Homélie du cardinal André Vingt-Trois – Solennité de la Dédicace de la cathédrale
Notre-Dame de Paris – Dimanche 16 juin 2013
La fête de la dédicace de la cathédrale nous rappelle que Notre-Dame, comme les autres églises de pierres sont à l’exemple du Temple de Jérusalem, le signe de la présence de Dieu parmi les hommes, le lieu où nous nous rassemblons pour accueillir le don de la grâce de Dieu, et le lieu où nous pouvons donner le signe d’un peuple uni dans la communion de l’amour.
– Ap 21, 9b-14 ; Ps 83 ; 1 Pi 2, 4-9 ; Jn 10, 22-30
Frères et Sœurs,
La célébration du jubilé du 850e anniversaire de cette cathédrale, au cœur de l’Année de la Foi promulguée par le Pape Benoît XVI, a été l’occasion pour beaucoup de chrétiens, et notamment pour beaucoup de communautés et de paroisses du diocèse de Paris, de venir ici en pèlerinage pour y renouveler la profession de foi de leur baptême. À cette occasion, ils ont eu la possibilité de découvrir, de redécouvrir ou d’approfondir, la connaissance qu’ils avaient non seulement du monument qu’est la cathédrale Notre-Dame de Paris, mais aussi de son sens et de sa fonction dans la mission de l’Église. En célébrant la mémoire de sa dédicace, il est bon pour nous de revenir quelques instants sur la mission et la signification de cette cathédrale.
Quand la vision du Voyant de l’Apocalypse nous révèle une image de la Nouvelle Jérusalem, telle qu’il la découvrait, c’est évidemment pour nous faire comprendre que Jérusalem n’est plus seulement un lieu géographique, mais qu’elle est devenue la figure de la présence de Dieu parmi les hommes et que cette présence se révèle à travers la splendeur de l’Église, non seulement, évidemment, comme bâtiment ecclésial, qui n’existait pas dans les proportions où nous le connaissons aujourd’hui, mais surtout comme corps ecclésial.
Les douze cierges allumés devant les douze croix qui marquent les douze piliers de la consécration de la cathédrale évoquent le fondement apostolique de l’Église. De même que la cathédrale repose physiquement sur ses piliers, le corps ecclésial, qui est l’âme de cette cathédrale, repose sur la communion apostolique. Et de même que les portes imaginées dans la vision de l’Apocalypse évoquent la mission de l’Église dans toutes les directions de l’humanité, la place et la construction de notre cathédrale évoquent sa mission au cœur de la cité. La cathédrale au cœur d’un diocèse est d’abord, comme le temple au cœur de la ville de Jérusalem était le signe de la présence de Dieu au milieu de son peuple, le signe de la présence du Christ à son Église. C’est le signe visible d’une présence invisible. Aucune, aucun d’entre nous ne verra jamais le Christ vivant, sinon après la mort. Durant le temps de notre vie sur cette terre, nous sommes appelés à reconnaître la présence du Christ à travers les signes qu’il nous donne. Nos églises sont des signes de la présence de Dieu au milieu des hommes. La diversité des périodes de construction, des styles, de l’aménagement de ces lieux est en elle-même un signe, car cette diversité évoque la manière dont la présence du Christ au monde se transforme et trouve des modes d’expression qui correspondent à la population à laquelle il veut être présent.
Mais ces lieux symboliques de la présence du Christ à la cité n’auraient aucune importance, ni aucune valeur, ni aucune efficacité s’ils ne représentaient pas en même temps le corps vivant de l’Église, c’est-à-dire non plus des temples de pierres, mais les temples spirituels que constitue le peuple de Dieu rassemblé par l’Esprit Saint. Pierres vivantes, le Christ nous assemble pour que, réunis, nous puissions constituer un autre signe visible de sa présence au milieu des hommes. De même que la cathédrale dans la beauté architecturale du bâtiment pose un signe au cœur de notre cité, de même les communautés chrétiennes, dans la diversité de leur composition, dans la multiplicité des fruits que la grâce produit à travers le cœur de chacun de leurs membres, dans la parole qu’elles expriment au cœur de la société, représentent le Christ vivant et agissant pour le monde. Mais il va de soi que cette présence des chrétiens à la société, que le témoignage qu’ils peuvent rendre au Christ dans les différentes circonstances de leur vie, puisent leur identité et leur force dans la célébration eucharistique qui les rassemble au cœur de l’Église. Il n’y a pas d’Église vivante sans chrétiens vivants, témoins du Christ. Il n’y a pas de chrétiens vivants, témoins du Christ sans la communion eucharistique au corps de Jésus tel qu’il s’est donné à ses disciples.
Et ainsi, nos églises, et tout particulièrement les cathédrales, deviennent à la fois le lieu où nous sommes rassemblés pour accueillir le don de la grâce de Dieu et le lieu où nous pouvons donner le signe d’un peuple uni dans la communion de l’amour, comme le Père est uni au Fils et ne fait qu’un avec Lui.
Frères et sœurs, en célébrant cette fête de la Dédicace, nous sommes remplis d’action de grâce, non seulement pour les premiers bâtisseurs de cette cathédrale, non seulement pour la communauté de foi qui a permis qu’elle s’élève au cœur de la cité, mais encore pour toutes les générations de chrétiens qui ont apporté leur contribution à son embellissement, mais surtout qui ont contribué à faire de ce lieu, le lieu vivant de la présence du Christ. Notre cœur est rempli d’action de grâce parce que parmi ces millions de visiteurs qui parcourent chaque année le parvis, puis l’intérieur de la cathédrale, beaucoup pour la première fois de leur vie, ont une chance de découvrir un signe que Dieu n’abandonne pas les hommes et que le Christ garde ceux que le Père lui a donnés pour être témoins de son amour.
Amen.
+ André cardinal Vingt-Trois, archevêque de Paris.