Homélie du Cardinal André Vingt-Trois - Messe et consécration du nouvel autel de Saint-Germain-des-Prés – Fête du Saint-Sacrement – Année B

Dimanche 10 juin 2012 - Saint-Germain-des-Prés (Paris VI)

 Ex 24, 3-8 ; Ps 115, 12-13.15-18 ; He 9, 11-15 ; Mc 14, 12-16.22-26

Frères et Sœurs,

L’autel construit par Moïse avec les douze pierres pour les douze tribus d’Israël, est l’image du Peuple saint que Dieu a engagé dans l’Alliance avec lui en lui donnant les Dix Commandements. Ces Paroles données au Sinaï seront la charte selon laquelle l’élection du Peuple saint va se développer et porter son fruit. Mais comme dans toute alliance, il faut que les deux parties s’engagent. Dieu s’est engagé en donnant les Commandements. Et le peuple s’engage en disant « Toutes ces paroles que le Seigneur a dites, nous les mettrons en pratique » (Ex 24, 3). Pour manifester cette communion entre la volonté de Dieu et celle du peuple, Moïse va répandre sur le peuple et sur l’autel le sang du sacrifice des animaux. L’autel est donc à la fois le symbole de la présence de Dieu, et le lieu où se scelle l’Alliance entre Dieu et son Peuple.

Quand Jésus donne sa vie sur la croix, quand il répand son sang pour la multitude, il accomplit la même réalité. Sur la croix, Jésus scelle l’union entre la volonté de Dieu qui veut appeler tous les hommes à la vie, et la réponse de l’humanité dont il est le porteur. En Jésus, toute l’humanité se donne, dans la plénitude de son existence, pour sceller l’union avec Dieu.

Mais le sang versé sur le Golgotha n’est pas, physiquement, une réalité disponible pour l’humanité entière. Il est lié à un événement vécu en un temps et en un lieu : Jérusalem. L’extension de cette Alliance sur toute l’humanité a besoin de se manifester d’une façon visible et accessible à tous à travers tous les temps. Pour que l’Alliance que Dieu a scellée avec l’humanité puisse s’accomplir, il faut que l’offrande que Jésus fait de sa vie devienne accessible à tous.

Lors du dernier repas que Jésus prend avec ses disciples, il leur partage le pain et le vin qu’il désigne comme son Corps et son Sang. Ce faisant, il anticipe son sacrifice sur la croix, et ouvre ce sacrifice à tous ceux qui partageront le pain et le vin consacrés, selon le Commandement qu’il donne à ses disciples de « faire cela en mémoire » de lui (Lc 22, 19).

Ainsi, chaque fois que nous célébrons l’eucharistie dans l’Église, nous offrons la possibilité à tous ceux qui acceptent d’accueillir les commandements de Dieu, de bénéficier de l’Alliance entre Dieu et l’humanité manifestée et scellée par Jésus sur la croix. Chaque messe célébrée dans le monde est une porte ouverte sur la vie de Dieu pour tous ceux qui acceptent d’entrer dans cette Alliance. Dans la célébration eucharistique, il ne s’agit pas simplement de recevoir un morceau de pain, mais d’entrer dans le commandement de Dieu, d’accueillir sa Parole, de l’intégrer, de l’assimiler, de la recevoir comme un guide pour notre vie et de nous engager à la mettre en pratique. Cette concordance avec la Parole de Dieu ouvrir notre vie à la vie du Christ. Participer à l’eucharistie, c’est entrer dans le chemin de l’Alliance. Nous recevons le Corps et le Sang du Christ comme la garantie de la communion que Dieu offre à tous ceux qui se tournent vers Lui et acceptent que leur vie soit transformée. Quand nous sommes rassemblés autour de l’autel, nous ne venons pas jouer l’évocation rituelle d’un sacrifice. Nous sommes rassemblés pour imprégner notre vie du don que Jésus fait de sa vie, afin de nous engager à offrir notre vie pour participer pleinement à cette Alliance.

Chers jeunes amis, vous qui allez communier aujourd’hui pour la première fois, vous entrez dans cette grande aventure de l’Alliance unique et définitive. En recevant le corps du Christ sous la forme du pain, vous allez devenir un seul être avec Jésus. Jésus vient dans votre cœur, et il vous entraîne dans son cœur. Jésus vient vous visiter, et il vous attire pour visiter sa propre maison. Jésus partage son pain, et il nous invite à partager votre vie avec nos frères.

Sous la marque de la croix glorieuse qui est au fond du chœur, cet autel que je vais consacrer est au milieu de nous le signe de la présence du Christ au milieu de son Peuple. L’autel est placé à côté de l’ambon où l’on proclame la parole de Dieu. Ainsi se manifeste l’unité profonde dans l’Alliance entre le don que Dieu nous fait de sa Parole, le partage que le Christ nous fait de son corps et de son sang, la présence du Peuple nouveau qu’il constitue en rassemblant tous ceux qui participent à cette eucharistie pour les envoyer au milieu pour être témoins de cette Alliance. Quand vous sortez de l’église vous ne sortez pas seul, vous sortez avec Dieu. Quand la messe se termine, vous ne partez pas seul, vous partez avec la présence du Christ en votre cœur. Quand vous retrouvez vos maisons, vos amis, vos activités, votre école, vous n’êtes pas isolé au milieu du monde. Le Christ vit en vous et vous engage dans la relation avec les autres pour être témoin avec Lui de l’amour de Dieu pour le monde.

Frères et sœurs, réjouissons-nous de cette occasion qui nous est donnée de raviver notre conscience et notre confiance de la présence du Christ à son Église. Le Christ est présent à l’humanité. Il donne à son Église la mission d’être le signe et le sacrement de sa présence. Amen.

+André cardinal Vingt-Trois, archevêque de Paris.

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