Homélie du Cardinal André Vingt-Trois - Épiphanie du Seigneur - Messe pour les donateurs et légataires du diocèse de Paris

Dimanche 6 janvier 2013 - cathédrale Notre-Dame de Paris

La visite des mages, leur hommage rendu au Christ est le signe que la promesse faite par Dieu à Israël s’ouvre à l’humanité entière. Les mages sont aussi les représentants de tous ceux qui cherchent des solutions aux questions fondamentales de l’existence. C’est un lieu de rencontre du Christ.

 Is 60, 1-6 ; Ps, 71, 1-2.7-8.10-13 ; Ep 3, 2-3a.5-6 ; Mt 2, 1-12

Frères et Sœurs,

Qu’il y a-t-il donc de nouveau que Dieu fasse connaître ? Quel est ce mystère qui n’a pas été révélé aux générations passées et l’a été par l’Esprit Saint aux apôtres et aux prophètes ? Dans la nuit de Bethléem, l’Ange avait convoqué les bergers pour qu’ils viennent reconnaître le Messie, le Sauveur. Celui qui est arrivé comme le Messie et le Sauveur répondait à la promesse que Dieu avait faite à son peuple. D’une certaine façon, au cœur de la nuit de Bethléem, c’est l’accomplissement de la longue tradition de l’attente du Messie qui est accomplie et satisfaite.

Les mages qui viennent d’Orient ne s’inscrivent pas dans cette tradition. Ils ne sont pas guidés vers Bethléem par un ange, ils n’ont pas la promesse faite à Abraham et transmise à travers les générations d’Israël. Ils viennent de la sagesse païenne. Plus cultivés que d’autres, plus entraînés à scruter les signes, ils ont cherché, ils se sont interrogés. Peut-être désireux de recevoir une réponse à leur veille et à leurs attentes, ils se sont mis en route sur la foi de cette étoile. En tout cas, ils ne viennent pas reconnaître le messie comme les juifs pouvaient le reconnaître, et d’ailleurs ils demandent où est né le roi des Juifs. Dans leur démarche, il faut noter que l’évangile de saint Matthieu nous montre qu’ils passent par Jérusalem, précisément parce qu’ils cherchent le roi des Juifs. Ils ont recourt à la connaissance des Écritures qu’ils n’ont pas eux-mêmes, ils espèrent trouver des traces dans la capitale du peuple Juif. Cette sagesse païenne qui chemine depuis de longues distances, et aussi de longs siècles, passe elle aussi par une rencontre avec la tradition juive pour savoir où est le Messie.

La nouveauté, c’est que par la visite de ces hommes, par l’hommage qu’ils rendent au Christ, la promesse faite par Dieu à Israël s’ouvre à l’humanité entière. Et la tradition chrétienne a reconnu à travers eux les représentants de toutes les nations qui viennent pour adorer le Messie. Nous comprenons évidemment que cette avant-garde des païens venus à la rencontre du Roi des Juifs a quelque chose de très prophétique. Tout n’est pas accompli, mais le signe est donné : l’enfant qui est né dans la nuit de Bethléem n’est pas venu seulement pour accomplir la promesse faite à Israël, il est venu pour sauver l’humanité toute entière. Quand Paul évoque ce mystère qui était resté caché jusqu’aux générations présentes, il l’évoque comme un don de l’Esprit et donc aussi comme une mission. À travers ces hommes, nous discernons tous ceux et toutes celles qui traversent leur existence habités par des questions qui dépassent le quotidien : le sens de la vie, le sens de la mort, le sens des relations humaines, bref tous ceux qui ne se sont pas laissés enfermer dans le conditionnement quotidien mais qui ont accepté que leur cœur soit provoqué par des questions qui les dérangent.

Dans notre société, beaucoup d’hommes et de femmes portent ces questions d’une façon plus ou moins claire, plus ou moins explicite, ou plus ou moins enfouie. Parfois, elles font irruption à l’occasion d’un événement extraordinaire, d’un accident, d’un drame. Parfois, elles restent sourdes, enfouies, mais nous n’avons pas encore réussi à arracher du cœur de l’homme l’inquiétude, l’inquiétude profonde sur ce qu’il doit devenir.

La grâce qui nous est faite dans le Christ, c’est de découvrir qu’à travers ces questions que tous les hommes partagent, nous avons un élément de réponse à apporter, ou en tout cas nous pouvons aider nos contemporains à affronter ces questions et à chercher la solution. Oui, même à notre insu, comme les scribes autour d’Hérode qui vont donner la réponse aux Mages, tandis qu’Hérode va chercher de son côté à éliminer cette réponse, nous pouvons servir de point de repère et d’éclairage. Si nous sommes fidèles à la Parole du Christ, nous pouvons ouvrir devant nos contemporains l’espérance qu’un chemin existe et mène jusqu’à Lui.

C’est notre mission propre en ce temps d’être les témoins de cette voie par laquelle le Christ pénètre l’humanité, de ce chemin dans lequel il appelle les hommes à le suivre, de cette lumière qui éclaire la nuit de l’humanité.

Frères et sœurs, rendons grâce à Dieu qui nous associe à cette manifestation universelle de la Promesse. Rendons grâce à Dieu qui fait de nous des témoins, pour que tous les hommes de tous temps et de tous pays puissent connaître que Jésus est le Seigneur. Amen

+ André cardinal Vingt-Trois, archevêque de Paris.

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