Homélie du cardinal André Vingt-Trois - Messe de confirmation du collège Stanislas à Notre-Dame

Samedi 25 mai 2013 - Notre-Dame de Paris

Témoigner du Christ dans le monde nécessite une force particulière que nous transmet l’Esprit Saint dans le sacrement de confirmation. Chacun trouve alors sa place dans l’Église pour le bien du corps entier pour la mission, et acquiert à son tour le droit d’être porté par le dynamisme de ce corps.

 1 Co 12, 12-2025-27 ; Ps 103, 1ab.24ac, 29bc-30, 31.34. Jn 20, 19-23

Frères et Sœurs, chers amis,

Après la mort de Jésus, les disciples sont réunis dans une pièce où ils s’enferment en verrouillant les portes car ils ont peur. Ils ont peur de subir le même sort que leur maître. Ils ont peur d’être traduits, eux-aussi, au tribunal, condamnés peut-être. Et vous ? De quoi avez-vous peur ? Qu’est-ce qui vous enferme ? Qu’est-ce qui vous fait développer toutes sortes de stratégies de protection ? Craignez-vous que votre relation avec le Christ, la communion que vous essayez de vivre avec lui en participant aux sacrements de l’Église, en accueillant sa parole et en essayant de la mettre en pratique, que tout cela aboutisse à une condamnation ? Nous avons peur. Nous n’avons pas nécessairement peur de mourir, encore qu’à travers le monde beaucoup d’hommes et de femmes, aujourd’hui, meurent à cause de leur fidélité au Christ, mais nous n’en sommes pas là, nous ne sommes pas exposés à risquer notre vie de cette manière. Mais peut-être sommes-nous exposés à risquer quelque chose qui nous paraît plus important que notre vie ? Notre réputation par exemple, l’image de nous-mêmes, comment les autres nous voient, leur réaction s’ils venaient à savoir que nous sommes chrétiens ! Si nous laissions paraître un instant que nous sommes disciples du Christ, nous railleraient-ils, nous accuseraient-ils ? Peut-être certains iraient-ils jusqu’à estimer que notre foi au Christ est un péril pour la paix commune ? Dans l’Empire Romain, les Chrétiens étaient considérés comme des gens qui troublaient l’ordre public. C’est ainsi que la peur s’insinue dans notre cœur. Et nous avons raison d’avoir peur, car s’il s’agissait seulement de nous, de nos forces, de nos convictions, de nos moyens de les annoncer ou de les laisser paraître, nous ne serions pas capables de nous déclarer pour le Christ !

Les disciples que nous voyons ici enfermés par peur des juifs, vont devenir des témoins intrépides de la foi quand ils auront reçu la puissance de l’Esprit Saint au jour de la Pentecôte. Cet Esprit transformera leur faiblesse en force, leur peur en courage, leur timidité en liberté de parole. Cet Esprit va être le ciment qui unit les membres de l’Église en un seul corps, comme saint Paul nous le disait dans son épître. Chacune et chacun des membres de l’Église est uni profondément à tous les autres par la puissance de cet Esprit. En recevant aujourd’hui la plénitude de l’Esprit Saint par le sacrement de la confirmation, vous entrez dans cette communion étroite avec tout le corps ecclésial. Ce qui arrive à l’un d’entre nous, nous touche tous. Ce qui lui arrive d’heureux nous réjouit tous. Ce qui lui arrive de malheureux nous attriste tous. Chacun, à sa place et selon sa mission, fait partie d’un corps unique. Il ne nous appartient pas de mener notre vie comme si nous pouvions nous détacher de ce corps. Il n’y a que dans les films de science-fiction que les membres se détachent des corps et peuvent avoir une vie autonome ! Dans la vie réelle ça n’est pas comme cela ! Si la main est coupée, elle meurt, si l’œil sort, il meurt, si l’oreille se détache, elle meurt. Car leur vie vient de la jonction avec la totalité du corps, c’est le corps entier qui irrigue chacun des membres pour lui donner la capacité d’exercer sa mission.

Ainsi, nous qui participons à la vie du Christ dans l’Église, nous puisons notre vie à cette source que représente Jésus lui-même. Je suis le cep, vous êtes les sarments. C’est par le cep que les sarments reçoivent leur vie, et s’ils sont coupés du cep ils perdent leur vie. C’est donc une étape importante de votre vie qui vous permet aujourd’hui de prendre pleinement votre place dans ce corps ecclésial, de devenir vraiment des acteurs de la vie de l’Église, pas simplement des gens qui en profitent, pas simplement des gens qui attendent d’elle les solutions à leurs problèmes, mais des gens qui se proposent pour aider les autres à vivre, des gens qui apprennent du Christ à se mettre au service les uns des autres. Être chrétien aujourd’hui, ce n’est pas un privilège, c’est une mission. Être membre de l’Église, ce n’est pas avoir acquis le droit de lui dire ce qu’elle doit faire, c’est acquérir le droit de nous plonger dans la communion du corps entier et de nous laisser porter par le dynamisme de ce corps.

Ce pas que vous faites aujourd’hui marque un chemin que vous avez parcouru au long des années écoulées, il représente surtout une décision personnelle : aujourd’hui c’est chacune et chacun d’entre vous qui demande à faire vraiment partie de l’Église et qui s’engage à être fidèle à cette décision. C’est pourquoi nous sommes heureux de rendre grâce à Dieu pour la démarche que vous faites, c’est pourquoi vos parents, vos amis, tous ceux qui vous entourent, vous portent aujourd’hui dans leur prière pour que vous ressortiez de cette cathédrale dans la paix et dans la force de l’Esprit Saint.

Amen.

+ André cardinal VINGT-TROIS, archevêque de Paris.

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