Homélie du cardinal André Vingt-Trois - Messe à St Michel des Batignolles - 1er dimanche de l’Avent – Année C

Dimanche 2 décembre 2012 - Saint-Michel des Batignolles (Paris 17e)

Les événements extraordinaires annoncés par le Christ dans les astres, les fracas de la mer, l’affolement des nations, la peur des hommes... sont des signes qui sollicitent un regard de foi. Ils nous rappellent que le Christ vient nous sauver. Le temps de l’Avent nous invite à en reprendre conscience et à rester éveillés.

 Jr 33, 14-16 ; 1Th 3, 12 - 4, 2 ; Lc 21, 25-28.34-36

« Voici venir des jours où j’accomplirai la promesse de bonheur que j’ai adressée à la maison d’Israël et à la maison de Juda » (Jr 33,14). Cette prophétie du prophète Jérémie annonce un temps de répit, un temps de salut, un temps de grâce. Et nous avons souvent tendance à penser que ce temps de grâce n’est pas actuel. On croit qu’il a existé avant, on rêve d’époques de l’histoire de l’humanité où - pensons-nous - les choses allaient très bien. Ou bien on imagine qu’il arrivera après, quand le Christ reviendra à la fin des temps comme cela nous est annoncé. Et puis entre les deux, il y a notre présent. Et pour beaucoup, ce présent n’est pas vraiment marqué par l’accomplissement de la promesse du bonheur. Non pas nécessairement parce que tous auraient des vies marquées par des drames, mais parce que chacun dans sa propre vie traverse des évènements plus ou moins heureux ou malheureux, quelquefois des évènements graves qui touchent la santé, les relations familiales, ou encore la vie professionnelle. Alors que signifie une promesse de bonheur quand on est confronté à des difficultés diverses ? Qu’est-ce que cela signifie de croire que vraiment Dieu accomplit sa promesse en apportant le bonheur ?

On nous dit souvent que les chrétiens ont une chance par rapport aux autres parce qu’ils ont la foi. Je voudrais vous inviter à réfléchir sur cette chance que vous avez reçue. Comment s’articulent ces difficultés quotidiennes qui scandent nos vies et cette grâce que nous avons reçue par la foi ? En nous invitant à faire de cette année du 50e anniversaire de l’ouverture du Concile Vatican II, une année de la foi, le Pape Benoît XVI a voulu précisément stimuler la foi des chrétiens. Il a voulu nous éveiller, nous réveiller comme l’évangile nous y invitait à l’instant. « Restez éveillés et priez en tout temps » (Lc 21, 36). Ne pas être surpris dans le sommeil. Le sommeil ce n’est pas simplement la fatigue, c’est aussi une façon de couper les relations avec le monde. Traversons-nous la vie en somnambule, en dormant ou bien demeurons-nous éveillés et debout ?

Quand le Christ annonce des évènements extraordinaires qui marqueront son retour, on a tendance à penser que cela ne nous concerne pas. On lit dans l’Évangile qu’ « il y aura des signes dans le soleil, la lune et les étoiles » (Lc 21, 25) et l’on renvoie cela à plus tard ! Pourtant aujourd’hui, au XXIe siècle, il y a des cataclysmes, des accidents imprévisibles, des bouleversements, il y a tout ce que l’évangile évoque par les fracas de la mer et de la tempête qui vont affoler les nations. Et il faut bien constater qu’en certaines nations, un climat d’affolement s’installe et s’entretient. L’évangile ajoute : « les hommes mourront de peur ». Nous entendons souvent, mais peut-être n’y faisons-nous plus attention, s’exprimer cette peur de l’avenir. Des hommes sont mobilisés pour exprimer des dangers potentiels et des risques, de sorte qu’ils créent et entretiennent des peurs, et entraînent ainsi des réactions de protection et d’isolement. Mais on oublie une chose que nous dit l’évangile : ces évènements -le soleil, la lune, les étoiles, les fracas de la mer et de la tempête, l’affolement des nations, la peur des hommes-, ce sont des signes ! Evidemment ils existent, ils ont un contenu, mais ce sont des signes si nous les vivons et les regardons dans la foi. Le signe, c’est un évènement, une parole, une image, une réalité qui nous dit quelque chose, parce que nous le considérons en gardant dans notre cœur une certitude : Dieu n’a pas établi l’homme sur terre pour le mettre à mort, Il l’a placé sur terre pour lui donner la vie. C’est pour lui donner la vie qu’Il a mis en œuvre toute cette organisation extraordinaire de la création et du déroulement de l’histoire. Aussi quand nous sommes pris dans les évènements, nous ne sommes pas seulement des reporters ou des témoins qui enregistrons et notons soigneusement des risques sur une échelle de catastrophes. Nous discernons un signe. Quel est-il ? Ce signe, c’est qu’à travers les drames, les difficultés, les obstacles que rencontre l’existence humaine, le Christ vient pour nous sauver : « redressez-vous et relevez la tête car votre rédemption approche » (Lc 21, 28). Ainsi ces évènements qui peuvent affoler certains, voire les terroriser, nous disent que le Christ vient nous sauver, et nous invitent à courir à la rencontre du Seigneur pour reconnaitre cette force de salut qui nous vient en Jésus-Christ. Restez éveillés et relevez la tête car votre récompense est proche ! Relevez-vous et redressez la tête, restez éveillés et priez en tout temps !

Ce temps de l’Avent qui s’ouvre aujourd’hui est un appel à ne pas nous laisser endormir ou asphyxier par les évènements, mais à nous réveiller, à prendre conscience que nous possédons une force considérable pour changer le monde. Cette force pour changer le monde, c’est la force de l’amour que le Christ est venu mettre en œuvre parmi nous et qu’il a répandue en nos cœurs par la foi. C’est comme cela que saint Paul s’adresse aux Thessaloniciens : « que le Seigneur vous donne entre vous et à l’égard de tous les hommes un amour de plus en plus intense et débordant » (1 Th 3, 12). La force qui va nous permettre de rester debout dans les tempêtes, de garder l’espérance à travers toutes sortes de difficultés y compris celles qui nous touchent personnellement et qui peuvent nous dépouiller, la force qui va nous permettre d’être témoins de la bonne nouvelle du salut, c’est la foi au Christ.

Et donc nous essayons de mettre en œuvre l’appel de saint Paul : « faites donc de nouveau progrès nous vous en prions, frères, nous vous le demandons dans le Seigneur Jésus » (1 Th 4, 1). Réveillez-vous, priez, mettez en œuvre un amour intense et débordant dans les relations les uns avec les autres, dans vos relations à l’égard de tous les hommes, regardez les évènements de chaque jour et de toute époque non pas comme le signe de l’échec de la foi, mais comme le signe de la puissance de la foi. Gardez intacte l’espérance en Celui qui vient nous sauver. Amen.

+ André cardinal Vingt-Trois, archevêque de Paris.

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