Homélie du Cardinal André Vingt-Trois - Célébration de l’appel décisif des catéchumènes adultes
Samedi 16 février 2013 – 10h00 - Cathédrale Notre-Dame
– Ep 4, 17-32 ; Ps 24 ; Mc 10, 46-52
Frères et Sœurs, Catéchumènes,
Chacune et chacun d’entre vous, à quelque moment de sa vie, s’est trouvé dans la situation de Bartimée, le fils de Timée, mendiant, aveugle au bord du chemin, et pas seulement pour quelques instants mais parfois pour de longues années.
Chacune et chacun d’entre vous a porté dans sa conscience, dans son cœur, dans son esprit, différentes souffrances de sa vie, différents espoirs. Bien sûr, tout au long de ces années vous n’étiez pas sans savoir que quelqu’un passait au milieu de la foule qui vous entourait, vous n’étiez pas sans connaître le nom de Jésus, ou au moins la trace de son souvenir historique, mais avant que vous ayez pu concevoir que Jésus de Nazareth pouvait représenter pour vous une espérance, il a fallu que se creuse en vos cœurs le désir de le connaître.
Pour différentes raisons qui vous sont propres, est arrivé un moment dans votre vie où sa présence, son passage, se sont faits plus proches. Il était là, tout à côté de vous, soit par l’écoute d’une parole de l’Évangile, soit par le sentiment d’une présence à travers votre prière, soit par la médiation de telle ou telle personne de votre entourage. Bref, Jésus n’était plus seulement Jésus de Nazareth qui a vécu il y a deux mille ans, il était Jésus, le Christ, le Seigneur, vivant, aujourd’hui. Et chacune et chacun d’entre vous sait quelle force il a fallu surmonter et déployer pour passer de cet état d’attente à l’état d’appelant, Jésus, « Fils de David, ait pitié de moi » (Mc 10, 48).
Combien d’autres solutions a-t-il fallu essayer pour s’en sortir sans lui ? Non seulement vous avez pu fréquenter les horoscopes, les visionnaires, les charlatans, les gens qui ont tous une solution pour vous…, sauf qu’elle ne s’applique jamais ! Vous avez tous pu essayer par vos propres moyens de construire quelque chose sans jamais aboutir à un résultat. Il a fallu que ce vide en vos cœurs se creuse pour qu’un jour vous ayez le courage de crier : Jésus, « Fils de David, ait pitié de moi », et ce cri vous l’avez exprimé d’abord dans le secret de votre cœur, ensuite peut-être dans une prière plus extériorisée. C’est bien de parler de Jésus, Christ et Seigneur ! Mais où est-il en ce temps ? Où est-il en ce monde ? Y a-t-il quelque part un lieu, un peuple, une communauté qui puisse être le signe de sa présence ? Quand vous avez commencé à répondre à cette question, votre cri s’est transformé en une démarche : vous avez eu assez de désir et de force pour franchir le seuil d’une église, non seulement pour y trouver le calme et le recueillement si difficiles à rencontrer dans notre monde, mais pour y rencontrer quelqu’un, pas simplement la présence confuse de Jésus au secret de votre cœur, mais quelqu’un qui puisse vous parler de Lui, quelqu’un qui puisse être pour vous l’intermédiaire, non pas pour vous faire taire - comme beaucoup de gens autour de Jésus voulaient faire taire le fils de Timée -, mais au contraire pour vous dire : « confiance, lève-toi ; il t’appelle » (Mc 10, 49). Le jour où cette parole de confiance a répondu à votre cri de pitié, le chemin qui vous conduisait à la rencontre du Christ s’est ouvert devant vous, c’était la manière dont le Christ vous disait : « que veux-tu que je fasse pour toi ? » (Mc 10, 51).
Et vous avez répondu à cette question du Christ en disant : « Rabbouni, que je voie » (Mc 10, 51), que je connaisse les chemins du Seigneur, que je connaisse la force de Dieu, que je connaisse la paix de la réconciliation. C’est à cette réponse que correspond le chemin dans lequel vous vous êtes engagés pour rencontrer le Christ, non seulement dans l’incertitude de votre prière personnelle, mais avec la garantie sacramentelle de l’Église. Il vous appelle pour recevoir les sacrements de sa présence, de sa force, de sa lumière, de sa vie, le sacrement du baptême, le sacrement de la confirmation et le sacrement de l’eucharistie.
Ainsi, en partant d’une expérience tout à fait particulière et unique, celle de chacune et de chacun d’entre vous, et que personne d’autre n’a vécu à votre place, en partant de cette expérience profonde, qui a pu être faite de désarroi, de souffrance, ou tout simplement du désir de voir votre vie trouver la plénitude de ses possibilités, vous avez été conduits à vous tourner vers le Christ, vous êtes engagés dans un chemin où la rencontre du Christ est indissociable de la participation à la vie de l’Église. Et c’est par ce chemin que peu à peu vous avez appris à connaître non plus simplement une figure lointaine, mais la figure concrète de Jésus de Nazareth tel que nous le révèlent les évangiles, sa présence par la puissance de son Esprit, son geste, sa parole, « que veux-tu que je fasse pour toi ? ». C’est en cheminant progressivement dans cette Église que vous avez découvert que la communion avec le Christ est indissociable de la communion avec le peuple de ceux qui le suivent et qui continuent de le chercher, indissociable de la communion avec les frères que constituent ses disciples. C’est ainsi que vous vous êtes levés et que vous avez commencé à suivre Jésus sur la route.
Aujourd’hui, au nom de l’Église, comme responsable principal du diocèse de Paris, chargé du ministère des Apôtres pour annoncer la Bonne nouvelle et accueillir les nouveaux disciples du Christ, je vais appeler chacun et chacune d’entre vous pour l’ultime étape qui va le conduire au baptême, à la confirmation et à l’eucharistie. Le chemin que vous avez parcouru plus ou moins longtemps, de façon plus ou moins chaotique, de façon plus ou moins claire, ce chemin aujourd’hui je l’authentifie et je le reconnais comme le chemin par lequel Dieu a voulu vous conduire jusqu’à la foi.
Pendant ces quarante jours qui nous séparent de la célébration de la Pâque où vous serez baptisés dans l’Esprit Saint, vous allez franchir les ultimes étapes du combat spirituel commencé à travers votre chemin catéchuménal. C’est une grande joie de vous recevoir et de vous accueillir, non seulement pour moi, mais pour l’Église de Paris, et à travers elle pour l’Église toute entière. Au moment où beaucoup s’interrogent pour savoir quel est l’avenir de l’Église, moi je m’interroge pour savoir combien d’hommes et de femmes resteront aveugles à la vie du Christ présent en notre monde. Et cette vie du Christ présent en notre monde, vous allez en être les témoins et les signes par votre participation à la vie des disciples du Christ. Nous vivons donc un moment plein de reconnaissance pour ce que Dieu vous a donné, un moment plein de force pour la décision que vous avez prise, un moment plein d’espérance pour ce que Dieu accomplira avec vous à travers votre vie.
Amen.
+ André cardinal Vingt-Trois, archevêque de Paris.