouvelle dans la personne du Christ. D’abord, Jésus n’est pas un pasteur mandaté à la place de Dieu. Il agit au nom du Père. « Qui me voit, voit le Père », dira-t-il à Philippe (Jn 14, 9). Ensuite, il exerce sa mission de pasteur d’une manière tout à fait particulière. L’offrande qu’il va faire de sa vie, qui, pour un temps au moins, semble signer l’échec de son ministère, est précisément le pivot de sa mission de pasteur. « Personne n’a pu m’enlever la vie, je la donne de moi-même » (Jn 10, 18). Nous le savons, cette offrande de Jésus s’accomplit sur le calvaire et va se prolonger et se démultiplier à travers les âges dans la célébration de l’eucharistie. Dans cet acte liturgique, nous ne reconstituons pas le sacrifice de la croix, mais, en faisant « en mémoire de lui » ce que Jésus nous a dit de faire, nous sommes associés aujourd’hui et maintenant à l’offrande qu’il a faite de sa vie. Nous recevons ce don qu’il a fait de lui-même et qui porte toute l’énergie de sa mission pastorale.
Le Bon pasteur, le vrai berger, c’est celui qui donne sa vie pour ses brebis, à la différence du pasteur mercenaire qui ne fait qu’exercer son métier contre un salaire sans que l’on attende plus de lui (Jn 10, 11-13). Il y a comme une opposition entre le mercenaire et le Fils, qui peut rappeler celle des deux fils dans la parabole de l’évangile de saint Luc : le fils aîné obéit au père tandis que le fils cadet reçoit toute sa miséricorde.
Après la résurrection de Jésus et son Ascension, les apôtres furent tout de suite confrontés à la question de savoir comment allait continuer à s’exercer la mission du Bon pasteur, du vrai berger. Comment les événements de la mort et de la résurrection de Jésus allaient-ils demeurer efficaces dans le temps ? Comment les hommes et les femmes qui entendraient sa parole et se mettraient en route à sa suite allaient-ils bénéficier du don qu’il fait de sa vie ? Jésus lui-même apporte une réponse à cette attente en consacrant les douze pour qu’ils soient les pasteurs de son peuple. Vous vous rappelez sans doute du chapitre 21 de l’évangile de saint Jean, et comment Jésus ressuscité confie cette charge à Simon : « Simon m’aimes-tu plus que ceux-ci, … sois le pasteur de mes brebis » (Jn 21, 16).
Mais cette mission que Jésus confie aux disciples est inséparablement pour eux un appel au don total de leur vie au-delà de ce qu’ils imaginent au départ. Ils sont appelés au don définitif, intégral et exclusif de leur vie. Or, préparer des hommes à s’engager dans le sacerdoce par un ‘oui’ définitif, intégral et exclusif demande du temps. S’il y a sept années de formation avant d’être ordonné prêtre, ce n’est pas que ce ‘métier’ soit tellement plus compliqué que les autres. Ces années construisent progressivement une capacité à répondre à l’appel du Christ.
Pour notre vie d’Église, aujourd’hui en 2012, nous sommes confrontés à une question de confiance : notre communion au Christ dans l’eucharistie est-elle suffisamment centrale et essentielle pour notre vie chrétienne, au point que nous nous préoccupions qu’il y ait toujours des prêtres pour célébrer l’eucharistie ? Sinon, il est inutile de répéter que l’eucharistie est le centre de la vie chrétienne ! Or, pour la célébrer, nous n’avons pas seulement besoin d’hommes capables de dire les paroles et de faire les gestes qui correspondent. Dieu appellent des hommes complètements donnés, de façon définitive, intégrale et exclusive dans leur relation au Christ.
Prier pour les vocations sacerdotales, c’est donc d’abord prier pour nous : notre vie chrétienne dépend de ces vocations, et ces vocations dépendent pour beaucoup de notre motivation, de l’estime que nous portons aux prêtres, du soutien que nous leur apportons en participant à la vie de la communauté chrétienne, des joies de nos vies familiales auxquelles nous les associons…. Au fond, tout dépend de notre capacité à être vraiment un peuple rassemblé autour de ses pasteurs.
Prions quelques instants en silence pour demander au Seigneur de nous aider à mieux percevoir cet appel radical et sa nécessité pour la vie chrétienne. Qu’il nous donne de nous émerveiller de sa générosité quand il appelle des hommes à tout donner pour le service de l’Évangile et de l’Église.
Amen.
+ André cardinal Vingt-Trois, archevêque de Paris.